
Le patriarche maronite, Béchara Raï (d), s'entretenant avec le chef de l'Etat, Michel Aoun, le 15 juillet 2020 au palais de Baabda. Photo ANI
Le patriarche maronite, Béchara Raï, qui a été reçu mercredi par le président libanais, Michel Aoun, au palais de Baabda, après ses critiques implicites à la majorité au pouvoir et ses appels à la neutralité du Liban, a affirmé qu'il était en "totale entente" avec le chef de l'Etat, démentant ainsi toute tension avec le président Aoun. "Nous avons évoqué plusieurs sujets, mais le seul qui compte est celui de la neutralité. Il faut que le Liban soit neutre pour être le lieu de rencontre, comme le prône le président Aoun dans son projet d'Académie de l'homme pour la rencontre et le dialogue voté par l'ONU", a expliqué Mgr Raï lors d'un point de presse à l'issue de son entretien avec M. Aoun.
Le patriarche Raï multiplie, depuis plus d'une semaine, les appels à la neutralité et les critiques implicites à l'encontre de la majorité au pouvoir, notamment au Hezbollah, dans des prises de positions saluées par les figures politiques d'opposition et plusieurs chancelleries, alors que le Liban fait face à la pire crise économique de son histoire. Le 5 juillet, il avait prononcé une homélie dans laquelle il avait lancé une charge virulente contre les responsables politiques, appelant à la neutralité du Liban par rapport aux conflits de la région, estimant que celle-ci est "seule garante de l’avenir". Au cours de cette homélie, il avait pressé le président de la République de "briser le siège imposé à la libre décision nationale".
Israël et la cause palestinienne exclus de la neutralité
"Nous parlons d'une neutralité positive et active, comme la Suisse, la Finlande et la Suède. Le Liban doit s'engager dans toutes les causes internationales, notamment arabes, défendant la justice, la paix et l'entente sur le plan de ces causes, sans s'ingérer dans les conflits politiques et militaires. Evidemment, nous excluons de cette neutralité Israël, ainsi que la cause palestinienne", a ensuite affirmé le cardinal Raï.
"N'oublions pas que le Liban a toujours joué le rôle de pont entre l'Est et l'Ouest, un pont culturel, populaire et social. Le Liban est par nature neutre, sans que cela ne soit consacré dans les textes. Dans les années 1950 et 1960, on appelait le Liban +la Suisse de l'Orient+. De par sa composition, le Liban est neutre. Cette neutralité concerne tous les partis et toutes les composantes du pays et elle apporte le développement économique et social. Etant donné que nous vivons aujourd'hui des temps de crise et de précarité, nous avons besoin de cette neutralité. Mais malheureusement, il y a des ingérences étrangères par ci et par là. La neutralité veut aussi dire que le pays a le droit de se défendre lorsque quelqu'un l'agresse. Mais seule la neutralité peut nous sauver aujourd'hui", a-t-il insisté.
"Où est l'allégeance au Liban ?"
Le dignitaire maronite s'est ensuite efforcé de montrer qu'il n'y avait aucun différend entre lui et le président Aoun, ses critiques ayant été perçues dans la presse et par des observateurs comme adressées, entre autres, à la présidence de la République et les partis qui la soutiennent. "La neutralité signifie l'existence d'un Etat fort et d'une armée forte. Tous ces points font l'objet d'un accord avec le chef de l'Etat. Certains parlent d'un différend avec le président, mais il n'en est rien. Le chef de l'Etat est le premier à réclamer cette neutralité. Il faut travailler avec toutes les composantes car personne ne doit être exclu", a insisté Mgr Raï, avant de répondre aux questions des journalistes. "Lorsque j'ai imploré le président, je montrais une forme de soutien à lui. Je dis au chef de l'Etat : vous êtes le président, prenez les choses en main. L'allégeance doit aller d'abord au Liban. Il ne peut y avoir d'allégeance à d'autres groupes ou formations. On parle d'allégeance au parti, au zaïm, mais où est l'allégeance au Liban ? C'est sur ce plan que j'ai sollicité le président Aoun", a-t-il encore fait savoir. "J'ai expliqué au chef de l'Etat que lorsque j'appelle à briser le siège imposé à la libre décision nationale, je m'adresse à tous sur ce plan, notamment ceux qui boycottent la présidence", a également dit Mgr Raï, dans un extrait repris par la présidence de la République sur Twitter.
"Divergences de points de vue"
Mgr Raï s'est ensuite félicité de l’écho qu'ont reçu ses discours. "J'ai été surpris par la réaction des Libanais par rapport à mon homélie du 5 juillet. J'ai alors compris que la question (de neutralité) intéresse la population. C'est pour cela que je l'ai développée la semaine d'après, et je ferai de même dimanche prochain", a-t-il promis.
Et de conclure : "Bkerké (le siège patriarcal maronite) n'est ni avec l'opposition ni avec le pouvoir. Bkerké est Bkerké. Nous ne sommes liés à personne. Si nous nous rangeons d'un côté ou d'un autre, nous perdrons notre mot libre. Il y a une totale entente (avec le chef de l'Etat), contrairement à ce que disent les médias".
Selon notre correspondante au palais présidentiel, Hoda Chedid, le président Aoun a affirmé au patriarche maronite que "l'entente nationale est la base de toute option qui a trait à la réalité libanaise, et la principale garantie pour toute solution à la crise" dans le pays. Toujours selon notre correspondante, les milieux proches du dossier expliquent qu'il n'y a "pas de différend entre le président de la République et le patriarche, mais une divergence de points de vue".
Mardi, Mgr Raï avait réaffirmé que l'identité du Liban résidait dans sa "neutralité positive et constructive", regrettant que le pays soit désormais "isolé du reste du monde". "Le Liban est le pays de la neutralité, de l'Etat civil, de la rencontre, de la diversité et du vivre-ensemble", avait-il déclaré à des journalistes depuis le siège estival du patriarcat à Dimane (Nord). Le patriarche avait ensuite reçu le chef des Marada, le leader maronite de Zghorta Sleiman Frangié. Rappelant l'urgence de sortir de la crise, M. Frangié avait rejeté les attitudes "vindicatives" et ceux "qui rejettent la faute sur les autres". Il s'était aussi dit "prêt à participer à toute rencontre pour le salut du Liban, pourvu qu’elle propose une vision claire pour sortir de cette situation".
Pour sa part, l'ancien ministre Nohad Machnouk, qui s'est rendu mercredi à Bkerké où il s'est entretenu avec Mgr Raï, a critiqué le gouvernement de Hassane Diab. "Nous sommes en état de siège complet et (traversons) une crise importante", a indiqué M. Machnouk. Le gouvernement n'est pas en mesure de procéder à des réformes (...). Comme les cabinets précédents, il n'a entrepris aucune mesure sérieuse. Par conséquent, je suis venu confirmer au patriarche que la seule issue à disposition de tous les Libanais est de s'asseoir autour d'une table de dialogue et de discuter des points qu'il a évoqués dans ses sermons précédents, sinon, nous allons tourner en rond et allons connaître davantage de destruction, de faim et de pauvreté". "Les États-Unis envisagent de changer leur stratégie au Liban en reconsidérant la présence de la Force intérimaire des Nations unies au Liban", a-t-il par ailleurs indiqué, rappelant que les Etats-Unis financent près de la moitié du budget des Casques bleus. Les Etats-Unis et Israël réclament tous deux un renforcement du mandat de la Finul. Une demande à laquelle s'opposent les autorités libanaises, hostiles à tout changement dans la mission des Casques bleus.
Ces dernières semaines, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah avait appelé les autorités libanaises à se "tourner vers l'Est", en allusion à la Chine, l'Iran et même la Syrie, pour le commerce et la coopération, afin de faire face à la crise et barrer la route aux États-Unis, ennemi juré du parti chiite. Cet appel continue de diviser la classe politique et la population, le Liban entretenant des liens historiques avec de nombreuses puissances occidentales comme les États-Unis ou la France. Dans un discours mardi dernier, le leader chiite avait toutefois modéré sa position, estimant que se tourner "vers l'Est" ne signifiait pas se couper de l'Ouest et appelant à coopérer avec tous les pays, à l'exception de l'Etat hébreu.
Le patriarche maronite, Béchara Raï, qui a été reçu mercredi par le président libanais, Michel Aoun, au palais de Baabda, après ses critiques implicites à la majorité au pouvoir et ses appels à la neutralité du Liban, a affirmé qu'il était en "totale entente" avec le chef de l'Etat, démentant ainsi toute tension avec le président Aoun. "Nous avons évoqué plusieurs sujets, mais...
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DES TITRES OPPOSANTS ET OPPOSES DANS L'OLJ. AMAIZING OLJ
SATURNE
15 h 56, le 16 juillet 2020