
En haut, le port de Beyrouth le 5 août 2020, au lendemain de la double explosion. En bas, le port avant le drame. Satellite Image ©2020 Maxar Technologies/AFP
Malgré la décision prise hier en Conseil des ministres de former une commission d’enquête administrative présidée par le Premier ministre, qui devrait préparer son rapport en cinq jours, et la commission rogatoire engagée par le procureur près la Cour de cassation, les forces de l’opposition expriment d’ores et déjà leur manque de confiance dans une enquête dont ils doutent de l’issue. Et beaucoup d’internautes suivent cet exemple, exprimant publiquement leur désir d’une enquête « indépendante ». L’idée de l’internationalisation de la tragédie qui frappe le Liban fait son chemin. Ainsi, les anciens Premiers ministres, opposants déclarés au pouvoir en place, ont réclamé hier une commission d’enquête « internationale ou arabe » pour déterminer les circonstances de la double explosion qui a ravagé la capitale mardi. « Beyrouth a été frappée par une explosion phénoménale inédite. Cette catastrophe a causé un grand effondrement de la confiance des Libanais envers le gouvernement et le mandat » du président Michel Aoun, a déclaré l’ancien chef de gouvernement Fouad Siniora, faisant lecture d’un communiqué à l’issue de la réunion des anciens PM. « Nous considérons qu’il est nécessaire de demander aux Nations unies ou à la Ligue arabe la formation d’une commission d’enquête internationale ou arabe afin de déterminer les circonstances » du drame, ont ajouté les ex-PM. La réunion a regroupé M. Siniora, Saad Hariri et Tammam Salam. Idem pour le député Hady Aboulhosn, membre du bloc du Rassemblement démocratique, qui a affirmé hier n’avoir « aucune confiance » dans les enquêtes qu’entendent mener les autorités locales « criminelles ». Dans un tweet, le député a dénoncé « un régime politique corrompu, qui ne provoque que des désastres et des tragédies ». Il a affirmé n’avoir « aucune confiance dans les commissions d’enquête interne et les autorités imbéciles et criminelles » qui ont cautionné le stockage de produits aussi dangereux que le nitrate d’ammonium, dont plus de 2 700 tonnes ont explosé mardi. Et les syndicats s’y mettent aussi. Les représentants des syndicats de toutes les professions des secteurs sanitaire et médical au Liban, réunis à l’ordre des médecins de Beyrouth, ont appelé hier les dirigeants à former une « cellule d’enquête indépendante » pour définir qui sont les responsables de la double explosion qui a ravagé Beyrouth mardi et fait plus de cent morts et près de 5 000 blessés.
La réponse du gouvernement ne s’est pas fait attendre. le ministre de l’Intérieur, Mohammad Fahmi, a promis, de Bourj Hammoud où il effectuait une visite, une enquête « transparente », ajoutant que « tous les responsables rendront des comptes ». En réponse à une question d’une journaliste sur les demandes qu’une enquête internationale soit conduite, M. Fahmi a répondu : « Nous avons toutes les compétences nécessaires. »
Plusieurs théories
Le manque de confiance vient de certaines craintes concernant la volonté d’imposer une « version officielle », celle du départ accidentel, sans tenir compte d’autres théories. Qu’en pense un observateur indépendant ?
Selon le général à la retraite Khalil Hélou, « cette substance explosive n’est pas à usage militaire mais agricole, et elle était emmagasinée au port dans des conditions qui, le moins qu’on puisse dire, ne sont pas respectueuses des normes de sécurité ». « Cette substance devient dangereuse lorsqu’elle entre en contact avec d’autres qui servent alors de catalyseur, d’où le fait que le nitrate d’ammonium devient oxydant, poursuit-il. Dans ce cas précis, tous les ingrédients étaient réunis : le feu qui s’est propagé d’abord dans le dépôt contenant les feux d’artifice, ensuite sur la substance de nitrate. Autre facteur qui a servi de catalyseur, la poussière du blé ou cellulose qui a rendu le contexte encore plus inflammable. »
Pourquoi l’explosion ? « Je ne favorise aucune théorie pour l’heure, n’ayant aucune preuve entre les mains, mais les premières pistes de réflexion sont les suivantes, répond-il. D’abord, il y a la théorie de l’accident, à savoir que le feu, quelle que soit son origine – certains évoquent des travaux de soudure à l’une des portes d’entrée du hangar qui a provoqué une réaction en chaîne –, a atteint le dépôt de feux d’artifice puis celui contenant le nitrate, d’où la première explosion suivie d’une seconde où l’on voit la fumée blanche, à la manière de l’explosion d’une bombe d’hydrogène. »
À savoir que selon notre informateur Mounir Rabih, cette version est effectivement en train de circuler, favorisée par les autorités. « J’ai bien peur qu’elle ne devienne la version officielle, parce qu’elle arrange tout le monde, dit-il. Et que toutes les autres théories ne soient abandonnées, malgré les nombreux témoignages de personnes ayant entendu des avions peu avant l’explosion. Personnellement, je ne crois pas à la version officielle, mais tant qu’il n’y aura pas d’enquête indépendante, on n’en saura rien. »
La seconde théorie présentée par le général Hélou est celle d’un « acte subversif qui serait commis par un service sécuritaire donné, qui aurait eu connaissance de la présence de cette quantité de nitrate, sans que son objectif ne soit connu pour l’heure. Et la troisième théorie est celle d’un bombardement (du dépôt en question) qui serait commis par Israël ou par un État tiers ». Il fait remarquer que nombreux sont ceux qui ont entendu le vrombissement de l’aviation avant et après l’explosion. L’avion (ou drone) a survolé le Chouf et le Barouk. Une vidéo, dont on n’a pas pu vérifier l’authenticité, montre un objet volant au-dessus du lieu de l’explosion. Fait notable, le Premier ministre israélien a convié mardi soir à un Conseil des ministres restreint pour « discuter de la situation en Syrie ».
Les responsables affirment que la commission d’enquête qui sera formée devra rendre ses conclusions d’ici à cinq jours au maximum. « C’est de l’infantilisme militaire ou, pire, de l’ignorance totale, estime le général Hélou. En s’engageant à faire la lumière sur cette tragédie en cinq jours, les responsables politiques sont en train de se placer dans des positions absolument indéfendables. »
On ne s’attend pas à grand chose vu que La région est bouclée depuis l’événement tragique et devinez qui dirige les nettoyages ? Certes des organismes libanais mais sous les ordres des vendus. On aura les preuves qu’ils veulent bien démontrer.
13 h 02, le 06 août 2020