
Des combattants syriens proturcs entre Tal Abyad et Kobané dans le Nord syrien. Archives AFP
« Incroyable ! Tu as vu que l’Arménie a envahi l’Azerbaïdjan ? » Pour Samer*, un activiste aleppin réfugié en Turquie depuis plusieurs années, cela ne fait pas de doute. Sur les chaînes de télévision et dans les médias locaux, l’information passe en boucle. Impossible alors, pour lui, de remettre en question la version officielle. Allié de Bakou, Ankara s’est engagé à ses côtés dans le conflit qui l’oppose à Erevan sur la question du Haut-Karabakh, région à majorité arménienne, sous tension depuis plus de trente ans. Dimanche, des combats ont éclaté entre les forces azéries et les forces arméniennes, et la Turquie s’est dit hier déterminée à aider l’Azerbaïdjan à « recouvrer ses terres occupées ». Pour soutenir son petit frère azéri, elle dispose d’un armement de pointe mais aussi de ressources humaines, non turques, facilement mobilisables. Ankara aurait ainsi envoyé, comme elle l’a fait en Libye, des mercenaires syriens combattre dans le Haut-Karabakh. « L’Azerbaïdjan est la nouvelle destination “in” pour des mercenaires syriens qui n’entrevoient pas d’autres perspective d’avenir », déplore Samer. C’est l’Arménie, à travers son ambassadeur en Russie, qui a donné l’information en accusant Bakou et son allié turc d’employer plusieurs milliers de combattants vétérans de la guerre en Syrie dans les combats au Haut-Karabakh.
« Environ 4 000 combattants ont été récemment transportés par la Turquie de Syrie vers l’Azerbaïdjan », a déclaré lundi Vardan Toghanyan. Des allégations aussitôt réfutées par l’Azerbaïdjan. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), 320 combattants syriens, pour la plupart d’origine turkmène, auraient été envoyés à Bakou après avoir été recrutés par des compagnies de sécurité turques.
Le porte-parole de l’Armée nationale syrienne (pro-Ankara), Youssef Hammoud, joint par L’OLJ, dément pour sa part l’envoi de mercenaires en Azerbaïdjan. « C’est une guerre de propagande. On sait qu’il y a même des membres de l’opposition syrienne qui ont intérêt à répandre ce genre de fake news », affirme-t-il au téléphone. Mais dans les bastions de l’opposition syrienne, à Idleb comme dans le Nord-Ouest, l’envoi de mercenaires proturcs en Azerbaïdjan est un secret de Polichinelle et les bureaux de recrutement auraient déjà pignon sur rue.
Salaire attrayant
Nombreux sont ceux qui connaissent un ami ou un proche qui serait parti dans le Caucase ces dernières semaines, ou du moins songerait à le faire. Après l’expérience libyenne, où des milliers de mercenaires syriens ont été envoyés de part et d’autre, l’idée de combattre à l’étranger pour les beaux yeux de la Turquie serait perçue comme plus acceptable socialement. Mais, au contraire de la Libye sunnite, l’Azerbaïdjan est à majorité chiite, ce qui pourrait poser un problème de conscience à des combattants syriens sunnites. « Il y a des familles dans le Nord syrien qui pourraient avoir honte d’envoyer leur fils se battre pour des chiites », estime Samer. « L’Azerbaïdjan est en train de se “sunniser” sous l’influence de la Turquie », nuance une source diplomatique proche du dossier. Mohammad*, 19 ans, originaire d’Idleb, travaillait dans la menuiserie de son père. Mais à cause de la crise économique et de la pandémie, la famille s’est retrouvée sans revenus. « Il nous a dit qu’il n’avait plus le choix, qu’il était acculé. Il a dit à ses parents qu’il cherchait du travail vers la frontière turque, alors qu’en réalité il s’était inscrit sur une liste auprès de l’Armée nationale (soutenue par Ankara), pour être envoyé comme combattant en Libye ou ailleurs. Il y a quinze jours, ils l’ont appelé pour lui dire de venir à Afrine avant d’être envoyé en Azerbaïdjan », raconte Fateh, son ami, via WhatsApp. Mis devant le fait accompli, Mohammad a voulu faire marche arrière, malgré un salaire mensuel attrayant de 1 500 à 2 000 dollars, et a tout raconté à ses parents qui étaient furieux. « Il a été obligé de partir. Mais c’est un bleu ! Il n’a jamais porté une arme de sa vie », fustige Fateh, qui a tout fait pour l’en dissuader.
Le chômage rampant à cause de la crise et de la dévaluation de la livre syrienne pousse certains à aller se battre au-delà des frontières. « Un combattant syrien au sein des différents groupes pro-Turquie est payé environ 50$ par mois. Il n’est pas difficile d’appâter des jeunes pour aller combattre en Libye ou en Azerbaïdjan », déplore Rafek*, un ancien combattant de l’Armée syrienne libre, contacté via WhatsApp. Il explique que chaque faction chapeautée par l’Armée nationale a proposé à ses recrues d’être envoyés à Bakou via la Turquie. La photo de l’une d’entre elles circulait hier sur Twitter. Mohammad Chaalan, originaire d’al-Atareb, dans la province d’Alep, et ayant combattu au sein du groupe Thouwar al-Cham avant de le quitter, serait mort au combat après avoir rejoint l’Azerbaïdjan la semaine dernière.Les recrues au sein de l’AN sont en majorité des miliciens entraînés qui n’ont pas combattu contre les forces d’Assad, mais qui ont été employées pour servir les plans turcs, notamment dans la lutte contre l’État islamique et contre les forces kurdes. Selon un rapport de l’ONU, ces hommes se livrent au pillage systématique, à l’extorsion, aux enlèvements contre rançon, au trafic d’êtres humains, de drogues, de cigarettes et d’armes.
« Personne n’est dupe. Ces soldats savent bien qu’ils ne vont pas faire les bodyguards à côté d’installations pétrolières ou gazières. On leur dit qu’en combattant les Arméniens, c’est un peu Assad qu’ils combattent, mais surtout les Russes », explique Rafek. Aux yeux de certains rebelles proturcs ainsi que pour les réfugiés syriens en Turquie, une animosité envers l’Arménie et la communauté arménienne en Syrie existe à cause de son soutien au régime de Bachar el-Assad. « Nous les avons accueillis en Syrie et ils ont choisi le camp d’un tyran. Malgré cela, la guerre dans le Haut-Karabakh n’est pas notre guerre et les Syriens devraient arrêter d’y aller », dénonce Samer.
Des rumeurs sur l’envoi dans le Haut-Karabakh de combattants syro-arméniens d’Alep, à travers le diocèse arménien et sous l’égide de Moscou, ont notamment circulé hier. Un scénario qui renvoie au conflit libyen ou des mercenaires prorégime ont été envoyés combattre avec le groupe russe Wagner en soutien au maréchal Khalifa Haftar. « Ils disent que ce sont des Arméniens de Cheikh Maqsoud à Alep qui sont partis, or c’est un quartier kurde, c’est du grand n’importe quoi », déplore Marco*, un catholique de la ville.
*Les prénoms ont été modifiés
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LES GENOCIDAIRES TURCS OTTOMANS SUR ORDRE DUE LEUR CHEF GENOCIDAIRE OTTOMAN ERDO SE PREPARENT A PERPETRER ET ACHEVER LE GENOCIDE DES ARMENIENS COMMENCE PAR LEURS PREDECESSEURS EN ENVOYANT DES MERCENAIRES ISLAMISTES TUER LES CHRETIENS ARMENIENS. . L,ONU ET LES GRANDES PUISSANCES DOIVENT IMMEDIATEMENT INTERVENIR ET ARRETER CES GENOCIDAIRES.
LA LIBRE EXPRESSION
20 h 58, le 30 septembre 2020