
Le président français, Emmanuel Macron, et son homologue libanais, Michel Aoun, à Baabda le 1er septembre 2020. Gonzalo Fuentes/POOL/AFP
Emmanuel Macron semble avoir fait du cas libanais une affaire personnelle. Si les présidents français se rendent au moins une fois par mandat au Liban, il s’est pour sa part engagé à y revenir en décembre pour une troisième fois en moins de six mois. Le pays du Cèdre prend ainsi une place presque démesurée, compte tenu du faible enjeu stratégique qu’il représente, dans l’agenda ultrachargé du locataire de l’Élysée.
Pourquoi ? Parce que le Liban est le dernier terrain au Proche et au Moyen-Orient où la France a une véritable influence sans besoin d’avoir recours à ses alliés, un pré carré francophone dans une région en ébullition. Parce que la carte libanaise permet de se positionner sur plusieurs enjeux géopolitiques de premier plan dont le bras de fer américano-iranien, la guerre en Syrie ou les tensions gréco-turques en Méditerranée orientale. Parce qu’il est certainement agréable, particulièrement pour un homme politique, d’être attendu comme le messie et d’avoir le sentiment de pouvoir débloquer une situation inextricable par son seul volontarisme.
Mais l’essentiel semble ailleurs pour le président français. Ce dernier veut s’inscrire dans une histoire qui surplombe l’immédiateté et qui unit les deux pays par un lien qui dépasse les simples relations diplomatiques, même entre alliés. « La France et le Liban sont unis par une communauté de destin », a-t-il dit mardi soir.
Dans l’esprit d’Emmanuel Macron, la France ne peut pas laisser le Liban s’effondrer sans réagir. « Je ne vous lâcherai pas », répète-t-il à l’envi dans un message qui est autant adressé au peuple libanais qu’à ses dirigeants sur lesquels il souhaite exercer une pression intense et continue.
En s’engageant personnellement sur le front libanais, Emmanuel Macron prend un risque. Il l’admet lui-même dans un entretien accordé au site américain Politico. Le risque de perdre, en cas d’échec, une partie de son crédit politique sur la scène internationale et particulièrement dans la région, après avoir déjà subi de sérieux revers en Libye. Le risque d’être tenu pour responsable de cet échec, en tant que « parrain » d’un processus qui donne une « dernière chance » à des leaders politiques fortement conspués par la rue.
Le pari est ardu : il faut contraindre une classe politique allergique aux réformes depuis des décennies, et où la défiance règne en maître, à mener collectivement des changements structurels dans un délai de quelques semaines.
Le président français s’est posé mardi en arbitre de la politique libanaise, obligeant les partis à s’engager sur une feuille de route commune et posant un calendrier précis pour délivrer les promesses et être « au rendez-vous ». Comme si Paris assumait (presque) à nouveau, dans cette séquence, le costume de puissance mandataire qui définit l’horizon et tranche les différends entre les partis. Personne n’avait joué ce rôle au Liban depuis le retrait syrien en 2005, ce qui explique en partie la gouvernance fondée sur le consensus autour du plus petit dénominateur commun qui s’en est suivie. Mais là où l’influence du régime syrien reposait sur la peur et sur les arrangements personnels, Paris mise sur la confiance, la responsabilisation et l’exigence.
Trois outils
C’est la force et la limite de l’exercice. Emmanuel Macron a pu réunir tous les leaders politiques, les uns aux côtés des autres, pendant des heures à la Résidence des Pins. Aucun ne peut se permettre de boycotter l’initiative du dernier pays prêt à tendre la main au Liban. Tous acceptent de se faire malmener et réprimander. Tous ont donné leur parole de mettre en œuvre les réformes attendues. Mais que vaut la parole de formations politiques qui ont déjà promis à maintes reprises par le passé de changer en profondeur le système et qui n’ont rien fait d’autre qu’en exacerber les traits les plus grossiers ? Pourquoi ce qui n’a pas été fait hier serait fait demain ?
On peut considérer qu’ils sont dos au mur et qu’ils n’ont pas d’autres échappatoires. Mais on peut arguer à l’inverse que c’est déjà le cas depuis des mois et que les zaïms ont conscience qu’ils peuvent tout perdre s’ils scient la branche sur laquelle ils sont assis. Le risque, c’est que la dynamique française ne soit qu’une parenthèse qui, aussitôt refermée, laisse la place au retour de la politique à la libanaise, entre partage du gâteau, blocages permanents et dissensions paralysantes sur des thématiques essentielles. Emmanuel Macron va veiller au grain. « La confiance c’est le problème de l’autre », a-t-il dit mardi soir, citant Emmanuel Levinas. Le président français va exercer une pression maximale sur les leaders libanais via trois outils. En les obligeant à rendre des comptes devant leur population en cas d’échec – on peut toutefois douter du fait que cela inquiète le moins du monde les leaders libanais. En ne débloquant pas l’aide internationale, seul espoir de remettre le Liban sur les rails – on peut rappeler que la carotte est mise sur la table depuis des années et que rien n’a bougé pour l’instant. En menaçant, enfin, de procéder à des sanctions individuelles sur la base d’affaires de corruption ou de liens avec un groupe terroriste. Ce troisième outil est certainement le plus susceptible de pousser les dirigeants à agir. Mais le président français a précisé que ce n’était pas, pour l’instant, d’actualité. « On n’enclenche pas des sanctions parce que des gens ne prennent pas leurs responsabilités politiques », a-t-il précisé.
L’initiative macronienne pourrait se heurter à l’incroyable résilience de la classe politique libanaise, dont une partie ne joue rien de moins que sa survie. Elle pourrait également être entravée par les calculs géopolitiques des acteurs locaux et des puissances régionales. Si les Américains semblent être dans une posture de « wait and see », l’Arabie saoudite n’est clairement pas favorable à cette démarche qui inclut le Hezbollah. L’Iran pourrait y voir une façon d’apaiser les tensions et de gagner du temps, sans pour autant que l’on sache ce qu’il serait prêt à faire comme concessions. Le Hezbollah a déjà mis son veto à des élections législatives anticipées. À quel point le parti chiite est-il prêt à bousculer le statu quo, qu’il défend bec et ongles depuis des mois, pour que le Liban reçoive les financements dont il a urgemment besoin ?
Emmanuel Macron semble avoir fait du cas libanais une affaire personnelle. Si les présidents français se rendent au moins une fois par mandat au Liban, il s’est pour sa part engagé à y revenir en décembre pour une troisième fois en moins de six mois. Le pays du Cèdre prend ainsi une place presque démesurée, compte tenu du faible enjeu stratégique qu’il représente, dans l’agenda...
commentaires (10)
Le principal outil de ce merveilleux Macron c’est qu’il detient les secrets bancaires de tous les corrompus...et ceux la tremblent deja...en les devoilant finiront dans la poubelle de l’histoire, voiir lynches par Le Peuple
Bardawil dany
10 h 50, le 06 septembre 2020