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Monde - Témoignages

Après l’épidémie, la crise, le chômage, le désarroi

À cause du Covid-19, ils ont perdu leur emploi et vivent dans l’angoisse, la honte parfois, voire la déchéance.


Après l’épidémie, la crise, le chômage, le désarroi

Une affiche appelant à porter des masques à Leeds, le 23 juillet 2020. Oli Scarff/AFP

Avec l’épidémie, leur vie a basculé. Salariés ou précaires, aisés ou pauvres, dans le tourisme, le secteur aérien ou la restauration, ils ont perdu leur emploi et vivent dans l’angoisse, la honte parfois, voire la déchéance. Avec la crise née de l’épidémie de Covid-19, le FMI prévoit une récession de 4,9 % cette année, et selon son économiste en chef Gita Gopinath, « ce sont les ménages à faibles revenus et les travailleurs peu qualifiés qui sont les plus affectés ». Des millions de personnes dans le monde sont ou seront au chômage en 2020. De Paris, de Kiev, de Madrid, les journalistes de l’AFP sont allés à la rencontre d’employés et de travailleurs des secteurs les plus touchés (aérien, tourisme, restauration, distribution, numérique), qui ont confié leur désarroi, raconté leur quotidien fait de sacrifices, leurs projets avortés, leurs craintes pour l’avenir. Voici leurs témoignages.

Neuilly-sur-Marne

« J’ai basculé dans la précarité. » Depuis 10 ans, Xavier Chergui, Français de 44 ans, faisait des extras dans la restauration comme maître d’hôtel en région parisienne. Il gagnait entre 1 800 et 2 600 euros par mois avec des pointes à 4 000 parfois. « Là, le Covid est arrivé, tout s’est cassé la figure. Le 13 mars, on m’a annoncé : Xavier tu ne viens plus, c’est fini. » « Je n’ai pas payé mon loyer (950 euros) en mars, en avril, en mai (...) Je continue de payer 250 euros mon crédit automobile mais pas EDF (l’électricité) depuis trois mois. On remplit le frigo. On devait partir 15 jours en vacances dans les Landes mais on ne part pas. » « On a tout perdu (...) Psychologiquement, faut l’encaisser. » Avec son épouse qui ne travaille pas et ses deux enfants, ils vivent des 875 euros du Revenu solidarité active (RSA), qui en France assure un minimum de revenu aux personnes sans ressources. « Ma femme, elle est en mode dépression, elle pleure tous les jours. » Lui, il s’accroche. « Je courbe l’échine, je fais le dos rond, en septembre l’activité va reprendre, les premières paies tomberont début octobre, espère-t-il. Faudrait pas un retour du Covid. »

Medellin

Roger Ordonez, Colombien de 26 ans, se préparait à devenir pilote. Le jeune homme était assistant de vol pour la compagnie Avianca depuis 2017, son premier emploi déclaré, son premier salaire décent. « Tu entres à Avianca et tu t’habitues à un certain style de vie parce que tu as un bon salaire et que tu peux voyager », dit-il. Ces années-là, il est allé au Mexique, au Brésil, en Uruguay, Argentine, au Chili, aux États-Unis, il a pu emmener sa famille à l’étranger pour la première fois. Fin mars, à la demande de l’entreprise, il accepte de prendre un congé non rémunéré de 15 jours, qui sera prolongé. Deux mois plus tard, il apprend que son contrat temporaire, échu le 30 juin, ne sera pas renouvelé. Entre-temps, la deuxième compagnie aérienne du pays a été poussée à la faillite. Toute une vie et des projets qui basculent. Il n’a plus les moyens d’aider sa famille à payer « certaines factures ». Ses études pour devenir pilote, il doit y renoncer. Sa formation ne lui sert plus à rien. « J’ai cherché du travail, mais c’est compliqué parce que mon secteur, c’est le tourisme, et c’est ce qui est le plus affecté par le Covid-19. » Il pense plutôt se former à quelque chose « qui ait à voir avec (...) l’administration, le commerce ou la vente ».

Madrid

Pour remplir le frigo et nourrir son fils étudiant, sa fille, son petit-fils, Sonia Herrera n’a pas le choix : elle dépend de la banque alimentaire. « Ça me fait un peu honte de demander de l’aide. » Il y a le regard des autres et la culpabilité de se dire que « peut-être d’autres en ont encore plus besoin », dit cette Hondurienne de 52 ans. Employée de maison non déclarée, elle gagnait 480 euros par mois. Jusqu’à ce que ses employeurs, des particuliers du centre de la capitale espagnole, se séparent d’elle au lendemain du confinement. Sans papiers, elle n’a droit à rien, aucune protection sociale. Sa fille Alejandra, 32 ans, cuisinière dans une garderie pour environ 1 000 euros par mois, a aussi perdu son emploi avec la fermeture des centres éducatifs durant le confinement. Régularisée, elle touche le chômage : environ 600 euros qui font vivre toute la famille. Avec leurs petites économies, ça paye « tout juste » les factures et le loyer. Les petits plaisirs quotidiens « que vous remarquez quand vous les perdez », c’est fini. « Avant, on pouvait aller manger dehors de temps en temps, une glace... » L’opération de leur chatte Bella a dû être repoussée. « Les fins de mois me font plus peur que le virus. Il faut bien manger », dit Mme Herrera.

Kiev

Natalia Mourachko, informaticienne ukrainienne de 39 ans, devait obtenir une promotion. Depuis quatre ans, elle travaillait comme ingénieure supérieure contrôle qualité pour le groupe américain de voyage Fareportal. Quand l’épidémie frappe, une première quinzaine de salariés est renvoyée le 31 mars. Elle pense y échapper, ses chefs l’ont rassurée. Mais le jour suivant, elle reçoit un préavis de deux semaines. « J’ai d’abord cru que c’était un poisson d’avril débile, raconte-t-elle. C’était un choc total. » Natalia Mourachko fait partie de cette caste à part des informaticiens qui en Ukraine peuvent gagner plusieurs milliers d’euros par mois alors que le salaire moyen dépasse à peine 300 euros. Jusque-là, avec son salaire confortable (dont elle préfère taire le montant), elle avait une femme de ménage, allait chez l’esthéticienne, s’achetait des vêtements. Du jour au lendemain, son statut a changé. Elle vit de ses économies et de petits boulots. Le mois dernier, la jeune femme, qui a deux adolescents et une mère de 73 ans à charge, a gagné 600 euros. Ses recherches d’emploi n’ont rien donné : dans son secteur, les offres sur le marché ukrainien ont considérablement baissé. Elle limite ses dépenses au « strict minimum ». « Ce que je n’ai pas coupé, c’est ma psychothérapeute », dit-elle. Depuis son renvoi, elle souffre de troubles du sommeil et d’anxiété.

Source : AFP


Avec l’épidémie, leur vie a basculé. Salariés ou précaires, aisés ou pauvres, dans le tourisme, le secteur aérien ou la restauration, ils ont perdu leur emploi et vivent dans l’angoisse, la honte parfois, voire la déchéance. Avec la crise née de l’épidémie de Covid-19, le FMI prévoit une récession de 4,9 % cette année, et selon son économiste en chef Gita Gopinath,...
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