Émotion, colère et unité lors de la commémoration des victimes

Près de 200 personnes se sont mobilisées sous un soleil de plomb hier après-midi au niveau de la statue de l’Émigré, près du port de Beyrouth, pour marquer le premier mois après la double explosion du 4 août. Durant la cérémonie d’hommage aux victimes, les personnes présentes se sont recueillies dans un décor surplombant le port, comme pour montrer que la vie a malgré tout repris le dessus après le drame qui a fait plus de 190 morts et des milliers de blessés. L’événement était organisé par la société civile.

Parmi ceux qui ont pris la parole, Jacques Gemayel, frère de l’une des victimes, a rappelé sa foi en « la patrie et en l’homme », martelant d’un ton solennel : « Les yeux des morts et des vivants sont tournés vers la justice libanaise, dans l’espoir qu’elle jaillisse tel un phénix de ses propres cendres. »

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Sont ensuite montés sur une scène improvisée cinq dignitaires religieux représentant les communautés libanaises, pour prier ensemble au repos de l’âme des victimes, ainsi que pour la capitale et le Liban tout entier. Après avoir lu la « fatiha » du Coran, un cheikh musulman a voulu rappeler la sourate du kahef (la cave), indiquant qu’elle porte sur « des révolutionnaires qui se sont retournés contre leurs responsables corrompus et qui finissaient morts ou condamnés à vivre dans une cave sous terre », faisant le parallèle avec l’éventuel survivant dont la présence a été détectée par une équipe chilienne à Gemmayzé sous des décombres. Trois prêtres chrétiens ont ensuite uni leurs voix pour un chant liturgique en syriaque et un « Notre Père » avec le public. Le père Élia, curé d’une paroisse avoisinante, a exprimé sa profonde tristesse face à l’événement qui a emporté des membres de sa paroisse et blessé gravement certains prêtres qui l’accompagnaient lors de la messe qu’il célébrait au moment de la déflagration. Jad Chaibane, un étudiant à l’AUB présent à la cérémonie, a déclaré à L’Orient-Le Jour : « Aujourd’hui je suis fier d’être libanais, la différence entre notre magnifique peuple et ses dirigeants criminels est flagrante, et cette donne doit impérativement changer dans les urnes aux prochaines élections, au nom de chaque victime du 4 août. »

Quelques dizaines de personnes ont ensuite allumé des flambeaux, tenant dans l’autre main des nœuds coulissants symbolisant des potences, pour manifester leur rage à l’encontre des irresponsables criminels et exprimer leur volonté de les voir condamnés. Dans la soirée, des milliers de bougies formant le drapeau du Liban ont été allumées devant le port.

Des dignitaires religieux des différentes communautés unis dans la prière et la tristesse. Photo Samir Moukheiber

Cérémonie au port

De son côté, l’armée a organisé, devant les silos de blé, dans l’enceinte du port, une cérémonie présidée par son commandant en chef, le général Joseph Aoun, au cours de laquelle une minute de silence a été observée. Des proches des victimes, des représentants de la Croix-Rouge libanaise et de plusieurs organisations civiles participant aux opérations de déblayage et de restauration dans les quartiers dévastés étaient également présents à cette cérémonie. Le général Aoun a allumé, au cours de cet hommage, un flambeau à la mémoire des personnes décédées, installé sur le site de l’explosion.

Dans la capitale, les cloches des églises ont sonné le glas et les mosquées ont diffusé des appels à la prière à l’heure précise à laquelle la double explosion a eu lieu. La circulation s’est arrêtée à cet instant dans les environs du port.