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Lifestyle - Archéologie

Retour sur les découvertes spectaculaires de Tell el-Burak au Sud

Un pressoir vieux de 2 600 ans et un palais daté de 1900 avant J.-C. orné de peintures murales émergent du sous-sol du site.

Retour sur les découvertes spectaculaires de Tell el-Burak au Sud

Reconstruction du pressoir de Tell el-Burak, dessin réalisé par O. Bruderer. Photo DR

Ensevelie depuis des millénaires, une cité phénicienne refait surface à Tell el-Burak, sur la côte du Sud-Liban. À environ neuf kilomètres au sud de Sidon, l’équipe libano-allemande, codirigée par Hélène Sader, de l’Université américaine de Beyrouth, et Jens Kamlah, de l’Université de Tübingen, a mis au jour un palais de l’âge du bronze moyen, décoré de peintures murales, considérées à ce jour comme les plus anciennes (de cette période) sur la côte levantine. « Il est le premier du genre à être découvert au Liban », affirme Mme Sader, spécialiste en histoire ancienne du Liban et de la Syrie à l’âge du bronze et du fer. Les fouilles menées depuis 2001 ont également dévoilé un pressoir vieux de 2 600 ans, qui a fait l’objet d’une étude dans la revue scientifique Antiquity, publiée par Cambridge University Press.


Des traces du pressoir retrouvées sur le site. Photo DR


Datant du VIIIe siècle avant J.-C., ce pressoir à vin serait « la plus ancienne installation trouvée à ce jour au Liban et probablement dans la région », précise Hélène Sader. « On ne connaît pas un pressoir de cette envergure. De par sa dimension, 1m 50 de profondeur, 2m 50 de largeur et ses murets de 32 cm d’épaisseur, il était affecté à un usage industriel. Son bassin pouvait contenir jusqu’à 8 000 litres de jus de raisin. » Le moût collecté dans une grande cuve était stocké dans des amphores destinées à l’exportation. « Le vin phénicien a fait l’objet d’un commerce important », rappelle la spécialiste, évoquant la découverte, en 1997, de deux épaves phéniciennes chargées de cargaisons de vins et d’huile d’olive, qui avaient échoué à une profondeur de 400m dans la mer Méditerranée, au large de la Palestine. Après l’analyse des échantillons, l’archéologue de l’Université de Pennsylvanie Patrick McGovern, expert en vinification ancienne, avait affirmé que les amphores étaient fabriquées à Sidon et que le vin d’origine phénicienne datait du VIIIe siècle avant J.-C. Il suppose même que le site de Tell el-Burak a fourni une partie de cette marchandise. Baptisées Tanit et Elissa, les deux cargaisons étaient destinées soit à l’Égypte, soit à Carthage.

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Compte tenu des « centaines de milliers de tessons de poterie » recueillis sur le site, les chercheurs pensent qu’il devait exister à Tell el-Burak ou dans son environnement immédiat un pressoir à olives.

Une récente prospection y a, en tout cas, repéré un autre pressoir à vin.


Des amphores reconstituées grâce aux tessons trouvés sur le site. Photo DR


La cocciopesto n’est pas romaine

L’importance de ce pressoir réside particulièrement dans son imperméabilité. En analysant les couches du sol, les chercheurs allemands ont découvert que son revêtement était composé de calcaire mélangé à de la céramique broyée, « une matière assurant une grande résistance et étanchéité. Surprise : cette technique attribuée à la Rome antique remonte à l’âge du fer, et « sa première utilisation était ici, à Tell el-Burak. Elle a été utilisée par la suite par les Romains qui lui ont donné le nom de cocciopesto », souligne l’archéologue.

Des lèvres en bourrelet

À proximité du pressoir, quatre maisons en pierre ont été découvertes. Plusieurs indices et éléments – petits bassins, résidus de grains de raisin, canal de conduit de liquide communiquant d’une pièce à l’autre – indiquent clairement que ces structures étaient des ateliers de travail. L’une d’elles servait au stockage des amphores. Un grand nombre de tessons trouvés in situ a permis d’en reconstituer 65, de différentes dimensions. « Destinées à l’exportation, elles ne comportent presque pas de col, mais se caractérisent par une lèvre en bourrelet et par deux anses courtes. » Elles étaient fabriquées soit à Sidon, soit à Sarepta, une ville phénicienne située à cinq kilomètres de Tell el-Burak qui, à la même époque, disposait de ses fours de production de poterie. Les investigations typologiques traditionnelles combinées à une approche archéométrique ciblée ont démontré que très peu de changement dans les tissus de ces amphores a été noté au cours des 400 ans d’occupation du site à l’âge du fer.


Illustration d’un morceau de peinture restauré. Photo DR


Le palais du Tell

Prospecté et exproprié en 1964 par l’ex-directeur général des antiquités, l’émir Maurice Chéhab, le Tell a été occupé pour la première fois à l’époque du bronze moyen, vers 1900 avant J.-C. Ce n’était pas un monticule naturel résultant de l’accumulation de couches archéologiques, mais une colline artificielle « conçue spécialement » pour ériger un palais dominant la mer et la plaine. « L’importance de ce bâtiment réside toutefois dans ses peintures murales et sa technique de construction complexe et créative, qui, à ma connaissance, n’a jamais été utilisée ailleurs », souligne l’archéologue Hélène Sader. Elle explique que « pour soulever la bâtisse, des chambres de 12 à 13 mètres de hauteur au-dessus du sol ont été construites et ensuite remplies de terre et de cailloux ». Le palais, de 42 m x 31,5 m, est construit avec des briques de terre crues et comporte quatre tours carrées, ce qui suggère que le bâtiment était une forteresse. Ses murs extérieurs sont soutenus par un glacis qui descend en pente à plus de 11 mètres. Tout le plan du palais a été mis au jour. Il se compose d’un secteur supérieur et d’un secteur inférieur qui communiquent entre eux par deux cages d’escalier placées symétriquement de part et d’autre d’une cour centrale entourée d’une vingtaine de pièces formant une double rangée. À quelques exceptions près, ce qui est conservé du bâtiment est essentiellement sa sous-structure, c’est-à-dire les soubassements. Ici, le remplissage des chambres de terre et de galets ont permis de soutenir les murs en brique de terre crue, matériau qui se désagrège facilement avec le temps.

Un trésor dans le sous-sol

C’est à trois mètres au-dessous du niveau de la cour qu’une grande salle a livré deux murs – l’un de 14 mètres de long et l’autre de 7 mètres – peints de motifs variés. Certaines scènes ont été identifiées, d’autres invisibles à l’œil nu ont été assemblées comme des pièces de puzzle par les spécialistes pour reconstruire leur histoire. Parmi les motifs exposés, une chasse des gazelles, un arbre de vie peint au sommet d’un tas de plâtre symbolisant une colline ainsi qu’une scène, mal conservée, représentant une procession ou encore des hommes accroupis.

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Une évaluation préliminaire des peintures indique une influence égyptienne. « Elles présentent de fortes similitudes avec les fresques du cimetière de Beni Hassan », qui regroupe sur la rive droite du Nil, à 18 kilomètres au sud d’al-Minya, un ensemble de sépultures princières datant du Moyen Empire. « Leur découverte démontre que Byblos n’était pas le seul port de la côte libanaise à commercer avec l’Égypte à l’âge du bronze moyen, comme on le suppose généralement, mais que Sidon avait des relations commerciales et culturelles tout aussi actives avec l’Égypte », note Hélène Sader, ajoutant que ces peintures sont « les plus anciennes de l’âge du bronze moyen connues à ce jour sur la côte levantine ». Les fragments de poterie à col strié et aux bords roulés, trouvés in situ, ont permis de dater le bâtiment à l’âge du bronze moyen. De même, un vase décoré d’oiseaux incisés d’une forme encore non attestée, appartenant à la tradition de la poterie typique de Tell el-Yehudiyeh (en Basse-Égypte dans le delta), confirme cette datation.

Occupé pendant 200 ans, le site de Tell el-Burak a été abandonné pendant mille ans. Sa réoccupation a repris à l’âge du fer vers 800 et jusqu’à la moitié de 400, avec l’installation du pressoir à vin au pied du glacis. Plus tard, vers le XIVe siècle, le lieu est à nouveau investi : les fouilles ont révélé des structures d’habitation datées de la période mamelouke tardive (mamelouke/ottomane).

Ensevelie depuis des millénaires, une cité phénicienne refait surface à Tell el-Burak, sur la côte du Sud-Liban. À environ neuf kilomètres au sud de Sidon, l’équipe libano-allemande, codirigée par Hélène Sader, de l’Université américaine de Beyrouth, et Jens Kamlah, de l’Université de Tübingen, a mis au jour un palais de l’âge du bronze moyen, décoré de peintures...

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