
Moustapha Adib et Saad Hariri à la Maison du Centre, le 31 août 2020. Photo d’archives/ Dalati et Nohra
Après l’ouverture d’une brèche par le leader du courant du Futur, Saad Hariri, dans le processus de formation du gouvernement, les regards étaient braqués hier sur le tandem chiite, dont on attendait toujours une réaction à cette initiative. Pour le moment, le binôme Amal-Hezbollah semble vouloir maintenir le suspense jusqu’au bout, alors que la communauté internationale s’impatiente pour que soit mis en place sans tarder un « gouvernement de mission ».
Au lendemain du communiqué publié mardi par M. Hariri, dans lequel il avait annoncé accepter que le portefeuille des Finances soit exceptionnellement attribué à un chiite choisi par le Premier ministre désigné, Moustapha Adib, les milieux du tandem chiite se sont contentés de dire que cette proposition est encore à l’étude, et que les deux formations chiites majoritaires se prononceront à ce sujet en temps voulu. Le binôme chiite semble donc avoir opté pour la prudence, afin d’éviter tout faux pas médiatique qui risquerait de remettre les compteurs à zéro. Une source proche du Hezbollah confie toutefois à L’Orient-Le Jour que « les choses progressent dans le bon sens », ajoutant néanmoins qu’« il est préférable d’attendre l’issue des tractations en cours ». Mais elle ne manque pas de rappeler qu’il ne revient pas à Saad Hariri ou à qui que ce soit de définir le poids et les limites de l’action de la communauté chiite, en réaction à la condition posée par le leader du Futur et qui consiste à ce que l’octroi des Finances cette fois-ci aux chiites ne soit pas consacré comme une coutume à l’avenir.
Tout comme le Hezbollah, les milieux de Aïn el-Tiné font montre d’un optimisme prudent quant à une accélération du processus gouvernemental et évoquent « quelque chose de positif », loin des feux de la rampe.
« Les autres ministres »
Mais ces milieux émettent dans le même temps des signaux qui pourraient être interprétés comme traduisant une volonté des deux partis de ne pas faciliter la tâche à Moustapha Adib, du moins pour le moment. C’est ce qui ressort des propos d’un proche du président de la Chambre, Nabih Berry, contacté par L’OLJ. « L’initiative de Saad Hariri a opéré une percée. Mais le gouvernement est un tout. Il nous faut donc savoir qui seront les autres ministres (chiites) et qui les nommera... » explique le proche de M. Berry.
Citées par notre correspondante Hoda Chédid, des sources informées rappellent, quant à elles, que le projet de solution présenté par le chef du Futur n’est autre que l’initiative qu’Emmanuel Macron avait proposée auparavant. Elles excluent donc que le tandem chiite accorde à M. Hariri ce qu’il avait refusé au président français, et par là même une évolution du processus ministériel. Ce qui pousse certains observateurs à estimer que le cabinet Adib pourrait ne pas voir le jour avant la présidentielle américaine, prévue en novembre prochain, les résultats du scrutin pouvant avoir des incidences sur le conflit irano-américain qui bat son plein au Moyen-Orient.
Le chef du Parti socialiste, Walid Joumblatt, a d’ailleurs souligné hier, dans une déclaration télévisée, que « les Libanais n’ont rien à voir avec ce conflit » et que « le Liban a besoin d’un nouveau cabinet le plus rapidement possible ». Le leader druze a également appelé à ce que la proposition de M. Hariri pave la voie à un compromis (en matière de formation du cabinet) et facilite la tâche au président français, notamment pour ce qui est de son initiative en faveur du Liban.
Le communiqué de Saad Hariri semble par ailleurs avoir provoqué de nouveaux tiraillements entre le tandem Baabda-Courant patriotique libre d’une part, et le chef du courant du Futur et les anciens chefs de gouvernement de l’autre. La présidence de la République a ainsi publié hier un communiqué dans lequel elle a rappelé « le rôle central » du chef de l’État dans la formation du cabinet et le choix des ministrables. Une position sur laquelle elle a été rejointe par César Abi Khalil, député CPL de Aley, via Twitter. Moustapha Adib est, lui, déterminé à mettre sur pied un « gouvernement de mission formé de personnes spécialistes et compétentes (…), qui satisfasse les Libanais et opérerait les réformes », comme on peut lire dans un communiqué qu’il a publié hier. Il est donc entré en contact par téléphone avec le chef de l’État. Selon notre correspondante à Baabda, la discussion a porté sur les contacts que M. Adib devrait mener pour redynamiser le processus gouvernemental.
« Pas d’aides sans réformes »
De son côté, la communauté internationale poursuit son forcing pour que le gouvernement Adib voit le jour rapidement. La France a ainsi salué hier la « déclaration courageuse » de Saad Hariri. « Elle représente une ouverture dont chacun doit bien mesurer l’importance afin qu’un gouvernement de mission soit maintenant mis en place », a relevé la porte-parole de la diplomatie française, Agnès von der Mühll, dans un communiqué.
Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, est également remonté au créneau, rappelant que « la responsabilité de l’ensemble des forces politiques est engagée », et réitérant l’urgence de former un gouvernement et d’engager des réformes structurelles pour sortir le Liban de l’ornière. S’exprimant lors d’une réunion en visioconférence sur le Liban en marge de la 75e Assemblée générale des Nations unies, il a déclaré : « À cette heure, les forces politiques n’ont toujours pas réussi à s’entendre pour former un gouvernement. Des pressions fortes et convergentes de notre part sont donc nécessaires, pour pousser les responsables libanais à respecter leurs engagements. » Et de rappeler : « Sans réformes, il n’y aura pas d’aide financière internationale. Par contre, si elles sont mises en œuvre, nous ne ménagerons pas nos efforts. »
Jan Kubis, coordinateur spécial des Nations unies au Liban, s’est quant à lui félicité de la proposition Hariri. Sur son compte Twitter, il a estimé qu’« elle pave la voie à la formation rapide d’un gouvernement dirigé par Moustapha Adib, qui mettrait à exécution les réformes conformément à la feuille de route établie le 1er septembre ».
"le tandem chiite maintient le suspense" ...eh oui ....... suspense façon film d'horreur de la catégorie la plus mauvaise...mauvais acteurs mauvais scénario et même mauvais monstre...vivement la levée du rideau
22 h 36, le 24 septembre 2020