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Les faux guides

On peut très bien concevoir que pour nos amis français le plus important – et urgent – est d’aller à ces fameuses réformes conditionnant toute assistance internationale à notre pays, sans trop s’arrêter à ces mesquines querelles politiciennes qui entravent la formation d’un gouvernement de mission.

En se faisant violence, on peut imaginer qu’en base de ces priorités, mais aussi pour sauver sa courageuse, sa hasardeuse mise placée sur le squelettique poulain libanais, Emmanuel Macron a dû accroître la pression sur le camp sunnite pour qu’il nuance sensiblement le niet qu’il opposait en bloc aux exigences chiites ; que Saad Hariri a bien été contraint de se porter volontaire pour boire la coupe amère et céder sur plus d’un point majeur, sans grande contrepartie d’ailleurs.

Toujours est-il qu’on en est encore à débattre de qui, du Premier ministre désigné ou dudit tandem, est censé présenter à l’autre, pour agrément, une liste de ministrables chiites non partisans et sélectionnés en fonction de leur bagage technique. Les plus compréhensifs et indulgents iraient même jusqu’à trouver logique, prévisible, à la limite normale l’insistance du tandem Amal-Hezbollah à se cramponner au ministère des Finances, acharnement qu’expliqueraint non plus seulement la vieille quête d’équilibre communautaire dans l’action gouvernementale, mais des considérations d’amour-propre et de prestige. En somme, ce serait là désormais une question d’honneur commandant une cinglante riposte au vilain Américain qui vient de frapper de sanctions un ancien titulaire du poste pour coopération avec la milice pro-iranienne, doublée de corruption.

Le malheur est que l’affaire ne se limite pas aux Finances, puisque le duo milicien s’arroge un outrageux droit de regard sur le choix de toute personnalité chiite qui se verrait confier n’importe quel portefeuille ministériel. Cette revendication était endossée hier par une autorité religieuse de cette communauté qui, à défaut d’une déconfessionnalisation totale du système, invitait les autres communautés libanaises à ne pas se gêner pour faire de même ! Or voilà qui dépasse tout entendement, qui enfonce tous les seuils de tolérance ; qui, à l’heure de toutes les urgences, ouvre la porte à un interminable bazar entre les divers partis ; qui interdit l’accès tant attendu aux postes de responsabilité d’experts véritablement indépendants et donc tout à fait capables de réparer les énormes dégâts causés par une caste politique aussi incompétente que corrompue.

Dégradante est la méthode, pour toute sommité désireuse de servir son pays et parfaitement apte à la tâche. Par une cruelle ironie, elle l’est surtout pour les nombreux, les largement reconnus talents et expertises chiites. Les contraindre, de la sorte, à défiler sous les fourches caudines des milices, c’est faire insulte à leur intégrité, c’est les déconsidérer avant même qu’ils aient eu le temps et l’opportunité de faire leurs preuves.

Pour ces raisons, compromis ne doit pas devenir compromission. Pour peu en effet que se trouve consacrée l’exception chiite ; que se répande, ne serait-ce que par mimétisme et émulation, la honteuse règle ; que les futures Excellences soient toutes tenues en laisse par les partis, on n’aura fait que remonter, comme à l’accoutumée, vers la source du mal. À genoux cette fois.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

On peut très bien concevoir que pour nos amis français le plus important – et urgent – est d’aller à ces fameuses réformes conditionnant toute assistance internationale à notre pays, sans trop s’arrêter à ces mesquines querelles politiciennes qui entravent la formation d’un gouvernement de mission. En se faisant violence, on peut imaginer qu’en base de ces priorités, mais...