Certains Libanais qui se souviennent encore de la guerre de 2006 ont revu hier l’épisode du navire de guerre israélien en flammes au large des côtes libanaises en direct alors que le secrétaire général du Hezbollah prononçait un discours. Devant les téléspectateurs éberlués, Nasrallah avait demandé à ceux qui le regardaient de voir comment le navire israélien allait brûler, atteint par un missile. Instinctivement, ceux qui en avaient la possibilité sont sortis sur leurs balcons en regardant la mer et ils ont vu presque simultanément le navire de guerre prendre feu. Que le passage ait été monté à l’avance pour correspondre au tir de missile ou non, Nasrallah avait, à travers cet épisode, marqué un grand point dans la guerre psychologique et médiatique qui l’opposait aux Israéliens. D’ailleurs, l’image est longtemps restée dans les esprits. Hier, il a tenté un coup similaire. Un peu plus d’une heure après le discours du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu devant l’Assemblée générale des Nations unies et son show pour monter les habitants de Jnah et de la banlieue sud contre le Hezbollah dont il aurait découvert des dépôts d’armes et de matières explosives près de réserves de gaz, dans des quartiers résidentiels, Nasrallah a répondu quasiment en direct. Un petit sourire ironique sur les lèvres, il a invité les journalistes à se rendre sur les lieux pour constater « le mensonge flagrant » de Netanyahu. Avant même qu’il n’ait achevé son discours, le département de l’information au sein du Hezbollah avait organisé une tournée sur les lieux pour les représentants des médias locaux et internationaux. Ceux-ci ont pu inspecter l’usine en question et interroger ceux qui y travaillent pour vérifier qu’il ne s’agit nullement de produits explosifs mais de traitement des métaux. Pour le Hezbollah, il était important de réagir rapidement pour ne pas laisser le doute faire son chemin dans les esprits. En même temps, il voulait tourner en ridicule la prestation de Netanyahu qui cherchait d’abord à montrer l’étendue de sa connaissance de ce que fait le Hezbollah et des lieux où il cache ses armes, et ensuite montrer son « souci du peuple libanais mis en danger par les activités du Hezbollah ».
La réponse à Macron
Cette parenthèse israélienne refermée, Nasrallah s’est longuement étendu sur l’initiative française et sur les propos tenus par le président français au cours de sa conférence de presse de dimanche. Le secrétaire général du Hezbollah ne pouvait pas laisser passer les accusations portées par Emmanuel Macron contre sa formation (entre autres) d’avoir trahi ses engagements et d’être corrompue. Sans omettre aucun détail, Nasrallah a repris les étapes de l’initiative française lancée le 6 août lors de la première visite du président français à Beyrouth. Selon les faits qu’il a exposés, l’initiative française ne prévoyait au départ l’exclusion d’aucune partie. Elle visait au contraire à obtenir la bénédiction de toutes. La position française se distinguait d’ailleurs de celle des États-Unis et de ses alliés parce que, justement, elle acceptait de discuter avec le Hezbollah. Ce sont donc ceux qui ont saboté cette initiative, en s’arrogeant le droit de choisir le nombre de ministres, les portefeuilles et les noms, qui ont trahi leurs engagements. Nasrallah a ainsi clairement accusé ceux qu’on appelle désormais « le club des anciens présidents du Conseil » d’avoir détourné l’initiative française de son processus initial en essayant de rééditer l’expérience de 2005-2008 avec un gouvernement présidé par Fouad Siniora, tronqué des ministres chiites, qui avait pris la décision de s’en prendre au réseau de télécommunications du Hezbollah, provoquant ainsi la fameuse opération du 7 mai 2008 (en référence aux violents affrontements à Beyrouth entre les partisans de la formation chiite et du courant du Futur, NDLR) qui a été suivie de l’accord de Doha. Les « manœuvres suspectes du club des anciens présidents du Conseil » ont provoqué la méfiance d’Amal et du Hezbollah, les poussant à flairer l’existence d’un piège à leur encontre, a-t-il expliqué.
Après les sanctions américaines et les propos des responsables US contre le Hezbollah et le dernier discours du roi d’Arabie – qui avait accusé le Hezbollah d’« exercer son hégémonie sur la prise de décision au Liban » et lui avait fait assumer la responsabilité de la tragédie du 4 août au port de Beyrouth –, les deux formations chiites étaient désormais convaincues qu’il y avait des instructions étrangères derrière l’attitude des anciens présidents du Conseil. Hassan Nasrallah s’est toutefois gardé de nommer directement les anciens présidents du Conseil pour sans doute les ménager et garder ouverte la possibilité d’une nouvelle entente. Il faut d’ailleurs signaler à cet égard la position de l’ancien président du Conseil Nagib Mikati, juste au moment où Moustapha Adib se préparait à annoncer sa renonciation à la mission de former un gouvernement. Dans deux interventions télévisées, la première le vendredi soir, alors qu’Adib était en réunion avec Ali Hassan Khalil et Ali Khalil, il avait déclaré que le Premier ministre désigné comptait annoncer son retrait le lendemain, lors de sa rencontre avec le chef de l’État. La seconde a eu lieu samedi après l’annonce d’Adib, lorsqu’il a déclaré qu’il préconisait la formation d’un gouvernement « techno-politique » composé de 20 membres, 14 experts et 6 représentants des parties politiques. Cette position n’a pas été commentée par les différentes parties, mais elle ouvre la voie à une solution ou en tout cas à de nouvelles tractations. Il faut rappeler que Nagib Mikati avait formé deux gouvernements à des périodes particulièrement critiques : en 2005, après la démission du gouvernement présidé par Omar Karamé suite à l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri et avant les élections législatives en mai de la même année. Ensuite en 2011, après la démission spectaculaire du gouvernement présidé par Saad Hariri qui se trouvait à Washington, jusqu’en 2014.
Les milieux proches de Mikati affirment qu’il ne se comporte nullement en candidat, mais qu’il veut simplement faire prévaloir le langage de la raison et de la sagesse à une période aussi grave pour le Liban et les Libanais. L’idée est en tout cas lancée. Il y en aura probablement d’autres, mais pour Nasrallah, qui s’est, en dépit de ses reproches au ton utilisé par Emmanuel Macron, déclaré malgré tout attaché à l’initiative française, c’est aux Français eux-mêmes de sauver celle-ci, en en rectifiant le tir. Sinon, le pays continuera à patauger dans ses crises jusqu’à l’élection américaine (en novembre). Et, à ce moment-là, les décideurs préféreront s’adresser directement aux Américains...
commentaires (8)
Le Port, Ain Qana ... a quand (et ou) la prochaine explosion ? Yalla ca suffit de dire n'importe quoi. En Iran y a des explosions (mysterieuses) presque chaque semaine. Le Liban va suivre?
IMB a SPO
18 h 12, le 01 octobre 2020