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Société - Accès à l’information

Un jugement ordonnant la suppression d’un site électronique suscite des remous

La plateforme Shinmimlam.com, qui fournissait des renseignements sur des réseaux d’affaires, ne pourra être réactivée que lorsque les noms des avocats des sociétés qui y figurent seront supprimés, décrète une juge des référés de Beyrouth.


Un jugement ordonnant la suppression d’un site électronique suscite des remous

Photo d’illustration Bigstock

À l’heure où l’opinion publique réclame à cor et à cri la transparence afin de lutter contre les ravages de la corruption, une décision émise le 16 juin par Hala Naja, juge des référés de Beyrouth, a entraîné récemment, au nom du secret professionnel et de la préservation des données personnelles, la suppression du site électronique Shinmimlam.com, ceci tant que tous les noms des avocats des sociétés qui y figurent ne sont pas retirés.

C’est pourtant dans le but de contribuer à la transparence dans les milieux des affaires – notamment en ce qui concerne les relations entre les sociétés, des figures publiques de la vie libanaise et les hommes d’affaires – que la plateforme, créée en mars dernier, publiait des documents administratifs et d’autres informations sur des sociétés, parmi lesquelles les noms de ces avocats. Mais estimant que les publications concernant ses membres portent atteinte au secret professionnel et ne font pas partie des mentions exigées par le registre de commerce, l’ordre des avocats présidé par Melhem Khalaf avait intenté une action pour obtenir leur suppression. L’identité du ou des propriétaires du site électronique – qui s’appuie sur le registre commercial – n’étant pas connue, le jugement est allé encore plus loin en décidant la suppression pure et simple de la plateforme (via le ministère des Télécommunications et les sociétés de téléphonie mobile Touch et Alpha).

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La décision a suscité une vive indignation au sein de la société civile, notamment parmi ceux de ses membres qui œuvrent pour l’application du droit à l’accès à l’information et de la reddition des comptes. Pour sa part, le bâtonnier de Beyrouth, Melhem Khalaf, se félicite du jugement des référés. « La création de fichiers et le traitement d’informations sont interdits par la loi sur les transactions électroniques (2018), affirme-t-il à L’Orient-Le Jour. Si diffuser les noms d’avocats de sociétés est parfaitement légal, le traitement de données effectué à partir de ces noms viole la loi. » « Ce procédé risque une divulgation du secret professionnel puisqu’il permet d’établir et d’insérer les listes des clients de chaque avocat », explicite-t-il, avant de déplorer : « La plateforme Shinmimlam.com intégrait dans son moteur de recherche des révélations détaillées sur les avocats, actionnaires et dirigeants de sociétés, de manière à dévoiler les liens entre eux et faire ainsi un safari d’informations propageant des renseignements personnels. » « Le registre de commerce (RC) permet certes un accès public aux informations sur les sociétés commerciales, mais n’impose nullement de fournir les noms des conseillers juridiques de ces compagnies », ajoute-t-il.

Rédemption
Si Nizar Saghieh, avocat et directeur exécutif de l’ONG Legal Agenda, admet que le code de commerce n’inclut pas les noms des avocats parmi les mentions obligatoires qui doivent figurer au registre du commerce, il rappelle cependant qu’à l’époque où le code avait été rédigé (1941), aucune société n’était encore contrainte de désigner un avocat. Or, dit-il, la loi sur l’organisation de la profession d’avocat (1971) n’admet plus la constitution d’une société sans la désignation d’un représentant légal. Le nom de ce dernier doit donc être inscrit au RC, soutient M. Saghieh. « Le principe de la publicité du registre du commerce illustre l’esprit de transparence qui animait alors le législateur, bien avant l’indépendance du pays », note-t-il, se désolant qu’on veuille à présent entraver la transparence, laquelle est pour lui « une rédemption dans le contexte délétère actuel ». « Priver l’opinion publique de l’obtention d’informations revient à la priver d’un moyen de découvrir et dénoncer la corruption à travers le démontage des réseaux d’intérêts », martèle-t-il, réclamant le droit de chacun à « s’enquérir du rôle des avocats au sein de ces réseaux ». Allusion au fait que, souvent, des avocats constituent des prête-noms pour des actionnaires de sociétés mêlés à la politique.

Pour mémoire

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En réaction aux propos de M. Saghieh, le bâtonnier de Beyrouth fulmine : « Les avocats ne doivent pas faire l’objet de doutes ! » Quoi qu’il en soit, M. Saghieh estime que l’ordre des avocats, « ordre des libertés engagé dans les réformes, devrait encourager l’utilisation de la technologie au service des citoyens, plutôt que de fermer les portes permettant d’éclairer sur les liens et l’enchevêtrement des sociétés ». Les données étant abondantes, il estime qu’on ne peut y accéder qu’avec les moyens technologiques, d’autant que solliciter sur place le registre du commerce pour collecter les documents nécessite énormément de temps. Quant au risque de dévoiler des détails relatifs à la vie privée, le directeur exécutif de Legal Agenda le réfute fermement. « C’est l’engagement professionnel qui était révélé sur le site, et non l’âge, l’état de santé ou l’orientation sexuelle », objecte-t-il. Indiquant qu’il entend faire opposition au jugement, il conclut que celui-ci « constitue une agression hostile à la société et nuit à l’intérêt public ». L’ancien député Ghassan Moukheiber, auteur de la loi sur l’accès à l’information (2017), considère dans le même esprit que les informations de la plateforme Shinmimlam.com peuvent être valablement publiées. Selon lui, « les données fournies à propos des avocats de sociétés anonymes ne revêtent pas un caractère personnel et ne peuvent donc bénéficier d’une protection légale afférente à ce statut ». « Les noms des avocats étant publics auprès du registre de commerce, un caractère secret ne peut leur être conféré », tranche-t-il.

Adoption du décret d’application
Sur le même plan de la transparence et de la lutte contre la corruption, la ministre de la Justice, Marie-Claude Najm, a soumis mardi un projet du décret d’application de la loi sur l’accès à l’information, aussitôt adopté par le gouvernement. Trois ans après, il était temps. En souhaitant que le nouveau texte ne subisse pas le sort de bien d’autres, relégués dans les tréfonds pour permettre aux responsables de se dérober à la reddition des comptes réclamée plus que jamais par l’opinion publique depuis le mouvement du 17 octobre.

À l’heure où l’opinion publique réclame à cor et à cri la transparence afin de lutter contre les ravages de la corruption, une décision émise le 16 juin par Hala Naja, juge des référés de Beyrouth, a entraîné récemment, au nom du secret professionnel et de la préservation des données personnelles, la suppression du site électronique Shinmimlam.com, ceci tant que tous les noms...

commentaires (3)

Encore heureux qu’ils ne traduisent pas ces concepteurs du site en justice pour complot et collaboration avec l’ennemi. Aucune logique dans leur désapprobation du fonctionnement du site lorsqu’on sait que même pendant le tribunal de Nuremberg les avocats s’affichaient à côté de leurs clients qui eux étaient accusés de crime contre l’humanité. Pourquoi maintenant ils ne veulent pas être cités comme avocats des voleurs et des traitres de la nation? S’ils en ont honte ils n’ont qu’à se retirer et laisser éclater la vérité au grand jour. Et s’il y a conflit d’intérêts et magouilles alors ils seront jugés à leur tour pont barre. Ça n’est pas aux révélateurs de vérité qu’il faut s’en prendre mais à ceux qui ont commis des crimes au nom de la loi et collaborer pour étouffer les scandales.

Sissi zayyat

12 h 43, le 30 juillet 2020

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Commentaires (3)

  • Encore heureux qu’ils ne traduisent pas ces concepteurs du site en justice pour complot et collaboration avec l’ennemi. Aucune logique dans leur désapprobation du fonctionnement du site lorsqu’on sait que même pendant le tribunal de Nuremberg les avocats s’affichaient à côté de leurs clients qui eux étaient accusés de crime contre l’humanité. Pourquoi maintenant ils ne veulent pas être cités comme avocats des voleurs et des traitres de la nation? S’ils en ont honte ils n’ont qu’à se retirer et laisser éclater la vérité au grand jour. Et s’il y a conflit d’intérêts et magouilles alors ils seront jugés à leur tour pont barre. Ça n’est pas aux révélateurs de vérité qu’il faut s’en prendre mais à ceux qui ont commis des crimes au nom de la loi et collaborer pour étouffer les scandales.

    Sissi zayyat

    12 h 43, le 30 juillet 2020

  • la transparence est consideree au Liban la mere de tous les vices

    LA VERITE

    11 h 45, le 30 juillet 2020

  • LA DEMOCRATIE ET LA LIBRE EXPRESSION BAFOUEES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 26, le 30 juillet 2020

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