Qui n’a jamais remarqué ces réverbères allumés en plein jour un peu partout à travers le Liban et sans aucune explication logique ? Si cette fâcheuse habitude fait grincer des dents depuis des années, elle est aujourd’hui d’autant plus choquante que le pays est plongé dans le noir en raison du rationnement drastique du courant électrique. Excédés par ces lampes allumées pendant la journée, alors que de nombreux ménages n’ont plus droit, depuis des semaines, qu’à quelques heures d’électricité par jour, un groupe de citoyens a lancé une initiative sur les réseaux sociaux pour dénoncer ce gaspillage énergétique. Mais il semblerait que le problème soit dû à des pannes récurrentes au niveau des détecteurs de lumière des réverbères et à l’incapacité des autorités locales à effectuer les réparations nécessaires.
Lancée il y a deux mois sur Twitter par l’économiste et journaliste Dan Azzi, la campagne « Taffi el-daou » (Éteins la lumière), qui recense et publie des photos de réverbères allumés pendant la journée dans l’ensemble du pays, a rapidement eu un effet boule de neige. « J’ai commencé par publier des photos que je prenais lors de mes déplacements et, petit à petit, les internautes ont commencé à faire de même et à m’envoyer leurs propres clichés », raconte M. Azzi à L’Orient-Le Jour. Le mouvement prend tellement d’ampleur qu’il finit même par attirer l’attention d’un directeur au sein d’Électricité du Liban (EDL) dans le Metn. Ce dernier décide alors de contacter directement les municipalités de la région concernées par le gaspillage électrique, mais il refuse de s’exprimer dans les médias.
« Notre campagne a eu des effets positifs, je vois de moins en moins de lampes allumées durant la journée », assure M. Azzi qui n’hésite pas à taguer les comptes officiels du ministre de l’Intérieur, Mohammad Fahmi, et du ministre de l’Énergie, Raymond Ghajar, dans chacune de ses publications. « Il y a un énorme gaspillage de mazout, et c’est nous-mêmes qui le payons avec notre argent bloqué dans les banques », déplore-t-il.
Parmi les personnes qui ont activement pris part à la campagne, un entrepreneur trentenaire qui a même été jusqu’à appeler EDL et le ministère de l’Intérieur à plusieurs reprises pour dénoncer le gaspillage. « Les responsables avec qui j’ai pu m’entretenir étaient furieux parce que j’étais très sarcastique au téléphone. Je leur ai expliqué le b.a.-ba scientifique du gaspillage qui a lieu, et ça ne leur a pas plu », confie cet homme à L’OLJ sous le couvert de l’anonymat. « Mais je suggère quand même qu’ils laissent une centaine de réverbères allumés. Nous ne voulons pas nous retrouver dans l’obscurité totale en pleine journée », ironise-t-il. Une des explications que ce militant a pu obtenir lors d’un de ses coups de fil est que certaines municipalités, en froid avec le ministère de l’Intérieur qui tarde à leur verser leurs subventions, font exprès de laisser la lumière allumée durant la journée... À noter que les réverbères situés à l’intérieur des villes relèvent de la responsabilité des municipalités, tandis que l’éclairage public sur les grands axes routiers dépend du ministère des Travaux publics.
Pas de maintenance depuis deux ans
Tanous Boulos, directeur général des bureaux du ministère des Travaux publics dans le Mont-Liban, explique pour sa part que le problème est dû à l’absence d’entretien des réverbères faute de moyens. « Ces lampes sont supposées fonctionner de manière automatique, mais elles tombent souvent en panne, ce qui explique pourquoi elles restent allumées même lorsqu’il fait jour. Cela fait deux ans que nous n’avons pas pu faire de travaux de maintenance. Nous n’avons pas les moyens de le faire et la situation est vraiment mauvaise », indique-t-il à L’OLJ. L’inflation et la flambée du dollar ne facilitent pas non plus le travail du ministère. « Nous n’arrivons pas à trouver d’entrepreneur pour effectuer les travaux d’entretien parce que nous continuons à appliquer le taux de 1 500 LL pour un dollar. Personne n’accepte de travailler à ce taux-là. Certains entrepreneurs sont même en train de rompre leurs contrats avec nous. Il faut que le gouvernement nous autorise à utiliser le taux adopté par les bureaux de change (environ 4 000 LL) », souligne M. Boulos. « Ce genre d’éclairage ne consomme pas beaucoup d’énergie car nous utilisons des lampes de basse consommation, et il s’agit d’un éclairage en continu », ajoute-t-il toutefois.
Une explication réfutée par un ingénieur électrique spécialiste en énergie renouvelable qui assure qu’il y a bel et bien gaspillage. « Chaque lampe consomme entre 50 et 200 watts s’il s’agit bien d’une lampe nouvelle génération, assure-t-il. Si on prend une artère de 2 kilomètres avec des lampadaires des deux côtés plantés tous les 40 mètres, cela équivaut à un abonnement de 5 ampères auprès d’un générateur privé pour 8 appartements », calcule-t-il. « Des kilowatts précieux sont perdus de cette manière. S’il n’y avait pas autant de gaspillage, on pourrait avoir moins de coupures de courant. Allumer les réverbères pendant la journée, c’est priver les ménages d’électricité pendant plusieurs heures durant la nuit », déplore cet ingénieur. « Il suffirait d’installer des détecteurs de luminosité pour que les lampes s’éteignent automatiquement dès qu’il fait jour », ajoute-t-il.
Contactée par L’OLJ, une source proche de la municipalité de Beyrouth révèle pour sa part que la capitale avait l’intention d’installer des lampes nouvelle génération avant la crise.
« Ce projet est en suspens à cause de l’inflation, et le contrat d’entretien des lampes qui sont déjà installées n’a pas encore été renouvelé », explique cette source sous le couvert de l’anonymat. Contrairement aux autres villes du pays, ce n’est pas la municipalité de Beyrouth qui contrôle le fonctionnement des réverbères, mais le bureau du mohafez de la capitale. « Les détecteurs de luminosité de certains réverbères sont en panne, mais nous avons lancé un chantier de réparations à travers la capitale il y a quelques jours pour nous assurer que les lampes s’éteindront toutes seules », assure un proche du mohafez de Beyrouth à L’OLJ.
commentaires (13)
Mais non mais non ,rassurons nous. Ces reverbères ne sont pas connectés à l’l’EDL . Ils ont chacun sa petite pile perso achetee au supermarché du coin mais problème leur commutateur est placé trop haut. Sinon le citoyen aurait pu les eteindre le matin en allant au boulot et les rallumer le soir a la promenade de Médor. C’est tout le problème.....Hic
Marie-Hélène
08 h 31, le 19 juillet 2020