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Moyen-Orient - Soudan

Bachir déboulonné, les exilés veulent rebâtir leur pays

Bachir déboulonné, les exilés veulent rebâtir leur pays

Mubarak Ardol, directeur général de la Compagnie publique des ressources minérales du Soudan (SMRC), est revenu au pays en mai 2019. ASHRAF SHAZLY/AFP

Après 33 ans d’exil à l’étranger, Elsadig Mohammad a renoncé à sa vie douillette au Canada pour revenir au Soudan et offrir son savoir-faire en matière d’environnement à son pays ruiné et isolé sous le régime de Omar al-Bachir, aujourd’hui déchu. « Avec la révolution, je me suis dit qu’il était temps de rentrer malgré le luxe dont on jouit en Occident et le sacrifice financier », affirme ce directeur du département santé et environnement de la Compagnie publique des ressources minérales du Soudan (SMRC). Celle-ci supervise l’exploration, la production et la taxation de toutes les mines du pays, notamment l’or, premier poste de la balance commerciale.

« L’ancien régime a tout détruit durant trente ans, le pays tombe en ruine. Je dois offrir ma contribution là où d’autres ont donné leur vie afin de bâtir un nouveau Soudan pour la nouvelle génération », déclare M. Mohammad, ingénieur civil de 55 ans qui a enseigné à l’Université de Calgary. Il est rentré en novembre 2019, sept mois après la chute du régime de Omar al-Bachir sous la pression d’une révolte populaire et de l’armée. Depuis août 2019, les autorités en place gèrent la transition jusqu’aux prochaines élections.

Son collègue, Mubarak Ardol, directeur général de la SMRC, est revenu au pays en mai 2019. Cet ex-dirigeant d’un groupe armé, le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), a échappé de peu à la mort. Il avait fui Kadougli dans les monts Nouba (Sud) en juin 2011, juste avant que des miliciens pro-Bachir n’attaquent sa demeure. Ce fut le début d’une longue guerre civile.

Pas à ce point

« J’ai pensé que le régime ne durerait pas et j’ai tout fait pour le renverser. L’espoir du retour m’a fait vivre. Je suis arrivé à Khartoum avec le premier groupe armé », assure M. Ardol, 38 ans, qui a vécu son exil en Ouganda.

Nommé par le Premier ministre Abdallah Hamdok, lui aussi de retour d’exil, il n’a qu’un seul objectif : multiplier les revenus de la société, qui représentent la première source de revenus de l’État. « J’ai largement dépassé les objectifs au premier semestre. »

La révolte populaire a servi de déclencheur pour des centaines d’exilés dispersés dans le monde qui ont choisi de revenir en nourrissant de grandes ambitions pour leur pays.

Dans les bureaux surannés de l’agence officielle de presse SUNA, dont il a pris la direction, Mohammad Abdulhamid se dit « heureux et fier » d’être de retour, même si la tâche est gigantesque. « Nous affrontons des défis économiques considérables. Nous savions que la situation était mauvaise, mais pas à ce point », dit ce journaliste de 64 ans qui avait fui après l’arrivée au pouvoir par un coup d’État de M. Bachir en 1989.

L’inflation annuelle a atteint 167 % en août, et le dollar, qui valait au marché noir 75 livres soudanaises à la chute du régime Bachir, dépasse aujourd’hui les 250 livres. Le gouvernement a décrété l’état d’urgence économique.

Pas d’arrogance !

Mohammad Abdulhamid, rentré début 2020, avait vécu au Yémen puis aux Pays-Bas où il avait créé le premier service arabe de la radiotélévision hollandaise. « Je gagnais 3 000 dollars par mois, et ici, mes 80 000 livres correspondent à 155 euros. Mais je ne regrette pas ma décision. »

Cependant, l’accession d’un certain nombre d’exilés venus d’Occident, d’Afrique et de pays du Golfe à des postes de ministres, hauts fonctionnaires ou directeurs fait grincer quelques dents. « Ils sont venus cueillir les fruits de la victoire, mais c’est nous qui avons souffert », maugrée Amine Bachir, un militant de 32 ans qui a participé à la révolte marquée par des violences sanglantes.

« Ce type de jalousie est inutile. Le savoir-faire et les connexions de ceux qui ont vécu à l’étranger peuvent nous être très utiles », rétorque Adeeb Yousif, nommé en juillet gouverneur de l’État du Darfour-centre après six ans passés aux États-Unis. Sous Bachir, il avait fait de la prison et échappé à une tentative d’assassinat. Si l’avis d’Amine Bachir est minoritaire, Elsadig Mohammad avertit : « Nous avons été bien reçus jusque-là. Ceux qui rentrent doivent éviter de se conduire avec arrogance. Ils sont revenus transmettre leurs savoir et expérience, mais ils doivent le faire dans le respect de ceux qui sont restés ici. »

Sammy KETZ/AFP

Après 33 ans d’exil à l’étranger, Elsadig Mohammad a renoncé à sa vie douillette au Canada pour revenir au Soudan et offrir son savoir-faire en matière d’environnement à son pays ruiné et isolé sous le régime de Omar al-Bachir, aujourd’hui déchu. « Avec la révolution, je me suis dit qu’il était temps de rentrer malgré le luxe dont on jouit en Occident et le sacrifice...

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