
Emmanuel Macron à Toulon, le 4 août 2020. Christophe Simon/POOL/AFP
Le président français Emmanuel Macron est attendu aujourd’hui au Liban « à la rencontre du peuple libanais pour lui porter le message de fraternité et de solidarité des Français » (après les deux explosions qui ont secoué le port de Beyrouth et la capitale mardi soir et causé plus d’une centaine de tués et cinq mille blessés, NDLR), comme on pouvait lire sur le compte Twitter du chef de l’Élysée.
Il s’agira du tout premier déplacement d’un président français à Beyrouth à la suite d’une catastrophe n’impliquant pas la France, depuis la visite à Beyrouth de Jacques Chirac après l’assassinat de Rafic Hariri, le 14 février 2005. À la veille de la visite du président Macron, le parquet de Paris a annoncé hier avoir ouvert une enquête pour « blessures involontaires » du fait que 21 Français ont été blessés lors des explosions.
Selon la présidence de la République française, M. Macron rencontrera son homologue libanais, Michel Aoun. Une source proche de Baabda confie dans ce cadre à L’Orient-Le Jour que le sommet franco-libanais se tiendra ce midi à Baabda, en présence du président de la Chambre, Nabih Berry, et du Premier ministre, Hassane Diab.
De même source, on indique que M. Aoun offrira un déjeuner en l’honneur de son homologue français et que M. Macron se rendra sur les lieux de la double explosion avant de rencontrer plusieurs personnalités politiques à la Résidence des Pins.
Dans le tweet annonçant son déplacement à Beyrouth, Emmanuel Macron a écrit : « Nous ferons le point sur la situation avec les acteurs politiques. » Un communiqué de l’Élysée a été un peu plus clair en soulignant que le chef de l’État rencontrera « l’ensemble des acteurs politiques ».
Perçue sous cet angle, la visite d’Emmanuel Macron à Beyrouth va bien au-delà des aides que la France a fournies au Liban. Il s’agit d’un message à tous les protagonistes rangés aussi bien dans l’opposition que dans le camp loyaliste. Il convient de rappeler dans ce cadre que Hassane Diab avait critiqué la visite que le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, avait effectuée à à Beyrouth les 22 et 23 juillet derniers. S’exprimant en Conseil des ministres, M. Diab avait estimé que la visite de M. Le Drian n’avait « rien apporté de nouveau » et qu’il « manquait d’informations » au sujet des réformes adoptées par le gouvernement.
Il reste qu’à 24 heures de la visite d’Emmanuel Macron, le flou entourait les éventuelles réunions du président français avec les faucons de l’opposition, notamment le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, ou encore les chefs du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, et des Kataëb, Samy Gemayel.
Hamadé démissionne : « Un mandat porte-malheur »
En tout état de cause, les opposants semblent lancés dans une bataille contre le pouvoir en place, dont certains réclament ouvertement « le départ » à la suite de la catastrophe de mardi soir. C’est Marwan Hamadé, député joumblattiste du Chouf, qui a donné le coup d’envoi de ce combat en démissionnant de son poste, quelques heures après l’explosion du port. Dans une déclaration à la chaîne MTV mardi soir, M. Hamadé a expliqué les motifs de sa décision, en se livrant à une violente diatribe contre Michel Aoun et son sexennat. « J’ai décidé de jeter l’éponge parce que je ne veux avoir aucun rapport avec ce pouvoir », a-t-il lancé, avant de s’en prendre au chef de l’État. « Le président de la République devrait être le premier à démissionner, parce que nous voulons en finir avec ce mandat porte-malheur », a lancé M. Hamadé, avant d’ajouter : « Il est impossible de rester les bras croisés face à un tel mandat. » Et M. Hamadé de présenter ses « excuses » au leader du PSP, Walid Joumblatt, et aux membres du bloc parlementaire dont il fait partie (le Rassemblement démocratique), pour avoir pris sa décision sans concertations préalables avec eux. Hier, M. Hamadé a officiellement remis sa démission au secrétaire général du Parlement, Adnane Daher. La Chambre devrait en être notifiée lors de sa prochaine séance. La démission de Marwan Hamadé pourrait-elle amener le reste des opposants à une démarche semblable afin de contraindre le pouvoir à organiser des élections législatives anticipées, comme le réclame le mouvement de contestation ? Il semble prématuré de répondre à cette question, les composantes de l’opposition n’ayant pas encore étudié cette éventualité. Même dans les cercles proches de Moukhtara contactés par L’OLJ, on préfère ne pas commenter la décision de Marwan Hamadé, estimant que « le bloc parlementaire joumblattiste s’est toujours distingué par une démocratie qui donne aux députés une marge de manœuvre ».
Pour le moment, la bataille, aux yeux de Walid Joumblatt, est ailleurs. Il s’agit de venir en aide aux victimes de l’attentat du port de Beyrouth mais aussi de bien définir les grandes lignes de la prochaine phase. Et c’est à cette fin que M. Joumblatt tiendra une conférence de presse à Clemenceau, aujourd’hui à 13 heures. De son côté, le chef des FL devrait s’exprimer aujourd’hui à l’issue d’une réunion extraordinaire du bloc de « La République forte », prévue à 11h30 à Meerab. Contacté par L’OLJ, un responsable FL ne tranche pas la question de la (possible) démission des députés du parti. Mais il souligne qu’elle devrait être étudiée sous l’angle de son efficacité et de ses incidences politiques. Une façon d’exclure implicitement une telle démarche de la part des FL, en dépit de leur farouche opposition au gouvernement et au mandat.
Parallèlement, un proche de Saad Hariri dément les rumeurs portant sur une volonté des parlementaires haririens de rendre leurs tabliers, dans la mesure où cela est inopportun à l’heure actuelle, selon lui.
De leur côté, les quatre anciens Premiers ministres, Saad Hariri, Tammam Salam, Fouad Siniora et Nagib Mikati, ont poursuivi hier leurs attaques contre le mandat et le cabinet. Dans un communiqué publié à l’issue de leur réunion à la Maison du Centre, hier, ils ont stigmatisé l’« explosion catastrophique » de mardi, déplorant la « catastrophe qui a secoué la confiance des Libanais dans la présidence et le gouvernement ». Et d’insister sur « la nécessité de demander aux Nations unies et à la Ligue arabe de former une commission d’enquête internationale ou arabe » dans l’affaire du double attentat du port. Les anciens Premiers ministres ont en outre appelé à sanctionner ceux qui s’avèrent responsables du drame, tout en exhortant les pays amis à venir en aide à la capitale libanaise sinistrée.
Pour la mise en jugement des responsables politiques
Le « Groupe du communiqué national », un rassemblement de personnalités qui se présentent comme indépendantes, a publié hier un communiqué réclamant le renversement et la mise en jugement des responsables politiques en poste, estimant qu’ils exercent désormais un pouvoir « tyrannique ». Voici l’essentiel de ce communiqué :
« Après l’horreur infligée à Beyrouth, il ne suffit plus de renverser ceux qui exercent le pouvoir (...) l’établissement d’un programme sérieux et efficient, pour les juger, s’impose. Ce mandat est devenu celui de la tyrannie. Et le tyran doit être renversé et jugé.
« Le cours de cette justice souhaitée peut être long, mais il est nécessaire qu’il commence aujourd’hui pour que les Libanais aient droit à l’espoir. Partant de notre volonté de hâter cet espoir, nous demandons à ceux qui ont voix dans les forums internationaux de commencer à les boycotter officiellement dans la mesure qu’il faut, sans nuire aux Libanais, en les inscrivant sur les listes noires, en restreignant leurs déplacements et en confisquant leurs biens, au profit des victimes de leurs actes tyranniques qui ne se comptent plus après le crime de Beyrouth.
« Dans le respect de l’engagement pris par notre peuple opprimé (...) voilà l’appel responsable que nous lançons à tous ceux qui aiment le Liban et croient en Beyrouth, pôle universel de liberté et de justice.
« Pour le Groupe du communiqué national : Chibli Mallat, Nawal Méouchy, Chucri Sader, Nada Saleh Anid, Gisèle Khoury, Khalil Hitti, Salim Mouzannar et Hana Jaber. » Dans son communiqué constitutif, voici quelques deux mois, le groupe réclamait la démission du président Michel Aoun.
Monsieur le Président Macron. Il faut mettre tout le poids de tous les états puissants pour exiger le désarmement du HB au plus vite. A cause de ses armes le Liban se trouve en grand danger de mort. Nous seuls, ne pourrions pas grand chose puisque ce parti est le seul à être armé et nous ne voulons pas faire les frais de sa barbarie pour ses ambitions stratégiques pour le voir encore dominer le pays et installer sa dictature grâce à son arsenal militaire qu’i prétend détenir pour défendre le Liban d’un ennemi qu’il a inventé pour se cacher derrière et régner en seul maître sur le pays.
14 h 35, le 06 août 2020