Le Premier ministre libanais désigné, Moustapha Adib, a annoncé vendredi à l'issue d'une réunion avec le chef de l'Etat, Michel Aoun, concernant la formation du futur cabinet, qu'il se rendrait de nouveau demain samedi à 11h au palais présidentiel, pour une poursuite des discussions. "J'ai tenu le président Aoun au courant de l'atmosphère entourant les tractations et nous nous sommes accordés sur un nouveau rendez-vous demain à 11h", a déclaré M. Adib à l'issue de sa réunion avec le chef de l'Etat. L'entretien entre les deux responsables a duré un petit quart d'heure. Selon le compte Twitter de la présidence, Moustapha Adib n'a présenté aucune mouture et s'est contenté de communiquer au président les résultats de ses contacts afin d'évaluer les perspectives des tractations.
Cette réunion entre MM. Adib et Aoun est intervenue au lendemain d'un entretien du Premier ministre désigné avec les "deux Khalil" (le conseiller politique du secrétaire général du Hezbollah, Hussein Khalil, et Ali Hassan Khalil, bras droit du président de la Chambre, Nabih Berry), consacrée à la nomination des ministres chiites après la brèche ouverte mardi par l'ancien président du Conseil, Saad Hariri. M. Adib et les deux représentants des formations chiites ont tenu une nouvelle réunion, vendredi soir, pour trouver une issue au noeud des ministres chiites.
M. Adib est appelé à former, conformément à l'initiative française, qui vise à sortir le Liban de sa crise, un cabinet de "mission" restreint et formé de spécialistes indépendants. Le principal obstacle qu'a rencontré le Premier ministre désigné dans ses tractations concerne le portefeuille des Finances, que le Hezbollah et le mouvement Amal réclament. Ces deux formations exigent qu'"une personnalité chiite" soit nommée à la tête de ce ministère qui, selon elles, doit être exclu du principe de rotation des portefeuilles défendu par M. Adib et soutenu par plusieurs parties dont les anciens Premiers ministres sunnites. Et elles exigent de proposer elles-mêmes les noms des autres ministres chiites au sein du cabinet.
Mardi, après un entretien avec le président français, Emmanuel Macron, Saad Hariri avait lancé une initiative consistant à nommer au ministère des Finances une personnalité chiite indépendante que M. Adib choisira lui-même, au même titre que les autres ministres, sur la base des critères de compétence, d'intégrité et de la non-affiliation partisane. Le chef du Courant du Futur a précisé que cette attribution du portefeuille à un chiite "est valable pour une fois seulement et ne peut pas être considérée comme un précédent valable pour la formation des gouvernements à venir". Cependant, Ali Hassan Khalil, bras droit du leader du mouvement Amal, Nabih Berry, et Hussein Khalil, le conseiller politique du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, ont réaffirmé jeudi au Premier ministre désigné leur volonté de nommer les ministres chiites qui intégreront le gouvernement, notamment au ministère des Finances. Un nouvel entretien entre le Premier ministre désigné et les "deux Khalil" pourrait avoir lieu dans les prochaines heures.
Mise en garde d'Arslane
Dans ce contexte, le chef du Parti démocratique libanais, le député druze Talal Arslane, a écrit dans la matinée sur son compte Twitter que "le gouvernement et son chef auront des problèmes si les groupes parlementaires ne sont pas respectés".
"Nous insistons à nommer nos ministres et nous refusons qu'ils soient nommés par quiconque", a déclaré pour sa part le mufti jaafarite Ahmad Kabalan, réputé proche du Hezbollah, appelant le PM désigné à "prendre contact avec tout le monde pour éviter l'effondrement".
La formation du cabinet a par ailleurs été évoquée lors d'une réunion entre l'ancien Premier ministre Fouad Siniora et le patriarche maronite Béchara Raï. A l'issue de leur entretien, M. Siniora a souligné que le futur gouvernement aura pour mission de "sauver" le pays. Il a appelé les différentes formations à travailler "en concertation" pour pouvoir tirer profit de l'opportunité offerte par Emmanuel Macron d'aider le Liban, et à former un cabinet "efficace, réduit, composé de personnalités non-partisanes et compétentes" qui serait caractérisé par une "véritable rotation" des portefeuilles.
Lors d'une interview télévisée diffusée jeudi soir à la chaîne locale MTV, le chef des Marada, Sleiman Frangié avait, lui, affirmé qu'il était "inacceptable" que les ex-Premiers ministres choisissent les ministres. "Les anciens PM ont choisi le Premier ministre et nous l'avons accepté car ils représentent les sunnites. Mais ils choisissent aussi les ministres et cela est inacceptable", avait déclaré M. Frangié. Ces dernières heures, des observateurs ont fait état d'un possible "obstacle" qui risquerait d'apparaître au niveau de la nomination des ministres chrétiens dans le gouvernement Adib.
Par ailleurs, les Organismes économiques, l’organisation patronale actuellement dirigée par l’ancien ministre des Télécoms Mohammad Choucair, ont tiré vendredi la sonnette d'alarme, enjoignant les forces politiques à "faciliter la mission de Moustapha Adib pour former un gouvernement répondant aux aspirations des citoyens et aux impératifs de sauvetage" du pays et à rester attachés à l'initiative française.
commentaires (17)
"Nous insistons à nommer nos ministres et nous refusons qu'ils soient nommés par quiconque". Au nom de quoi, cette prétention ahurissante? Si on se décidait, pour une fois, à respecter la Constitution, le problème serait depuis longtemps réglé.
Yves Prevost
07 h 53, le 26 septembre 2020