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Culture - Initiative

Zeina Daccache à l’écoute des séismes de l’esprit et du cœur

Grâce à cette constante quête de soi et de l’autre, l’artiste thérapeute qui a fondé Catharsis est parvenue à être un maillon actif dans la société libanaise et surtout celle d’aujourd’hui, blessée à mort.

Zeina Daccache à l’écoute des séismes de l’esprit et du cœur

Zeina Daccache : « Que ceux qui veulent s’adresser à nous n’hésitent pas. » Photo DR

Avant le 4 août, Zeina Daccache venait d’apprendre que son film The Blue Inmates avait été reçu à la Biennale de Venise à l’atelier Final Cut qui aura lieu du 7 au 9 septembre avec pour objectif de fournir une aide concrète à la réalisation de films d’Afrique et d’Irak, de Jordanie, du Liban, de Palestine et de Syrie. Et d’offrir aux producteurs et réalisateurs la possibilité de présenter des films encore en phase de production à des professionnels et distributeurs internationaux du cinéma afin de faciliter la postproduction et de promouvoir les partenariats de coproduction et l’accès au marché. Une bonne nouvelle qui éclairait un peu le paysage culturel maussade de Beyrouth ces derniers mois. Zeina Daccache savait qu’elle ne pouvait être Venise à cause du Covid-19 qui plaçait le Liban en quasi-quarantaine. Il lui suffisait de savoir que son projet qui avait nécessité des années de travail avait été reconnu dans un grand festival et qu’elle allait participer à l’atelier en ligne.

Et puis l’explosion du 4 août a eu lieu, bouleversant tout le pays. Zeina Daccache ne peut rester inactive, elle qui a toujours soutenu les marginalisés et les nécessiteux. Elle commence alors par subvenir aux besoins quotidiens des plus touchés par l’explosion. Mais elle se rend compte aussitôt qu’il fallait mettre son expertise en dramathérapie au service de ceux et celles qui ont eu des traumatismes et qui risquent d’avoir des conséquences ultérieures dans leur esprit et leur corps. Elle lance donc un appel sur les réseaux sociaux proposant un support mental allant du plus léger au plus lourd. Elle y utilisera les techniques de la dramathérapie pour laquelle elle a longtemps travaillé. Pour Zeina Daccache, il est important pour chaque Libanais de se confronter la catastrophe en acceptant les cinq phases par lesquels il va passer : le déni, la colère, le marchandage avec Dieu, la dépression puis l’acceptation. L’artiste, réalisatrice et thérapeute s’occupe des adolescents comme des adultes alors qu’elle réfère les enfants à des thérapeutes spécialisés. C’est ainsi qu’elle a réussi à organiser son emploi de temps qu’elle consacre aux Libanais qui ont vécu le drame de près et même de loin car il n’y a jamais eu de « closure » à tous les événements du Liban (depuis la guerre jusqu’à présent). « Que ceux qui veulent s’adresser à nous n’hésitent pas, dit-elle. Toute communication est possible : par téléphone, Skype ou webinar. Certains thérapeutes de Life Achrafieh m’ont même incluse dans leur programme en m’envoyant des patients. Ces séances sont gratuites, car il n’est pas question de faire payer des séances de thérapie actuellement, souligne-t-elle. Cela peut aller de petits conseils journaliers jusqu’à la recommandation à un autre thérapeute car, dit-elle, les personnes qui s’adressent à moi ont vécu des choses tellement lourdes surtout s’ils ont un historique de médicaments, qu’on doit les traiter avec délicatesse. »

Pour pouvoir se redresser

Zeina Daccache s’était rendu compte le jour où elle est rentrée au Liban après des études de théâtre et de psychologie que « la psychologie combinée au théâtre peut apporter un changement dans la vie des gens ». Lors de ses études aux États-Unis, elle a eu la chance de travailler avec Armando Punzo, un réalisateur italien qui a introduit la dramathérapie dans la prison Volterra. Elle suivra ainsi une formation avec lui. C’est alors qu’elle décide de créer Catharsis, une organisation à but non lucratif au Liban qui promeut et propose des actions thérapeutiques à travers l’utilisation de procédés théâtraux et artistiques pour les individus et les groupes. Cette organisation a très vite pénétré le tissu social pour aider les maillons les plus faibles. Elle offre des services et des programmes dans divers contextes sociaux, éducatifs et thérapeutiques comme les centres de traitement de la toxicomanie, les établissements de santé mentale, les hôpitaux, les établissements correctionnels... L’organisation travaille également avec des personnes qui souhaitent explorer divers problèmes de la vie et améliorer leur qualité de vie. C’est Catharsis, qui produira, entre autres, la pièce de théâtre et le documentaire 12 Libanais en colère avec des détenus de la prison de Roumieh (2009-2010) ; Shéhérazade à Baabda, la pièce interprétée par des détenues de la prison de Baabda (2012) ; la pièce Du fond de mon cerveau avec les résidents de l’hôpital psychiatrique al-Fanar (2013) ; le documentaire Journal de Shéhérazade avec les détenus de Baabda (2013), Johar en l’air avec des détenus souffrant de maladie mentale à la prison de Roumieh (2016). Elle y met l’accent sur ces hors-la-vie et leur donne la parole. Ce dernier sujet est devenu l’objet du film documentaire à propos des détenus souffrant de maladie mentale et dont certains sont enfermés en prison depuis 35 ans. Il vise à changer la matière du code pénal qui stipule que les délinquants « aliénés » devraient être incarcérés dans une unité spéciale de psychiatrie jusqu’à preuve de « guérison de la folie ». Dans ce film, Daccache implique des détenus « normaux » pour représenter dans une production théâtrale les histoires des détenus souffrant de maladie mentale et transmettre leurs messages au monde extérieur (car ceux qui souffrent de maladie mentale ne peuvent pas représenter leurs propres histoires sur scène). Outre les nombreux prix internationaux et dans différents festivals attribués à ses documentaires, les projets de Daccache ont réussi à avancer dans la réforme des prisons et du système judiciaire au Liban. C’est après la pièce et le film 12 Libanais en colère produits en 2009 à la prison de Roumieh, qu’une loi de 2002 visant à réduire les peines de prison pour bonne conduite a finalement été mise en œuvre. Le projet Shéhérazade à Baabda dans la prison pour femmes de Baabda en 2012 a fait la lumière et fait pression pour l’adoption d’une loi contre la violence domestique – tandis que son projet actuel sur les détenus souffrant de troubles mentaux pousse le gouvernement à améliorer la santé mentale dans les prisons libanaises et à réformer la loi pour les détenus souffrant de troubles mentaux.

Aujourd’hui, par son activisme « actif » au cœur de la société, Zeina Daccache, déterminée, se tient debout aux côtés des Libanais meurtris. Elle est à leur écoute et ne les laissera pas tomber.

Hotline de Catharsis : 09/914932

Live Achrafieh : 76/536146


Avant le 4 août, Zeina Daccache venait d’apprendre que son film The Blue Inmates avait été reçu à la Biennale de Venise à l’atelier Final Cut qui aura lieu du 7 au 9 septembre avec pour objectif de fournir une aide concrète à la réalisation de films d’Afrique et d’Irak, de Jordanie, du Liban, de Palestine et de Syrie. Et d’offrir aux producteurs et réalisateurs la possibilité...

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