
Le Conseil des ministres réuni hier à Baabda. Photo ANI
Une fois de plus, le gouvernement a échoué à prouver qu’il constituait une équipe crédible composée de spécialistes indépendants des protagonistes politiques, comme il l’affirme depuis sa formation en janvier. La pratique du partage d’influence entre les parrains du cabinet l’a ainsi emporté, une nouvelle fois, aux dépens d’autres critères dans les nominations auxquelles le Conseil des ministres a procédé hier à la tête d’Électricité du Liban (EDL).Pour la toute première fois depuis des années, le gouvernement a donc nommé six nouveaux membres du conseil d’administration d’EDL, un organisme à statut d’office autonome. Ce développement survient à un moment où le rationnement du courant électrique dans le pays atteint des niveaux record du fait des dysfonctionnements et de la gabegie régnant à tous les niveaux politiques et administratifs.
Dans des conditions normales et dans bien d’autres pays, une telle démarche est tout à fait ordinaire et passe généralement inaperçue. Au Liban, nommer six administrateurs à EDL apparaît comme un grand accomplissement – que le cabinet Diab ne manquera pas d’ajouter à son actif – du fait des blocages occasionnés par les guéguerres politiciennes. Et s’il y a eu déblocage, c’est bien entendu parce que ce train de nominations met fin – provisoirement – à ces guéguerres en sacrifiant à la pratique du partage du gâteau. Les six personnes désignées hier figurent parmi les 18 candidats proposés par le ministre de l’Énergie, Raymond Ghajar, et dont les noms avaient fuité dans les médias à la veille de la séance ministérielle. De toute évidence, le cabinet s’est plié aux desiderata de ses parrains politiques, notamment le Courant patriotique libre et le tandem Amal-Hezbollah. Les nominations au sein d’EDL ne seraient d’ailleurs que le résultat d’une entente qu’auraient conclue le chef du CPL, Gebran Bassil, et le président de la Chambre et leader du mouvement Amal, Nabih Berry, lors de leur entretien à Aïn el-Tiné, vendredi dernier.
Les six nouveaux membres du conseil d’administration sont les suivants : Tarek Abdallah (sunnite), Hussein Salloum (chiite), Samer Slim (druze), Karim Saba (grec-orthodoxe), Habib Srour (grec-catholique) et Chadi Kreidi (maronite). Kamal Hayek, PDG d’EDL, reste quant à lui à son poste.
Une source informée confie à L’Orient-Le Jour que le choix de M. Slim pour le siège druze a suscité quelques interrogations, d’autant que le nom de Malek Bou Ghannam (qui serait proche du chef du Parti démocratique libanais, Talal Arslane) était donné favori à la veille de la réunion gouvernementale. Sauf que la source croit savoir que le nom du candidat malheureux ne faisait pas partie de la liste de ceux qui ont postulé conformément au mécanisme mis en place par Raymond Ghajar...
Critiques du PSP et des FL
S’il est parvenu à répondre à l’une des demandes des bailleurs de fonds en nommant les membres du conseil d’administration d’EDL, le gouvernement a reporté l’examen de l’épineuse question de l’autorité de régulation du secteur de l’électricité, une réforme attendue en priorité par la communauté internationale. Lors de la réunion, M. Ghajar a exposé les modifications qu’il propose à la loi 462 (2002) régissant le secteur de l’électricité. Certains ministres y ont formulé des remarques écrites et orales. Il a donc été décidé de relancer le débat lors de la séance ministérielle prévue demain à 15 heures au Sérail, sous la présidence de Hassane Diab. Et le gouvernement en discutera à nouveau lors de la prochaine réunion ministérielle qui se tiendra au palais présidentiel. Les décisions prises par le cabinet en matière d’électricité n’ont pas tardé à susciter des critiques auprès de l’opposition. Le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, a ainsi posté un tweet virulent dans lequel il observe que sur les nominations, « la grande bouffe continue aux dépens de la compétence et des communautés religieuses, dont les druzes », et que les réformes attendues sont « englouties ».
Un peu plus tard dans la journée, le PSP et le bloc parlementaire joumblattiste ont publié un communiqué dans lequel ils dénoncent « les tentatives de vider de son sens l’autorité de régulation » du secteur de l’électricité. « Cela prouve que le pouvoir en place n’a l’intention ni de réformer ni de rectifier le tir. Il s’agit donc de signaux négatifs supplémentaires qu’envoie le gouvernement du néant à la communauté internationale, au Fonds monétaire international et à tous ceux qui désirent aider le Liban, mais aussi au peuple anéanti par les crises », ajoute le texte. Les joumblattistes en tirent la conclusion que « l’existence même d’un tel gouvernement est devenue une catastrophe en soi ».
Du côté de Meerab, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a lui aussi critiqué l’action gouvernementale via Twitter. « À quoi sert une autorité de régulation si elle est dépourvue de prérogatives, comme ce qui est proposé, et si elle est réduite à une autorité consultative auprès du ministre de l’Énergie ? s’est-il demandé. Ensuite, à quoi sert un nouveau conseil d’administration s’il sera similaire aux conseils précédents ? »
Antoine Habchi, député FL de Baalbeck-Hermel, qui suit de près le dossier de l’électricité, a stigmatisé, sur Twitter, « les nominations qui reflètent un partage du gâteau aux dépens du mérite ». Et de faire savoir que certains postulants compétents n’ont pas été conviés pour une interview, et que certains candidats proposés par M. Ghajar ne résident pas au Liban, sachant que cela figure parmi les conditions requises pour se présenter.
Sur un autre plan, le gouvernement n’a pas tranché la question de la démission d’Alain Bifani de son poste de directeur général des Finances. Lors de la séance gouvernementale, certains ministres ont formulé des remarques articulées autour du timing de cette décision de M. Bifani, qui fait partie de la délégation libanaise aux négociations avec le FMI. L’ex-directeur des Finances devrait être convoqué à une séance ministérielle pour exposer les motifs de sa démission.
Cité par la ministre de l’Information, Manal Abdel Samad, Hassane Diab a assuré que « les Libanais commenceront à ressentir les effets positifs de l’action du cabinet dans les semaines à venir ». Il s’est également montré enthousiaste de poursuivre ses contacts avec « les pays arabes amis » désirant, à l’instar de l’Irak, aider le Liban.
Une fois de plus, le gouvernement a échoué à prouver qu’il constituait une équipe crédible composée de spécialistes indépendants des protagonistes politiques, comme il l’affirme depuis sa formation en janvier. La pratique du partage d’influence entre les parrains du cabinet l’a ainsi emporté, une nouvelle fois, aux dépens d’autres critères dans les nominations auxquelles le...
commentaires (10)
toon trouve de toute urgence les moyens ne suffit pas de tweeter et de s’opposer verbalement. Il faut que l’opposition trouve les moyens de conter les projets de ce gouvernement qui petit à petit gagné du terrain et installe une dictature dans notre pays soit disant républicain et qui n’est en fait qu’une monarchie archaïque ou fils petit fils cousin frère gendre incompetents tiennent le pouvoir depuis des décennies sous la houlette d’un parti vendu et qui détruit la pays. Les semaines à venir comme promet le Diable seront prometteuses de trahison supplémentaire et de nominations truculentes pour satisfaire celui qui les a installé dans leur fauteuil respectif.
Sissi zayyat
09 h 46, le 08 juillet 2020