
Deux nuages toxiques, l’un rouge rouge rosé, l’autre gris, ont jailli au cours de l’explosion de mardi. Photo via Reuters
Une double déflagration et deux nuages toxiques, l’un rouge rosé, l’autre gris, ont jailli ce mardi du hangar 12 du port de Beyrouth, emportant tout sur leur passage, vies humaines, installations portuaires, habitations et commerces par centaines de milliers. Selon les informations officielles, étaient stockées dans cet entrepôt par les autorités portuaires et à proximité des quartiers résidentiels, 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium, un produit hautement explosif dans certaines conditions précises, connu pour avoir provoqué nombre de catastrophes industrielles dans le monde. Au lendemain de l’apocalypse, alors que la population meurtrie est encore sous le choc, quelles sont les répercussions de ces émanations sur la santé des habitants ? Quelles en sont aussi les conséquences sur la faune, la flore et les produits agricoles ?
Des scientifiques se penchent pour L’Orient-Le Jour sur la question, mais restent prudents sur leurs analyses. Car les informations officielles ne leur parviennent qu’au compte-gouttes. Sans compter qu’ils les prennent avec des pincettes, la confiance n’étant pas au rendez-vous. Il n’en reste pas moins qu’ils invitent la population beyrouthine à ne pas paniquer, mais à se protéger dans les jours prochains des fines particules encore en suspens dans l’air ou qui se sont déposées sur les surfaces. À rester chez eux de préférence, les vitres fermées, dans la climatisation, et à porter des masques lorsqu’ils sortent. Et s’ils doivent absolument nettoyer des débris, il faut impérativement s’équiper de masques et de gants, éviter aussi de soulever poussières et résidus qu’ils risqueraient d’ingérer. Sans oublier que les enfants et les personnes âgées sont particulièrement vulnérables et risquent de développer des problèmes respiratoires, notamment.
Est-ce seulement du nitrate d’ammonium ?
En l’absence d’équipements susceptibles d’analyser la qualité de l’air, « les autorités libanaises n’ont aujourd’hui aucun moyen de connaître le degré de pollution atmosphérique de la ville de Beyrouth », au lendemain de la gigantesque double explosion qui a secoué la capitale. C’est le triste constat que fait le secrétaire général du Conseil national de la recherche scientifique (CNRS), Mouïn Hamzé. Car si certaines unités existent bel et bien, au ministère de l’Environnement notamment, « elles ne sont tout bonnement pas fonctionnelles », révèle-t-il. C’est dire la négligence officielle dans la gestion du dossier de l’environnement, comme dans tant d’autres dossiers. Le chercheur fait donc part de ses constatations sur base « d’informations préliminaires » et non « pas d’analyses fiables ». Et ce d’autant que « personne n’a encore reconstitué officiellement le scénario de ce qui s’est réellement passé au port de Beyrouth ». Il insiste en revanche sur « le besoin d’un laboratoire mobile pour analyser la qualité de l’air et identifier poussières et micro-éléments en suspens », sur la nécessité de mener une « enquête fiable, de longue haleine, menée par une police scientifique ». « Tout ce que nous savons c’est que nous ne respirons pas un air sain. Et qu’avec le temps, nous espérons que cet air se renouvellera vu l’ouverture sur la mer », dit-il. Mais il ne peut s’empêcher de se demander de quoi étaient vraiment faits ces nuages. « Est-ce seulement du nitrate d’ammonium ou y avait-il autre chose? » s’interroge-t-il.
Même prudence de la part de la professeure de chimie atmosphérique à l’Université américaine de Beyrouth (AUB), Najat Saliba, qui se demande si les autorités ont bien tout dit. « Nous n’avons pas toutes les informations, gronde-t-elle. Nous savons bien que le nitrate d’ammonium n’explose pas seul. D’où ces deux explosions entendues et vues. » Alors concernant la pollution de l’air, elle ne peut se prononcer formellement. « Nous n’avons pas la possibilité de mesurer les toxines, déplore-t-elle. Mais s’il s’agit de nitrate d’ammonium, ce gaz toxique devrait se disperser rapidement, d’autant que l’explosion était au bord de la mer et que le vent a dispersé les nuages. » Ce qui est sûr, c’est que « le risque diminue au fil des jours ». « Cela n’empêche pas la présence de résidus et de poussières susceptibles d’affecter les enfants et les personnes âgées. D’où la nécessité de prendre les précautions nécessaires, sans paniquer, insiste la professeure. Les personnes à risques, enfants et personnes âgées, doivent éviter de sortir autant que possible. Ils doivent rester à l’intérieur, dans un espace propre, climatisé et sans poussière », explique-t-elle.
Aux personnes contraintes de nettoyer les débris, elle conseille vivement de « se munir de gants épais et de masques ». À l’intérieur des appartements, mieux vaut privilégier les aspirateurs pour enlever la poussière des déflagrations. Mais à l’extérieur, elle conseille de « verser de l’eau pour éviter une nouvelle dispersion de la poussière ».
Portez des masques à Beyrouth à l’extérieur
Si le pic est passé visiblement, le degré de vigilance ne doit pas baisser, même si les résidus ont été probablement poussés vers la mer par le vent, ou se sont déposés sur le sol et les surfaces. Car la météo aurait été favorable à une dispersion des nuages toxiques. « Ce dont nous sommes certains, c’est qu’il s’agit d’un produit chimique », affirme le directeur du département de chimie à l’Université Saint-Joseph, Charbel Afif, également expert en pollution atmosphérique. « Nous savons aussi qu’en cas de haute concentration, les particules peuvent entrer dans les poumons et avoir un impact sanitaire nocif », prévient-il. D’où la nécessité, à l’heure où commencent les opérations de déblayage des débris, de « ne pas remettre les particules en suspension, mais de laver les objets à l’eau et au savon, afin que les poussières nocives ne s’invitent pas dans les poumons ». Quant aux camions transportant les débris, ils doivent carrément « envelopper leurs cargaisons ». « Portez des masques à Beyrouth lorsque vous êtes dehors, jusqu’à la semaine prochaine au moins », insiste M. Afif. Au-delà de ces précautions personnelles nécessaires, le spécialiste met en garde contre « la toxicité probable » des produits agricoles et des produits de la mer, dans les régions proches de la capitale. Mais il ne se prononce pas pour l’instant sur les mesures à prendre, s’il faut ou non détruire fruits et légumes, s’il faut juste les laver. « Une étude plus complète est nécessaire, estime-t-il. Sera-t-elle seulement menée ? »
Inflammations oculaires, urticaires, eczéma
Les réserves des scientifiques sur l’hypothèse des autorités sont fermes et nombreuses. Mais ils n’ont d’autre choix que de baser leurs conseils sur ces informations, même floues. « Si je dois croire les autorités, il s’agit de nitrate d’ammonium, même si d’après moi les déflagrations étaient bien trop fortes pour ce produit chimique », souligne Joseph Matta, directeur du laboratoire de l’Institut de recherche industrielle. Le responsable met donc en garde contre les quatre polluants possibles du nitrate d’ammonium susceptibles de provoquer divers impacts sur l’être humain. « Outre des problèmes respiratoires divers, ils pourraient entraîner des inflammations oculaires, des eczémas ou des urticaires », révèle-t-il. Il rappelle toutefois que tout est fonction de chaque individu, de sa sensibilité, de ses problèmes de santé, de son âge. Sans oublier le degré de concentration des gaz, qui s’est déjà atténué. Il n’en insiste pas moins sur « la nécessité de se protéger, car il ne s’agit pas d’une blague ». « Nous ne savons pas si les atteintes au système respiratoire sont réversibles », ajoute-t-il.
Même si la concentration des particules nocives dans l’air tend à diminuer, les précautions sont à prendre à la lettre. « Plus particulièrement pour les sujets à risques, les personnes asthmatiques, celles souffrant de problèmes cardio-vasculaires aussi », avertit Wehbé Farah, professeur de physique à l’USJ et responsable de la cellule environnement de l’opération 7e jour. Les sujets sains ne doivent pas non plus prendre de risques inutiles et « éviter le sport à l’extérieur, dans la capitale et ses environs », le temps que se terminent les opérations de déblaiement, insiste-t-il. Outre le drame que vient de vivre la capitale libanaise, l’expert n’en rappelle pas moins que « Beyrouth souffre d’une pollution chronique ». Et qu’il est grand temps de se pencher sur ce problème qui diminue l’espérance de vie.
PAUVRES LIBANAIS. QUE N,ALLEZ-VOUS PAS ENDURER ENCORE. DEGAGEZ LES ABRUTIS CORROMPUS, VOLEURS ET INCOMPETENTS DE BONGRE SINON DE MALGRE !
15 h 09, le 06 août 2020