
L’entretien Aoun-Adib sera-t-il le dernier aujourd’hui ? photo Dalati et Nohra
C’est aujourd’hui, dans les toutes prochaines heures, que l’on saura si le président français Emmanuel Macron a présumé de ses forces et de son crédit, ou s’il va réussir son pari constitutionnel au Liban et obtenir la formation d’un « gouvernement de mission ».
Maintenant que les concertations parlementaires réclamées par le chef de l’État sont achevées sans grande nouveauté sur le plan des prises de position, la physionomie du nouveau gouvernement devrait être enfin connue, sinon annoncée, l’alternative unique à cette annonce – qui se ferait demain – étant la récusation du Premier ministre désigné, Moustapha Adib. Selon notre correspondante Hoda Chédid, M. Adib pourrait même se récuser sur l’heure, après avoir été reçu par le chef de l’État, estimant qu’appelé comme indépendant à former un gouvernement d’indépendants, sa mission prendrait fin sitôt que l’impossibilité d’une telle formation serait établie.
Mais à quoi ressemblera le nouveau gouvernement s’il voit le jour ? La chape de silence que fait peser à ce sujet le président du Conseil désigné est si lourde que l’on n’en sait presque rien, à moins d’espionner son téléphone. Ainsi, tous les noms avancés par supputation dans la presse ont été qualifiés d’inexacts par l’ancien chef de gouvernement Fouad Siniora, représentant du seul groupe avec lequel se concerte le Premier ministre désigné, celui des anciens chefs de gouvernement. La consigne de silence absolu à ce sujet fonctionnait toujours hier soir. On n’en sait pas plus sur le nombre des ministres du nouveau cabinet, sachant que le Premier ministre désigné est partisan d’une équipe restreinte de 14 membres, tandis que le chef de l’État penche pour un gouvernement de 20 ou de 22 ministres.
Le tandem chiite
Quoi qu’il en soit, selon notre correspondant politique Mounir Rabih, il est presque certain que le tandem chiite, Hezbollah et Amal, réussira à modifier le plan français et obtiendra satisfaction sur ses exigences, « la France n’ayant aucun intérêt à s’aliéner la communauté chiite libanaise ».
On sait que les deux partis représentatifs de la communauté chiite se sont rebiffés en apprenant que dans le nouveau gouvernement que la France souhaite voir former, ils perdaient et le portefeuille des Finances et la possibilité, ou le droit de regard, sur la nomination des ministres qui les représenteraient. Au risque de compromettre l’initiative française, ils auraient durci le ton et réclamé une position dominante au sein de l’exécutif, représentée par le portefeuille des Finances, ainsi que le droit de nommer leurs propres ministres et de réclamer le « tiers de blocage ».
Certes, on est en droit de demander comment il se fait que le Hezbollah et le mouvement Amal n’avaient pas eu connaissance à l’avance des intentions de Paris, et pour quelle raison ils ont attendu la dernière minutie pour exprimer leurs objections.
À cette question, personne n’a vraiment de réponse, et les explications avancées sont déduites des circonstances internationales qui ont entouré le processus de « ramassage des positions politiques » mené par le président français, à son dernier passage à Beyrouth.
Dans certains milieux politiques, on attribue le durcissement des positions du tandem chiite aux sanctions économiques imposées tout dernièrement par les États-Unis contre Ali Hassan Khalil, bras droit de Nabih Berry, et Youssef Fenianos, ancien ministre représentant le courant des Marada de Sleiman Frangié. Placé devant un « foul » des États-Unis, le Hezbollah a considéré que toutes les règles du jeu avaient été faussées, et que son parti est en droit de retourner aux règles qui s’appliquaient jusqu’à présent.
Les rigoureuses conditions du tandem chiite auraient toutefois été assouplies sur un point, à la demande d’Emmanuel Macron, qui s’est mis en rapport avec Nabih Berry à la fin de la semaine dernière. Ainsi, le tandem chiite serait d’accord pour, au moins, ne pas imposer les ministres chiites, mais pour proposer au Premier ministre désigné plusieurs noms parmi lesquels il ferait son choix. Sinon, toutes les autres formations politiques auraient réclamé le même droit, aurait plaidé le président Macron.
Dernier acte : la raison du plus fort
C’est normalement aujourd’hui que le dernier acte de ce scénario gouvernemental se jouera. Le Premier ministre désigné est en effet attendu ce matin au palais présidentiel de Baabda, où le chef de l’État l’informera des résultats des consultations parlementaires qu’il a effectuées, et desquelles les Forces libanaises et le PSP se sont exclues (lire par ailleurs).
Autre développement qui pourrait se produire aujourd’hui : l’arrivée du chef des renseignements extérieurs français, l’ancien ambassadeur de France au Liban Bernard Émié, qui fait partie de l’équipe de travail d’Emmanuel Macron. Toutefois, aucune confirmation n’a été faite du voyage de M. Émié au Liban par le Quai d’Orsay, et les contacts appropriés pourraient se faire au téléphone. La tâche d’un éventuel représentant du chef de l’État français serait de rappeler aux Libanais le sentiment d’urgence que ressent le président français ainsi que l’engagement des Libanais à respecter les plans d’un homme qui, en échange d’une grande indépendance politique à l’égard des États-Unis – qu’un article du secrétaire d’État Mike Pompeo publié hier par Le Figaro a fait ressortir –, a décidé de « jouer son capital politique » sur la capacité à régler la crise libanaise, et à infléchir la politique du Hezbollah. Il reste à dire qu’un succès relatif de la France face au Hezbollah et un assouplissement des règles du jeu qu’elle a établies pour sortir le Liban de sa crise politique et le mettre sur les rails d’un redressement économique seront critiqués par les États-Unis et les grands et moins grands États du Golfe. Mais la realpolitik a ses règles et ses raisons, qui sont généralement celles du plus fort. Gouvernement ou pas, l’épreuve de force se poursuit donc.
C’est aujourd’hui, dans les toutes prochaines heures, que l’on saura si le président français Emmanuel Macron a présumé de ses forces et de son crédit, ou s’il va réussir son pari constitutionnel au Liban et obtenir la formation d’un « gouvernement de mission ».Maintenant que les concertations parlementaires réclamées par le chef de l’État sont achevées sans...
commentaires (14)
Pas de discussion Mr. Adib. Démissionnez avant d’être souillé et rejoignez la socité civele, si Mr Mikati ne dit plus rien pour vous!
PPZZ58
20 h 47, le 16 septembre 2020