Baalbeck, point de convergence de contestataires de multiples régions

Pour la première fois depuis le 17 octobre, Baalbeck a constitué hier un point central de la contestation populaire. « Plusieurs centaines de manifestants ont convergé vers la place al-Moutran, provenant de nombreuses régions à travers le territoire, à l’instar de Nabatiyé, Tyr, Tripoli, Jbeil, Zahlé, Fakiha, Hermel, Beyrouth, Aïn, Majdel, Taalabaya, Marj, Kfarremmane et Aley », rapporte notre correspondante à Baalbeck, Sarah Abdallah.

Comme à chaque rassemblement, de nombreux contestataires ont dénoncé le clientélisme politique et les pratiques de partage du gâteau auxquels se livre la classe au pouvoir ainsi que la corruption ayant mené à la déplorable situation socio-économique actuelle. Leurs slogans sont ceux qui sont scandés depuis le 17 octobre sur toutes les places investies par les manifestants. « Non au confessionnalisme ! » lançait ainsi Rabih, un jeune manifestant venu de Brital. « Nous voulons un État de droit et des institutions, un État d’égalité sociale », martelait-il aussi, se hasardant à rejeter « le mini-État » dans l’État en criant un peu moins fort.

Le gouvernement de Hassane Diab n’a pas été épargné par de violentes critiques. « Depuis que le cabinet est en place, il ne fait que nous abreuver de promesses. Il n’a réalisé aucune revendication du mouvement du 17 octobre : ni une nouvelle loi électorale, ni l’indépendance de la justice, ni les nominations basées sur des critères objectifs », déplorait un contestataire habitant Baalbeck, sous couvert d’anonymat. « Ceci à l’ombre de l’envolée du dollar », ajoutait-il, soulignant qu’avec la dépréciation de la livre, il ne parvient plus à assurer les frais de séjour de ses deux filles étudiantes en France. « Ce pays et cette classe dirigeante ont séparé les membres d’une même famille », se désolait-il encore. Rouba, elle aussi habitante de Baalbeck, expliquait, quant à elle, chercher « une vie digne », alors que « tous les droits sont perdus dans le pays ». Elle se félicitait aussi de « l’unité » manifestée lors de l’événement, considérant que « la peur de l’autre est l’œuvre du pouvoir qui veut replier chacun dans sa région et derrière sa communauté ».Samedi, le mouvement de contestation avait déjà organisé, à Baalbeck, un convoi de véhicules qui s’est rendu devant le site archéologique de la ville pour protester contre la situation dans le pays.

Plusieurs marches et sit-in ont également été organisés samedi à Beyrouth et dans d’autres régions contre le pouvoir, la situation économique qui s’aggrave de jour en jour et contre les rationnements de l’électricité et du mazout.Dans la capitale, plusieurs centaines de contestataires ont marché de la place Riad el-Solh, dans le centre-ville, en direction du siège de la Banque du Liban (BDL) à Hamra, en passant par le siège de l’Association des banques du Liban (ABL) et le ministère des Finances. Ces manifestants, dont certains brandissaient des drapeaux libanais, ont scandé les slogans traditionnels de la contestation, dénonçant la situation économique du pays et lançant des appels à la démission du gouvernement, à l’organisation d’élections législatives anticipées et à la désobéissance civile. Le même jour, une marche a aussi été organisée à Tripoli pour réclamer notamment le droit des citoyens au travail et à l’éducation. Pendant ce temps, à Nabatiyé, deux sit-in étaient organisés contre le rationnement « extrême » du courant électrique et les politiques économique et financière de la BDL.