
Le vaisseau turc Oruç Reis à Istanbul, le 22 août 2019. Murad Sezer/Reuters
Jusqu’où ira la montée des tensions entre Ankara et Athènes ? Dernier point de discorde en date : la reconversion en mosquée de l’ex-basilique Sainte-Sophie, haut lieu de l’orthodoxie, religion « dominante » en Grèce. Alors que la décision a pour but d’alimenter l’idée d’une reconquête turco-musulmane, elle est perçue comme une énième provocation du côté grec. « Ce qui se passe à Constantinople n’est pas une manifestation de puissance mais au contraire un signe de faiblesse », a fustigé le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis vendredi dernier, jour de la première prière depuis la reconversion en mosquée de Sainte-Sophie. Des déclarations violentes qui ont suscité de vives critiques du côté turc. « La Grèce a montré une fois de plus son hostilité envers l’islam et la Turquie », a dénoncé le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Hami Aksoy, le lendemain dans un communiqué. « Les enfants gâtés de l’Europe, qui ne peuvent pas accepter qu’on se prosterne à nouveau à Hagia Sophia, sont en plein délire », a-t-il lancé.
Ces échanges acerbes sont venus clore une semaine déjà mouvementée : Ankara avait annoncé mardi le déploiement en Méditerranée orientale du navire Oruç Reis, ainsi que d’une quinzaine de navires militaires, dans le cadre d’une mission d’exploration d’hydrocarbures. Une décision controversée condamnée par Athènes et l’Union européenne alors que les opérations turques empiètent sur une partie de la zone économique exclusive (ZEE) de la Grèce, au large de l’île grecque de Kastellorizo. « Nous appelons la Turquie à cesser immédiatement ses activités illégales qui violent nos droits souverains et sapent la paix et la sécurité dans la région », a déclaré mardi le ministère grec des Affaires étrangères. Se heurtant à une fin de non-recevoir du côté turc, la marine grecque a déployé à son tour ses navires dans le sud et le sud-est de la mer Egée deux jours plus tard, donnant l’instruction d’ignorer la restriction de navigation maritime décidée par la Turquie dans la zone. « Une désescalade est en cours mais on ne peut pas écarter la possibilité d’un incident qui ferait remonter les tensions », estime Panayotis Tsakonas, professeur de relations internationales à l’Université d’Athènes et chercheur à la Fondation hellénique pour la politique européenne et étrangère (Eliamep), interrogé par L’Orient-Le Jour.
Activisme diplomatique
Récurrente et hautement symbolique, la question de la délimitation des eaux territoriales et des espaces aériens nationaux turcs, grecs et chypriotes a pris un nouveau tournant en novembre dernier lors de la signature d’un accord maritime entre Ankara et le gouvernement d’accord national libyen (GNA). Un texte qui, selon Athènes, bafoue ses droits souverains en Méditerranée et dont l’objectif est de permettre à Ankara d’entamer des « forages illégaux » dans la région. Deux mois plus tard, Athènes signait un accord sur le pipeline Eastmed, projet de gazoduc offshore qui doit permettre l’acheminement de gaz naturel en Europe depuis Israël, Chypre et la Grèce. « La Grèce a été très claire depuis le début sur ses lignes rouges », précise Panayotis Tsakonas. « S’il y a une violation de la souveraineté grecque, la réponse sera forte », ajoute-t-il.
La pression était déjà montée d’un cran en mer Égée en 2018 suite à une hausse des violations de l’espace aérien grec par l’aviation turque – rappelant la dispute autour des îlots d’Imia (Kardak en turc) qui avait failli mener à une confrontation armée en 1996.
« Les tensions entre la Grèce et la Turquie sont une vieille histoire mais il y a eu une escalade au cours des trois dernières années, depuis le putsch raté de 2016 et l’élection présidentielle en 2018 », note Panayotis Tsakonas. « Cette “nouvelle Turquie” est passée d’une politique étrangère basée sur la sécurité à une politique pro-active, illustrée par des interventions militaires et la contestation de l’ordre juridique en Méditerranée orientale en général », souligne-t-il.
Face à la montée des tensions, l’activisme diplomatique européen s’est intensifié pour s’imposer face à Ankara, s’ajoutant au dossier migratoire entre la Turquie et l’UE. En visite dans la capitale grecque, le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas est monté au créneau mardi dernier, affirmant qu’une amélioration de leurs relations serait conditionnée à « l’abandon de ses provocations en Méditerranée orientale ». Préconisant de sanctionner les États qui violent ou menacent l’espace maritime d’un État de l’UE, le président français Emmanuel Macron, le plus virulent contre la Turquie, a estimé pour sa part jeudi que les questions énergétiques et de sécurité en Méditerranée orientale « sont l’enjeu de luttes de puissances, en particulier de la Turquie et de la Russie, qui s’affirment de plus en plus et face auxquelles l’Union européenne pèse encore trop peu ». « La France devrait cesser de monter sur ses grands chevaux et mener plutôt des politiques sensées et rationnelles », a répondu pour sa part Hami Aksoy, balayant d’un revers de main la menace de sanction.
Je lisais sur la Bulgarie , depuis la Bysance la Bulgarie déteste la Grece comme les Turcs ,il ne faut pas faire confiance à eux
18 h 57, le 27 juillet 2020