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Lifestyle - Beyrouth Insight

Raja Farah, Oh my happiness et des larmes

Ses « micro-stories » postées sur les réseaux sociaux consolent nos âmes depuis le mois d’octobre dernier, et vont droit au cœur. Des petits carrés qui en disent long, en quelques phrases, sur nos émotions fêlées.

Raja Farah, Oh my happiness et des larmes

Raja Farah, copywriter, pâtissier, citoyen militant et créateur de ohmyhappiness. Photo C.H.

Il a les mots qu’il faut, en général 150 par post, la sensibilité pour les étoffer et les envelopper de sentiments avec une précision presque chirurgicale… Raja Farah, sous la signature et le compte Instagram Oh my happiness, accompagne nos coups de blues, nos colères, nos espoirs et nos désespoirs depuis le début de la révolution d’octobre, et surtout depuis la double explosion du 4 août. Il a les mots parce que le copywriting est son premier métier, son bonheur, après de premières études en littérature anglaise ; des mots doux qu’il nous sert plusieurs fois par semaine sur les réseaux sociaux, même lorsqu’il s’agit de terribles sentiments. Là aussi ce n’est pas étonnant, son deuxième métier, c’est la pâtisserie. Sous le label Les mauvais garçons, Raja Farah, après un passage à Paris à l’École française de gastronomie et de management hôtelier Ferrandi, a créé des desserts durant cinq ans avant de suspendre provisoirement cette activité en raison du coronavirus et de la crise économique qui rendait les ingrédients de qualité inaccessibles.


« Znoud el Sitt ». Tirée du compte Instagram ohmyhappiness


« Are you Oh my happiness ? » lui demande une jeune fille lorsqu’il débarque dans ce café de Beyrouth en toute simplicité. Il sourit, presque embarrassé, puis s’empresse de répondre : « Yes, I am Raja. »

Dans le regard de ce quadragénaire un pied encore dans l’adolescence, souligné par de grandes lunettes rondes et une barbe désordonnée, « mon coiffeur est parti », s’excuse-t-il, se cache et apparaît en même temps une âme sensible, sincère et généreuse. Pour cet homme réservé – il se qualifie plutôt de « froid, intériorisé » –, créer ce dialogue avec des personnes qu’il ne connaît pas, tisser des liens en partageant avec elles les mêmes émotions, est un exercice thérapeutique presque facile, en tout cas spontané. « J’exprime ce que je sens, chaque jour si j’ai quelque chose à dire, sans jamais penser que quelqu’un va me lire. Le but n’est pas d’écrire pour écrire. »


« On Sundays In Beirut ». Tirée du compte Instagram ohmyhappiness


Témoignages

Tout a commencé le 22 octobre. Activiste, citoyen qui a inlassablement manifesté pour un Liban neuf, qui s’est rapidement mis à cuisiner tous les jours avec Matbakh el Balad pour les plus démunis, Raja Farah commence à poster ces petits carrés ponctués de phrases courtes, de points, et de toutes les impressions qu’il croise durant sa journée de militant pacifiste. Comme des reportages émotionnels sur le terrain. « Je déteste Instagram, trop superficiel à mon goût, confie-t-il. Ce n’est pas mon truc… Je n’ai pas une vie ni des voyages à photographier chaque mois… »

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Au lieu de ces images entre Lalaland et Disney, Raja poste sa propre expérience en langue anglaise, cette merveilleuse révolution « très inspirante où tout semblait possible ». « J’ai également partagé mon expérience personnelle sur le terrain par rapport à mon homosexualité », poursuit celui qui se présente sur son compte Instagram en ces termes : « Quelques histoires, quelques gâteaux, certifié homosexuel. » Comme un carnet de bord sur fond coloré, ces témoignages pleins de rencontres, de constats, de découvertes, évoluent au gré d’une thaoura qui change peu à peu de visage. Qui après avoir défilé, dansé, hurlé, entraîné dans les sillons de sa rage des milliers de citoyens, s’est un peu tue, sans doute perdue dans les méandres de la sale politique politicienne, certainement épuisée par tous ces drames quotidiens. Le rythme des parutions de Raja Farah diminue, accentué par le confinement. « Je devais trouver quelque chose à faire… » Trouver d’autres histoires, la vie au ralenti, un regard posé sur cette ville qu’il aime, sur les gestes à faire, sur les nouveaux mots liés à cet enfermement. Avec cet hommage à sa ville intitulé On Sundays in Beirut, et cette phrase que l’on retient : « You wish everyday in Beirut was a Sunday in Beirut.  » (Tu souhaites que chaque jour à Beyrouth ressemble à un dimanche à Beyrouth).


« Banana Cake ». Tirée du compte Instagram ohmyhappiness


Minimal damage

Puis vient le funeste 4 août, explosant nos vies déjà fatiguées et fracassant nos âmes. Les petits carrés de Raja portent le deuil. Ces histoires courtes deviennent les micro-stories de nos vies, les chroniques de nos cœurs tour à tour révoltés puis meurtris. Sur fond noir, son premier post qui a suivi la double explosion du port a été relayé par des milliers d’internautes, tous des citoyens brisés individuellement mais unis par une même douleur. « J’ai pu le faire parce que j’ai eu la chance de retrouver mon espace intact et une chambre sécurisée. » Entre mélancolie, colère et critiques directes de nos politiciens, une pointe d’optimiste, parfois, « une fois ! », et jusqu’à cette culpabilité d’être amoureux en ces moments de peine, tout est dit, comme toujours, en quelques mots francs. « Je suis quelqu’un de très optimiste en général mais très pessimiste dans le détail… Je suis très lié par mon amour pour Beyrouth. Je comprends très bien pourquoi les gens veulent partir mais j’aime ce pays. Bizarrement, j’y trouve un grand réconfort. »


« Minimal Damage ». Tirée du compte Instagram ohmyhappiness


Quand il sort de ses carrés, qu’il quitte ses mots, Raja Farah retrouve la rue, les rues dévastées par la double explosion, les personnes en détresse, et se charge, avec son complice Amin Baitamouni et Matbakh el Balad, de leur distribuer des produits alimentaires non périssables et, seuls, d’assurer des aides à reconstruire les maisons. Et un peu de happiness, sans doute.

Il a les mots qu’il faut, en général 150 par post, la sensibilité pour les étoffer et les envelopper de sentiments avec une précision presque chirurgicale… Raja Farah, sous la signature et le compte Instagram Oh my happiness, accompagne nos coups de blues, nos colères, nos espoirs et nos désespoirs depuis le début de la révolution d’octobre, et surtout depuis la double explosion du...

commentaires (1)

Excellent article. J'ai suivi Oh My Happiness depuis le tout début, merci Raja pour tes micro-stories qui ont exprimé tout ce que je ressentais et ne pouvais exprimer

Jeanine H.

23 h 16, le 17 septembre 2020

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Commentaires (1)

  • Excellent article. J'ai suivi Oh My Happiness depuis le tout début, merci Raja pour tes micro-stories qui ont exprimé tout ce que je ressentais et ne pouvais exprimer

    Jeanine H.

    23 h 16, le 17 septembre 2020

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