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Distribution de claques... et de vérités

L’exercice lui sied à merveille. Emmanuel Macron, on le savait déjà, est très à l’aise dans ce rôle de dialecticien accompli au service d’une pensée médiane qui privilégie toujours le concret, certes, mais sait aussi manier dans le discours les outils du rêve et de l’émotion. Hier soir, cependant, le président français est allé plus loin encore, faisant preuve, dans ses dits et ses non-dits, d’une étonnante compréhension des complexités du problème libanais. Une compréhension que, d’ailleurs, peu de Libanais sont en mesure de partager…

La description que M. Macron a faite de l’état actuel de la gouvernance au Liban donne froid dans le dos par sa précision chirurgicale. En quelques mots, il a habilement résumé le résultat d’années de consensualisme qui ont réduit le Liban en une ligue de chefs de clan dont la clé de fonctionnement réside dans leur capacité à faire des accords entre eux – y compris à caractère mafieux – plutôt que dans un système de lois écrites ou même de droit coutumier.

Tout aussi criantes de vérité étaient ses interpellations à l’intention du tandem chiite, et plus spécifiquement du Hezbollah, à qui il a reproché sa « politique du pire ». « Vous ne pouvez pas être à la fois une armée qui fait la guerre contre Israël, une milice qui participe au conflit en Syrie et un parti respectable au Liban ! » : réplique juste, forte, profonde, adressée non pas seulement au parti de Dieu lui-même, mais aussi à ceux qui, y compris au sommet de l’État libanais, continuent de manier la langue de bois la plus nauséeuse pour justifier le maintien de l’arsenal et du statut anormal du Hezbollah. À l’heure actuelle, il y a tous les jours quelqu’un dans ce monde qui sermonne le Hezbollah, critique son action ou le voue aux gémonies. Mais le parti de Dieu est censé savoir que la France d’Emmanuel Macron a davantage de légitimité que d’autres à lui faire des reproches, parce qu’elle est la dernière puissance du groupe arabo-occidental– celui qui compte puisqu’il regroupe les donateurs du Liban– à lui adresser encore la parole aujourd’hui.

Et que dire de ce « j’ai honte pour vos dirigeants ! » qui sonne comme un cri de ralliement du chef de l’État français à la thaoura du 17 octobre. Un cri qui ne vient cependant pas seul, car il est accompagné d’une double vision pour le Liban, pour le rétablissement de son « âge d’or » : d’abord le sauvetage financier et économique et ensuite la reconstruction politique.

La feuille de route française, agréée en principe par les composantes libanaises le 1er septembre, abonde sur le premier. La seconde est naturellement du ressort des Libanais, mais la route paraît toute tracée, au vu du diagnostic rigoureux que donne Emmanuel Macron de la situation de la gouvernance politique au Liban. Alors, qu’est-ce qui empêche que les deux batailles soient concomitantes ?

L’échec de Moustapha Adib à former un gouvernement n’est clairement pas le résultat de désaccords sur la feuille de route, mais bien plutôt de l’impasse politique et institutionnelle due à la dérive du système. On peut même dire que l’échec est survenu malgré l’accord sur la feuille de route. Or lorsqu’un cancéreux se casse le bras, il est normal qu’on cherche en priorité à soigner sa fracture. Cela signifie-t-il pour autant qu’on doive abandonner le traitement contre le cancer ?

Pour la première fois depuis Taëf, le patriarcat maronite s’est montré dernièrement ouvert à un changement ou une évolution du système politique libanais, allant ainsi dans le sens de ce qui est souhaité depuis longtemps par les représentants de la communauté chiite. Il a certes conditionné cette ouverture au rétablissement d’une politique souveraine de l’État libanais, au désarmement du Hezbollah et à l’acceptation du principe de la neutralité du Liban à l’égard des axes. Les dignitaires religieux chiites ont sèchement accueilli l’initiative, rejetant en bloc les conditions posées, alors même qu’elles paraissent être un prix tout à fait raisonnable exigé en échange d’une meilleure intégration de la communauté chiite dans les institutions. Cela donne clairement à penser que du côté du tandem chiite, et essentiellement du Hezbollah, on en est encore à vouloir le beurre et l’argent du beurre.

C’est bien la « politique du pire », comme dirait Emmanuel Macron.

L’exercice lui sied à merveille. Emmanuel Macron, on le savait déjà, est très à l’aise dans ce rôle de dialecticien accompli au service d’une pensée médiane qui privilégie toujours le concret, certes, mais sait aussi manier dans le discours les outils du rêve et de l’émotion. Hier soir, cependant, le président français est allé plus loin encore, faisant preuve, dans ses dits...

commentaires (6)

macron comme beaucoup avant lui n'acceptent pas la rea;ite: qu'ils n'ont pas les moyens de leur politique !

Gaby SIOUFI

13 h 34, le 30 septembre 2020

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Commentaires (6)

  • macron comme beaucoup avant lui n'acceptent pas la rea;ite: qu'ils n'ont pas les moyens de leur politique !

    Gaby SIOUFI

    13 h 34, le 30 septembre 2020

  • Si le HB pouvait seulement justifier son entêtement à vouloir le ministère des finances en le nommant eux mêmes, peut être que la lecture de leurs projets sera plus limpide. On ne peut pas avancer des arguments tels que, notre communauté est opprimée, et piétiner la constitution juste par simple caprice. Nous sommes dans un pays démocratique et cela doit être respecté jusqu’à nouvel ordre. Si le Hezbollah-Amal veulent changer les bases mêmes de notre régime, il faut qu’ils le disent clairement, on saura agir en conséquence. Ils ne peuvent plus prétendre vouloir la souveraineté de ce pays et imposer des droits improvisés pour garder la situation en mains et détruire le pays en simulant le sauver. Depuis des décennies ils tiennent le pouvoir par tous les bouts et voilà où nous en sommes. Plus d’argent, plus de patrimoine et plus d’état. Tout a été pillé et distribué et ils veulent continuer leur gestion de barbares en privilégiant la politique du pire à la paix et à la prospérité de notre pays. Ils ne sont pas contents que les libanais ne soient pas d’accord avec leurs intérêts et le port des armes d’une milice qui veut les enfermer par la force en les prenant en otages, toutes leurs doctrines moyenâgeuses et leur obscurantistes dans l’intérêt d’un pays étranger ce qui est contraire à l’esprit même du Liban, pays d’ouverture de lumière et de savoir mais surtout des libanais patriotes attachés à leur pays et à leur drapeau où trône son cèdre et non celui qui a leur couleurs

    Sissi zayyat

    12 h 39, le 28 septembre 2020

  • AVEC LES MERCENAIRES IRANIENS ET LEUR PARAVENT CPL AUCUN ETAT NE PEUT ETRE ERIGE ET AUCUN PAYS NE PEUT ETRE BATI. IL FAUT LES DESARMER PUIS PARLER AVEC EUX. NEGOCIER AVEC EUX QUAND ILS ONT LES ARMES A LA MAIN EST PLUS QU,UNE ERREUR C,EST UNE BETISE ET C,EST UN CRIME.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 08, le 28 septembre 2020

  • POUR SE LIBÉRER DU TANDEM IRANIEN, IL FAUT AFFAIBLIR SES MERCENAIRES QUI TIENNENT UNE PARTIE DE POUVOIR. DÉFAIRE L'AUTRE TANDEM DIABOLIQUE AOUN/BASSIL AUI SET UN GRAND SUPPORT POUR L'IRAN VIA HASSAN NASRALLAH. LE PATRIARCHE A UN GRAND RÔLE À JOUER DANS CE DOMAINE DEVANT LES CROYANTS AVEUGLÉS PAR LE POUVOIR. LA GRANDE TRAHISON DE AOUN DOIT S'ARRÊTER PAR TOUS LES MOYENS.

    Gebran Eid

    09 h 31, le 28 septembre 2020

  • Je cite : ""Et que dire de ce « j’ai honte pour vos dirigeants ! » qui sonne comme un cri de ralliement du chef de l’État français à la thaoura du 17 octobre."" Mais quelle volée de bois vert ! Je sais très bien que le Liban est incomparable, mais "ralliement à la thaoura" ? Etonnant non, un peu comme s’il comprenait le mouvement des Gilets-Jaunes. Que n’aurait-on pas dit si les propos d’un chef d’Etat européen et ami de longue date de la France vont dans le sens des contestataires. (Ne pas citer Trump SVP). Je ne sais pas si les propos rapportés dans la presse de l’entretien téléphonique Macron-Berry sont réels, mais la réponse du dernier sont dans les mêmes termes d’un leader flamand il y a 40 ans : ""si vous pouvez former un gouvernement sans nous, faites le"". Moralité, plutôt que d’écarter un partenaire essentiel dans le pays, mieux vaut l’associer. Voilà le résultat, Mostafa Adib jette l’éponge.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    03 h 46, le 28 septembre 2020

  • A l’heure où on est, qui peut reprocher à M. Macron la moindre arrière-pensée pour être en meilleure position à un peu plus d’un an de la prochaine échéance électorale, et de parler sur un ton ferme à Erdogan, à propos de la Grèce, et de cheviller au corps le problème libanais. Personne. Mais c’est un peu tard pour s’en occuper, quand ce pays était abandonné à son sort, surtout depuis la montée en puissance des formations chiites, depuis 40 ans, mais M. Macron n’était pas encore en politique. Bien sûr, on ne peut pas refuser la main tendue de la France, pour trouver une issue à nos problèmes, mais il ne suffit pas de taper sur la table, pour avancer sérieusement, sans jamais qualifier la milice chiite libanaise d’organisation terroriste, et de rappeler ce que tout le monde savait déjà. M. Macron connaît bien le problème libanais, son conseiller l’ambassadeur Bonne également, mais quand on aborde l’agenda "interne et intérieur" (sic) du duo chiite, là on fait dans la nuance, pour ne pas avouer que ses revendications sont compréhensibles. J’ai une question de bon sens : en quoi le Liban va se remettre en mieux avec les chiites à la tête du ministère des Finances ? Je veux bien rêver au ""rétablissement de son âge d’or"".

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    00 h 53, le 28 septembre 2020

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