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Société - Reportage

« Pour de nombreuses familles, le pain est central. Que vont-elles faire maintenant ? »

La hausse du prix du paquet de pain libanais, officialisée hier, pourrait ne pas être la dernière. D’après le président du syndicat des boulangeries, celui-ci sera revu tous les mercredis et pourrait dépendre du taux du change du dollar.


« Pour de nombreuses familles, le pain est central. Que vont-elles faire maintenant ? »

La hausse du prix du paquet de pain suscite la colère de nombre de Libanais. Joseph Eid/AFP

« Vous pensez que ça se limite au pain ? Ce par quoi passe le pays est une grande catastrophe. » Dans sa petite librairie de Hazmieh, le propriétaire des lieux manipule la souris d’ordinateur tout en fixant son écran. Il lance la commande d’impression, contourne le bureau et se dirige vers l’imprimante récupérer le document qu’il tend à la cliente. Il regagne son bureau et poursuit : « Je ne comprends pas pourquoi les gens ne sont pas encore descendus massivement dans la rue. Qu’est-ce qu’ils attendent ? »

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Ne fait-il pas partie de ces « gens »? Silence. Quelques secondes passent, avant qu’il n’esquisse un sourire timide. « C’est vrai, tout le monde a un rôle à jouer, lance-t-il presque en s’excusant. Chacun de nous a une part de responsabilité. » Une femme entre et lui demande un billet de loterie. Il le lui tend. Se voulant pragmatique, il enchaîne : « Je comprends un peu les propriétaires des boulangeries. Il est vrai que la farine est subventionnée par l’État, mais il y a des accessoires qui entrent dans cette production qui ne le sont pas, comme les sacs en nylon et les attaches. Ils sont vendus en dollars, au taux de change du jour. Et aujourd’hui, le dollar vaut 10 000 livres ! »

Pour ce libraire, la subvention de la farine ne peut pas être une solution. « Des réformes sérieuses doivent être instaurées, insiste-t-il. Cela se traduira sûrement par une baisse du cours du dollar et par conséquent du prix de tous les autres produits. Mais je doute que celles-ci aient lieu. »

Hier, le ministre de l’Économie, Raoul Nehmé, a signé une décision officialisant la hausse du prix du paquet de pain libanais de 900 grammes, annoncée la veille, qui est passé de 1 500 livres à 2 000 livres. Selon le président du syndicat des boulangers, Ali Ibrahim, ce prix n’est toutefois pas définitif. Il sera revu tous les mercredis, au même titre que celui des carburants. Ainsi, chaque hausse de 1 000 livres du taux de change du dollar pourrait se traduire par une hausse de 250 livres sur le prix du paquet de pain, selon des informations rapportées par la chaîne LBCI. Une décision qui a ajouté à la colère de la rue, de nouvelles actions de contestation étant observées dans plusieurs régions.

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« Certaines personnes vont devoir se passer même de pain », se désole Ali, sexagénaire. Employé dans un parking à Achrafieh, il discute sous une tente à l’abri du soleil avec deux amis. « Pour de nombreuses familles, le pain est le principal aliment de la table. Ils en consomment en grandes quantités pour caler leur faim. Que vont-elles faire maintenant ? »

« Les boulangeries profitent de la situation économique qui sévit, renchérit, sur un ton excédé, Khaled. Vous voulez me convaincre que ces 500 livres vont faire la différence ? Au lieu de distribuer le pain gratuitement aux gens qui commencent à mourir de faim, ils cherchent à augmenter son prix ! C’est une honte. »

Michel intervient et lance, lapidaire : « C’est la faute des boulangers. Ils ne veulent plus livrer le pain aux supermarchés. Allez faire un tour du côté du port. Les silos de farine sont remplis. »

Une question de temps…

Dédé travaille dans une mercerie. « Le bon sens veut qu’une famille puisse se procurer du pain au quotidien, dit-elle. Ce n’est pas un luxe. Je pourrais, peut-être, m’en passer si je suis obligée de le faire. Mais comment feront les grandes familles et celles qui ont des enfants ? Que dira une mère à son enfant lorsqu’elle ne pourra plus lui faire une tartine le soir, parce qu’elle doit calculer tout ce qu’elle dépense pour pouvoir tenir jusqu’à la fin du mois ? »

Furieuse, elle critique violemment le gouvernement qu’elle qualifie d’« incompétent ». « Ils vivent sur une autre planète », martèle-t-elle. « Est-ce logique qu’une ministre ne connaisse pas les prix des denrées alimentaires? » se demande-t-elle, faisant référence à la ministre de l’Information, Manal Abdel Samad, qui avait déclaré dans un tweet qu’elle n’était pas familière avec les prix dans les supermarchés et que ce sont son mari et sa fille qui font les courses. « Le mari et la fille de cette ministre ne lui ont pas fait part des prix ? Si un responsable n’est pas au courant de la flambée des prix, qui le sera ? C’est une pure honte. Qu’ils démissionnent ! »

Sur la place Sassine, six hommes jouent au tric trac. L’un d’eux tire sur son narguilé. Le plus jeune d’entre eux, Nabil, est chauffeur de taxi. À 14 heures, il n’avait toujours pas reçu de clients. « La situation est tragique, lâche-t-il énervé. Le sac de lait en poudre est passé à 110 000 livres, le kilo de viande à 60 000 ou 70 000 livres, les militaires sont privés de viande, on n’a pas d’électricité, le mazout va en Syrie… Qu’est-ce qu’ils cherchent à faire ? Pousser les gens à voler et à tuer pour manger ? Nous y arriverons sûrement. C’est une question de temps. »

Pour Michel, qui n’arrive pas à changer les freins de sa voiture, par manque de moyens, « la seule solution consiste à ce que l’armée prenne les rênes du pouvoir ». « Il est vrai que les militaires nous tabassent à chaque fois que nous descendons dans la rue, mais ils restent notre seul et ultime espoir », affirme-t-il.

« Vous pensez que ça se limite au pain ? Ce par quoi passe le pays est une grande catastrophe. » Dans sa petite librairie de Hazmieh, le propriétaire des lieux manipule la souris d’ordinateur tout en fixant son écran. Il lance la commande d’impression, contourne le bureau et se dirige vers l’imprimante récupérer le document qu’il tend à la cliente. Il regagne son bureau...

commentaires (3)

Tous les libanais sont d’accord pour dire qu’il faut descendre en masse dans la rue. En attendant chacun attend que l’autre bouge. Ainsi l’immobilisme est seul en marche. Les tickets de rationnement seront bientôt de rigueur pour l’essentiel et les libanais défendront leur droit à fumer leur narguilé où bon leur semble. WELCOME TO LEBANON. ON peu craindre les coups,de bâtons et les bombes lacrymogènes les arrestations etc... lorsque les manifestants se comptent par centaines, mais qui pourra affronter une masse de centaines de milliers au risque d’être lynché par la foule? La faim ne pardonne pas... L’UNION FAIT LA FORCE, ENCORE ET TOUJOURS.

Sissi zayyat

10 h 40, le 02 juillet 2020

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Commentaires (3)

  • Tous les libanais sont d’accord pour dire qu’il faut descendre en masse dans la rue. En attendant chacun attend que l’autre bouge. Ainsi l’immobilisme est seul en marche. Les tickets de rationnement seront bientôt de rigueur pour l’essentiel et les libanais défendront leur droit à fumer leur narguilé où bon leur semble. WELCOME TO LEBANON. ON peu craindre les coups,de bâtons et les bombes lacrymogènes les arrestations etc... lorsque les manifestants se comptent par centaines, mais qui pourra affronter une masse de centaines de milliers au risque d’être lynché par la foule? La faim ne pardonne pas... L’UNION FAIT LA FORCE, ENCORE ET TOUJOURS.

    Sissi zayyat

    10 h 40, le 02 juillet 2020

  • Les critiques stupides du libanais sont devenues malheureusement son pain quotidien. Au lieu de boycotter et fermer le pays pour protester , au contraire le trafic dans les rues est dense et super normal .

    Antoine Sabbagha

    09 h 17, le 02 juillet 2020

  • LE PAIN UNE DENREE RARE ET DE LUXE DANS LE BORDEL LIBANAIS ET TRAFIQUE VERS LA SYRIE. THAWRA !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 44, le 02 juillet 2020

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