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Sport - Éclairage

La crise sanitaire, laboratoire du sport de demain ?

Courses virtuelles ou à distance, aménagement des règles et des formats : l’arrêt des compétitions pour cause de coronavirus a contraint plusieurs disciplines à rivaliser d’imagination pour occuper le terrain et satisfaire les fans, esquissant ce à quoi pourrait ressembler le sport de demain. Comment garder le lien avec l’amateur de sport, confiné à son domicile ? Comment pallier l’absence de retransmission télévisée en direct ? En vidant totalement le calendrier, la crise sanitaire a obligé les organisateurs à se réinventer, renforçant une réflexion déjà à l’œuvre bien avant l’apparition de la pandémie sur la manière de « consommer » le sport.

L’athlétisme est celui qui a poussé le plus loin les expérimentations avec des concours de perche et un triathlon à distance diffusés en direct et gratuitement sur internet, puis un meeting d’un nouveau genre à Oslo le 11 juin, mélange d’exhibition et de compétition plus classique, schéma qui sera reconduit à une plus grande échelle à Zurich le 9 juillet. « Je ne pense pas que tout soit réadaptable après la crise, mais il y a eu des choses qui peuvent nous inspirer pour redonner un côté ludique à l’athlétisme et le rendre plus populaire. Cela a ouvert des brèches », explique Laurent Boquillet, le directeur du développement de la Fédération internationale d’athlétisme (World Athletics, ex-IAAF). De quoi relancer le débat sur la mutation du premier sport olympique, sur la table depuis l’arrivée de Sebastian Coe à la présidence de World Athletics en 2015. « Cela peut donner des idées pour construire l’athlétisme de 2030, affirme de son côté Alain Blondel, responsable du meeting de Rabat comptant pour la Ligue de diamant. Ces innovations, ce n’est pas de l’athlétisme au rabais. Les essais pendant le coronavirus peuvent permettre de prendre du recul par rapport à la performance chronométrique/métrique. »

D’autres sports n’ont pas été en reste, comme le tennis avec l’Ultimate Tennis Showdown (UTS), concept futuriste lancé par Patrick Mouratoglou, avec un solide casting (Dominic Thiem, Stefanos Tsitsipas, David Goffin, Benoît Paire ou Richard Gasquet) et des règles à faire frémir les puristes (des matches divisés en quatre quart-temps de 10 minutes, un système de cartes bonus à utiliser par les joueurs à leur guise). Le tout retransmis sur le site de l’organisation, moyennant un abonnement, avec une interaction des joueurs et des internautes. Objectif : capter un jeune public friand d’écrans en utilisant les codes de l’e-Sport. La F1, la moto et le cyclisme ont, eux, comblé le creux du calendrier par des courses virtuelles avec la participation de pilotes et coureurs de renom.

« On voit apparaître une nouvelle manière de consommer du sport, analyse Virgile Caillet, président de l’Union Sport et Cycle. Jusque-là, le modèle économique d’un grand nombre de sports était lié aux droits télé. Or il y a un risque très important de non-distribution de ces droits lorsque l’événement ne peut pas avoir lieu. Il va falloir réfléchir à des sources de revenus alternatives qui ne viendraient pas que de la télé et des partenaires. » « Il y a aussi un deuxième phénomène, c’est que pour les jeunes générations, le direct n’est plus forcément la quête ultime. Le premier écran pourrait devenir l’écran digital. Tout cela va modifier les modèles d’organisation et le champ des possibles en termes d’interactivité. On est dans une rupture, celle d’une consommation digitale du sport qui va amener des comportements différents », ajoute-t-il.

Quitte à changer à terme radicalement le visage de certains sports ? « Il y a une prise de conscience de la part des organisations sportives qu’il faut agir maintenant, bouger, écouter les signaux faibles, ne pas penser qu’un sport, aussi populaire soit-il, est là pour durer », déclare Arnaud Simon, patron du cabinet de conseil In&Out Stories, qui a travaillé sur la création de l’UTS avec Mouratoglou. Selon cet ancien patron d’Eurosport France, « il faut se reposer des questions sur la manière dont le sport est raconté, voire même sur les règles et les formats. Tous les sports doivent réfléchir à créer plus d’intensité, plus de rythme. L’e-Sport est un exemple très clair qui coche toutes les cases ».

La F1 l’a bien compris et mise beaucoup sur les courses virtuelles pour attirer de nouveaux publics et détecter des talents. La Fédération internationale de l’automobile veut aussi se placer en organe régulateur de ces compétitions. « Cette crise a été un accélérateur sur ce que pourra devenir le divertissement sportif. Il faut des formats plus courts. Je ne serais pas surpris que dans dix ans, les matches de football durent moins longtemps, parce que les jeunes générations ont beaucoup de mal à rester concentrées pour une rencontre qui dure une heure et demie », prophétise Virgile Caillet.

Keyvan NARAGHI et Antoine MAIGNAN/AFP

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