La Banque mondiale (BM) a confirmé officiellement mardi soir le délai accordé au gouvernement libanais pour la relance du projet de construction d'un barrage controversé dans la vallée de Bisri, précisant que les travaux devraient être repris d'ici le 4 septembre. Dans un communiqué, publié sur son site Internet, la Banque mondiale réitère son appel à un dialogue "transparent" avec toutes les parties libanaises concernées par ce projet et souligne que si le projet de barrage devait être annulé, elle serait prête à étudier une réallocation du montant "pour répondre aux besoins émergents du peuple libanais".
"La Banque mondiale a informé le gouvernement libanais de son approbation d'étendre jusqu'au 4 septembre les délais accordés pour respecter les exigences liées à l'accord de prêt pour le projet de barrage de Bisri", indique la BM dans son communiqué. Elle précise attendre de l'exécutif une version amendée du Plan de compensation écologique, la signature d'un accord de coopération entre le ministère de l’Énergie et l'Office des eaux de Beyrouth et du Mont-Liban, ainsi qu'une "remobilisation" de l'entrepreneur sur le site.
La Banque mondiale ajoute que ce délai de quelque six semaines a été approuvé en raison notamment de la crise sanitaire, qui "peut avoir handicapé la capacité des autorités libanaises à répondre à leurs obligations".
Conçu pour alimenter Beyrouth en eau, le projet de barrage de Bisri, situé entre le Chouf et Jezzine, est financé en grande partie par un prêt de la Banque mondiale et doit être exécuté par le Conseil du développement et de la reconstruction. La société civile, les municipalités de la région, le Parti socialiste progressiste du chef druze Walid Joumblatt et les Forces libanaises du leader chrétien Samir Geagea s’opposent à ce projet. Selon eux, il menace la biodiversité et le riche patrimoine de cette vallée et peut constituer un danger car il se situe sur une faille sismique. De plus, la nature du terrain, riche par ailleurs en eau souterraine, ne serait pas propice au stockage d’eau. Depuis la semaine dernière, des militants opposés au projet campent dans la vallée de Bisri pour empêcher le redémarrage de ces travaux.
"Tolérance zéro" vis-à-vis de la corruption
La Banque mondiale réitère en outre la "nécessité urgente" pour le gouvernement de lancer des consultations "ouvertes, transparentes et inclusives avec toutes les parties prenantes libanaises" et l'importance de traiter "de manière pacifique" les activistes et les représentants de la société civile s'opposant au projet. La Banque "encourage" le gouvernement à étudier la nomination éventuelle d'une tierce partie indépendante qui pourrait initier un tel dialogue.
La séance de dialogue concernant le projet, qui avait été lancée au Sérail par le ministre de l’Énergie Raymond Ghajar, avait été critiquée par les activistes, alors que seuls des partisans du barrage s'étaient réunis pour évoquer ce dossier. La ministre de l'Information Manal Abdel Samad, présente à cette réunion, en avait même claqué la porte en signe de protestation contre le manque d'équilibre parmi les représentants.
"Si la Banque mondiale ne reçoit pas de preuve suffisante de l'accomplissement de ces exigences, d'ici le 4 septembre, la part du prêt encore suspendue sera annulée", met en garde l'institution. Elle souligne toutefois que, le cas échéant, elle serait prête à coopérer avec le gouvernement pour étudier "comment les fonds annulés pourraient être utilisés le plus efficacement possible pour répondre aux besoins émergents du peuple libanais". La BM rappelle par ailleurs sa "politique de tolérance zéro concernant toute utilisation abusive éventuelle des fonds qu'elle octroie, soulignant que ses régulations visent à garantir "une procédure ouverte, transparente et compétitive pour la sélection des entrepreneurs, consultants et fournisseurs".
Par ailleurs, lors d'une conférence de presse, des députés des blocs du Hezbollah et du mouvement Amal ont soutenu le projet de construction du barrage. Le député Ali Ammar (Hezbollah) a notamment estimé que le barrage était nécessaire en raison de "l'assèchement des nappes phréatiques", soulignant qu'il fallait "se dépêcher de trouver des alternatives" pour l'approvisionnement en eau de plusieurs régions du pays, mettant en garde contre "une catastrophe"."Le barrage profitera à près de la moitié de la population libanaise", a-t-il souligné. Il a déploré par ailleurs l'existence d'un "projet visant à assoiffer" les gens. "Est-il normal de jeter des fonds juste parce que certains ont changé d'avis en l'espace d'une nuit", s'est-il interrogé, en allusion aux différentes formations opposées au projet.
La BM doit pouvoir octroyer des prêts dans sa politique d'aide au développement, pour continuer à recevoir les budgets des états actionnaires dont un certain % sert à payer ses frais de fonctionnement. La finalité et la pertinence des projets sont souvent positifs sur papier, les projets avec des objectifs en échecs seront classés statistiquement comme part du risque. C’est toujours un prêt que l’état doit de toute façon rembourser.
13 h 01, le 29 juillet 2020