
Saad Hariri réagissant au verdict du TSL, mardi 18 août 2020, à La Haye. AFP / KENZO TRIBOUILLARD
L'ancien Premier ministre libanais, Saad Hariri, a affirmé mardi "accepter" le jugement du Tribunal spécial pour le liban (TSL) dans le procès de l'assassinat en février 2005 de son père Rafic, ancien Premier ministre du Liban. "Le tribunal a statué, et au nom de la famille de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, et au nom des familles des martyrs et victimes, nous acceptons la décision du tribunal", a déclaré Saad Hariri à des journalistes à l'issue du prononcé du jugement, devant le TSL, basé aux Pays-Bas.
Le TSL a déclaré coupable Salim Ayyache, 56 ans, le principal suspect dans l'affaire, condamné en son absence par le tribunal pour son rôle dans l'attentat-suicide à Beyrouth qui a fait 22 morts, parmi lesquels le milliardaire sunnite Rafic Hariri. Le tribunal, mis en place après une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, a par ailleurs acquitté les trois autres suspects, tous membres présumés du Hezbollah et jugés par contumace, dans l'assassinat de Hariri, au bout de six ans de procès. Les juges ont en outre déclaré qu'il n'y avait aucune preuve permettant d'établir un lien direct entre l'attentat et la Syrie ou le Hezbollah, affirmant toutefois que "la Syrie et le Hezbollah ont peut-être eu des motifs d'éliminer M. Hariri et ses alliés politiques".
"Nous avons tous découvert la vérité aujourd'hui. Nous demandons désormais que justice soit faite et qu'une juste sanction soit donnée, a lancé M. Hariri. Aujourd'hui, pour la première fois dans l'histoire des assassinats politiques au Liban, les Libanais ont appris la vérité. C'est un jour historique". Il a déclaré que le jugement démontrait l'objectivité du tribunal et une "grande crédibilité", car seul un suspect a été reconnu coupable, alors que les critiques du TSL, parmi lesquels le Hezbollah, s'attendaient à ce que tous soient reconnus coupables par un tribunal qu'ils jugent "politisé".
"Que plus personne attende de nous des sacrifices"
Dans son allocution, Saad Hariri s'en est pris au parti chiite. "Il est clair que le réseau responsable de l'attentat provient des rangs du Hezbollah. J'adresse un message à ceux qui ont exécuté cette opération et à ceux qui l'ont planifiée : le temps des assassinats politiques commis en toute impunité est révolu. Nous ne serons en paix que lorsque la punition sera appliquée". Et de marteler : "Nous n'accepterons pas que le Liban soit le terreau des meurtres et de l'impunité. Les crimes ont un prix, et vous le paierez". "Il est clair pour tout le monde que le but de cet attentat terroriste était de modifier l'identité du Liban. Nous ne transigerons pas avec le sang de Hariri et des victimes. Que plus personne attende de nous des sacrifices. Aujourd'hui, le parti qui doit faire des sacrifices est le Hezbollah", a-t-il ajouté, rappelant la célèbre phrase de son père : "Personne n'est plus grand que son pays".
Saad Hariri est pressenti pour former le prochain gouvernement, après la démission la semaine dernière du cabinet de Hassane Diab. "A ceux qui affirment ne pas avoir confiance dans le TSL, je dis : aujourd'hui, tout le monde est placé face à ses responsabilités. La condition de la coexistence, c'est que chacun se sente concerné. C'est la leçon que nous donnent les jeunes qui œuvrent pour Beyrouth depuis le 4er août", a-t-il poursuivi, en référence à l'explosion dans le port de la capitale qui a fait près de 180 morts, plus de 6.500 blessés et environ 300.000 sans abris. "Les Libanais réclament vérité et justice. Ne les poussez pas à la confrontation", a conclu Saad Hariri.
"Crime odieux"
Plusieurs autres responsables, dont le chef de l'Etat Michel Aoun et le Premier ministre démissionnaire Hassane Diab, ont également réagi au verdict.
"Obtenir justice résonne avec le désir de chacun de découvrir les circonstances derrière ce crime odieux qui a ébranlé la stabilité et la paix civile au Liban et emporté une personnalité d'envergure nationale qui avait des proches, des partisans et un projet national", a ainsi déclaré à l'issue du verdict le président Michel Aoun. Dans un communiqué, le chef de l'État a appelé à faire en sorte que ce verdict soit "l'occasion de rappeler les positions de Rafic Hariri et ses appels à l'unité, la solidarité et l'unification des efforts dans le but de protéger le pays de toute tentative de sédition", citant une célèbre phrase de l'ancien Premier ministre qui avait dit que "personne n'est plus grand que son pays". "J'exprime le souhait que justice soit rendue pour de nombreux crimes similaires ayant visé des figures chères au cœur des Libanais et dont la mort a laissé un grand vide", a conclu le communiqué.
Hassane Diab a lui aussi publié un communiqué peu après l'énoncé du verdict. "Nous espérons que ce verdict soit une porte d'entrée vers la justice et la consécration de la stabilité, comme le rêvait Rafic Hariri, pour que le pays sorte de cette épreuve plus fort et attaché à l'unité nationale et à la paix civile", peut-on y lire.
"Avec le verdict du TSL, le Liban entre dans une période de justice pour tous les crimes, assassinats et violences politiques qui ont miné la stabilité du pays et altéré l'avenir de plusieurs générations, en particulier celles qui avaient vu en Rafic Hariri le gardien de leurs rêves et de leur volonté de construire un État juste", a de son côté affirmé l'ancien chef du gouvernement Nagib Mikati. "C'est l'heure de la tristesse pour le grand martyr, ses camarades martyrs qui ont suivi, et pour Beyrouth qui a été récemment frappée par la terrible explosion du port, a pour sa part déclaré l'ancien Premier ministre Tammam Salam. Mais c'est aussi l'heure de la réflexion sur les moyens de sauver le pays et, malgré toute l'amertume, de préserver l'unité nationale".
"Chasser ce nuage noir"
Quant au président du Parlement, Nabih Berry, il a indiqué que "le Liban a perdu le 14 février 2005, avec le martyre du Premier ministre Rafic Hariri, une stature nationale irremplaçable..." "Aujourd'hui, après la décision du TSL, nous devons gagner le Liban, auquel croyait Rafic Hariri : une nation unifiée", a-t-il ajouté.
Baha' Hariri, homme d'affaires libanais et frère de Saad Hariri, a, lui, affirmé qu'il respectait le jugement, ajoutant qu'il fallait "chasser ce nuage noir" que représente le Hezbollah "si nous voulons briller en tant que pays". "Le tribunal a confirmé que l'assassinat était un acte politique commis par ceux dont les activités étaient menacées par mon père, après qu'il a décidé que la Syrie devait quitter notre pays, a dit Baha' Hariri dans un communiqué. Le tribunal a été clair sur les antécédents politiques de ceux qui sont impliqués. Salim Ayyache, cadre du Hezbollah et proche du commandant du parti Imad Moghniyé, a été reconnu coupable de tous les chefs d'accusation". "Je respecte le jugement du tribunal. Le Liban doit respecter le jugement et ses obligations en vertu du droit international, a-t-il ajouté. Les seigneurs de la guerre n'ont aucun rôle dans le nouveau Liban. L'influence maligne du Hezbollah plane sur notre pays comme un nuage noir. Nous devons chasser ce nuage noir si nous voulons briller en tant que pays". "La bonne nouvelle est que nous pouvons sauver le Liban. Le peuple libanais a besoin d'un soutien international fort et dévoué pour une nouvelle approche démocratique, non sectaire, qui puisse apporter la stabilité nécessaire pour redémarrer l'économie et transformer le pays", a-t-il conclu.
Saad Hariri pressenti pour former le prochain gouvernement... et pourquoi donc? on vous a déjà vu. Si vous gérez encore aussi bien le pays que les compagnies héritées du Papa. Vous avez déjà œuvré au poste de PM. Du neuf de grâce mettez des nouveaux. Stop au politiciens recyclés.
22 h 19, le 18 août 2020