Les participants à la réunion de dialogue national qui s'est tenue au palais présidentiel de Baabda sans les principaux pôles de l'opposition au pouvoir, se sont accordés jeudi sur l'importance de la stabilité sécuritaire, "condition à la stabilité économique et financière" du Liban, qui traverse sa plus grave crise sur ce plan depuis 30 ans.
Parallèlement à la réunion, plusieurs manifestations hostiles au pouvoir se sont déroulées, notamment sur la route menant au palais de Baabda, ou encore devant les palais de Justice de cette ville et celui de la capitale Beyrouth. De récentes manifestations contre le pouvoir avaient été émaillées d'actes de vandalisme, essentiellement à Beyrouth et Tripoli, et par des tensions interconfessionnelles, notamment à Aïn el-Remmaneh et dans d'autres quartiers de la capitale
Le président Michel Aoun, le président du Parlement Nabih Berry, le Premier ministre Hassane Diab, le leader du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, le chef du groupe parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, le vice-président de la Chambre, Élie Ferzli, Fayçal Karamé, député de Tripoli délégué par la Rencontre consultative sunnite (le sous-groupe de parlementaires sunnites alliés au Hezbollah), Hagop Pakradounian, représentant le parti Tachnag, le chef du Parti démocratique libanais, Talal Arslane, Assaad Hardane, député de Marjeyoun (représentant le Parti syrien national social), Taymour Joumblatt (fils du leader druze Walid Joumblatt), député du Chouf et chef du Rassemblement démocratique, ainsi que l’ancien président Michel Sleiman, ont participé à cette réunion.
"La stabilité sécuritaire est essentielle et constitue une condition pour la stabilité économique, financière, monétaire et sociale du pays", indique le communiqué final publié à l'issue de la réunion. "La lutte contre la sédition et les tentatives de créer le chaos est de la responsabilité de toutes les composantes de la société", dit également ce texte lu par le conseiller du président Aoun, Salim Jreissati, appelant à "cesser les campagnes incendiaires qui menacent la paix civile et la stabilité sécuritaire" tout en rappelant que la liberté d'expression, "consacrée par la Constitution et la Déclaration des droits de l'homme", doit s'exercer "dans les limites de la loi".
Sur le plan politique, le communiqué final indique que "le système parlementaire ne peut fonctionner sans une opposition pacifique et démocratique", appelant le gouvernement et l'opposition à "travailler ensemble pour sauver le pays" de la crise actuelle qui est "plus dangereuse que la guerre".
Le communique insiste sur la nécessité de "trouver les moyens de sortir de la crise économique, financière et monétaire, et de leurs conséquences sociales, en adoptant une ligne définitive pour les réformes structurelles concernant l'argent public et en adoptant le programme du Fonds monétaire international (FMI) si nous acceptons ses conditions afin que l'on ne porte pas atteinte à nos intérêts et à notre souveraineté". Le communiqué insiste également sur les droits des déposants, confrontés aux restrictions drastiques mises en place depuis plusieurs mois par les banques du pays, et sur la nécessité de lutter contre la corruption "avec sérieux".
Par ailleurs, le communiqué exprime l'espoir que cette séance de dialogue national "soit le début d'une entente sur les fondements de l'intérêt national commun afin de régler dans un esprit de responsabilité les grands conflits qui nous divisent, notamment les questions sur notre existence même concernant l'unité de notre pays", citant la loi César, la question des réfugiés syriens et de l'implantation, "qui ont des conséquences destructrices sur le modèle libanais".
"Risque de guerre civile"
Le président Michel Aoun et le Premier ministre Hassane Diab s'étaient exprimés à l'ouverture de la réunion. Les événements qui ont secoué le Liban il y a deux semaines "doivent nous alerter sur les dangers qui menacent la paix civile sous couvert de revendications sociales", a affirmé le chef de l'Etat, dénonçant le fait que "certains exploitent la colère et les réclamations légitimes du peuple pour les transformer en actes de vandalisme qui dégénèrent en chaos". "C'est avec une grande inquiétude que nous avons assisté au retour de certains signes indicateurs de risque de guerre civile", a-t-il ajouté. "Notre pays traverse la pire crise financière et économique de son histoire et notre peuple vit des difficultés quotidiennes insupportables (...) Aucun plan de sauvetage n'est possible tant que certains continueront à semer le trouble dans les rues, à défier la sécurité et à mettre des bâtons dans les roues", a-t-il ajouté.
"Face aux défis cruciaux auxquels le Liban est confronté, devant l'ébullition de la situation régionale et les dangers qui peuvent découler de la loi César, l'unité nationale est plus que jamais essentielle pour prendre les décisions cruciales", a déclaré le chef de l'Etat en ouverture de cette réunion lors d'une allocution télévisée, en référence à la loi promulguée par le président américain qui impose des sanctions au régime syrien et aux personnes collaborant avec lui. "L'objectif de notre réunion est de renforcer cette unité afin de prévenir le chaos", a ajouté Michel Aoun, et de conclure : "Bien sûr, la divergence d'opinion est le droit de tout homme ainsi qu’un stimulant intellectuel, cependant il est de notre devoir de former un seul camp pour fortifier la paix civile et d’éviter d’entrer dans un tunnel sans fin. La paix civile est une ligne rouge, et il n'y aura aucune tolérance pour quiconque qui essaiera de la franchir".
"Travail national élargi"
Hassane Diab a ensuite pris la parole. "Le pays ne va pas bien. Les Libanais regardent l'avenir avec inquiétude. Comment pourrait-il être autrement avec des citoyens qui ont faim", a-t-il affirmé. "C'est la dure réalité, et la solution à cette crise est de la responsabilité de tous, pas seulement du gouvernement actuel" qui a élaboré un plan de sauvetage, sur la base duquel il négocie une aide financière avec le Fonds monétaire international.
"En ce moment crucial, il nous est demandé de conjuguer les efforts et de mettre en avant la logique de l'Etat afin de réduire les dégâts qui pourraient être catastrophiques", a déclaré M. Diab, appelant la Banque du Liban a réguler le taux de change du dollar face à la livre libanaise, qui a perdu près de 75% de sa valeur ces derniers mois.
"Nous savons que nos propos n'auront aucune valeur s'ils ne sont pas suivis d'actions concrètes", a-t-il ajouté. "Nous n'avons plus le temps pour les surenchères et les régalements de comptes politiques". "Disons la vérité, les Libanais n'attendent pas de cette réunion des résultats fructueux (...) Ils veulent que l'on enraye la hausse des prix, de l'électricité, la sécurité et la stabilité", a poursuivi M. Diab. "Je demande que cette rencontre soit le début d'un travail national élargi", a espéré le chef du gouvernement, dénonçant les gouvernements précédents qui ont "dissimulé la crise".
Par ailleurs, le président du Parlement, Nabih Berry, interrogé par des journalistes à son arrivée au palais de Baabda, a de nouveau réaffirmé la nécessité de déclarer "l'état d'urgence financière" et de se pencher sur toutes les mesures nécessaires pour éviter un effondrement de la monnaie nationale. La réunion de dialogue a été précédée par un entretien entre Michel Aoun, Nabih Berry et Hassane Diab. Durant la réunion, M. Berry a exhorté le gouvernement à "se concentrer sur les réformes dans la période à venir".
Sleiman s'en prend au Hezbollah
Avant la lecture du communiqué final de la réunion, l'ancien président Michel Sleiman a déclaré qu'il exprimait ses réserves quant à ce texte. "Il ne peut y avoir de solution sur le plan économique sans revenir à la déclaration de Baabda", a déclaré l'ex-chef de l'Etat, en référence au document du 11 juin 2012 qui stipule la distanciation du Liban par rapport aux conflits des axes. Au cours de cette réunion, M. Sleiman s'en est pris au Hezbollah ; des attaques auxquelles ont répondu le chef du groupe parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, et le vice-président du Parlement, Elie Ferzli. "L'objectif de ce dialogue était de renforcer la paix civile", a déclaré ce dernier.
De son côté, Gebran Bassil a critiqué l'absence des principaux pôles de l'opposition au pouvoir au dialogue. "Ceux qui refusent le dialogue montrent leur intention d'empêcher le sauvetage du pays", a-t-il déclaré.
Pour sa part, le fils du leader druze Walid Joumblatt, le chef du Rassemblement démocratique et député du Chouf, Taymour Joumblatt, a présenté une feuille de route destinée à sortir de la crise. Le député Assaad Hardane a également pris la parole à l'issue de cette réunion. "Les Libanais sont inquiets et vivent dans une atmosphère de sédition", a-t-il déclaré, appelant le Liban à "construire sa place et son rôle dans la région pour déterminer ses intérêts supérieurs".
Lors de sa prise de parole, Fayçal Karamé a insisté sur la nécessité du dialogue. Sur le plan économique, il a également appelé à des mesures "apaisant les gens" face à l'inflation et le taux de change entre le dollar et la livre libanaise, ainsi qu'à un règlement de la question des réfugiés syriens en discutant avec le régime syrien.
De son côté, Talal Arslane a estimé que le boycott du dialogue "aggrave la crise et ne bénéficie à personne". "Pour sauver le Liban sur les plans politique, social et économique, il faut prendre des décisions audacieuses", a-t-il déclaré, appelant le gouvernement à ne plus "hésiter". Il a également déclaré que le discours de Michel Aoun "met le doigt là où ça fait mal".
Hagop Pakradounian a, lui, déclaré que le dialogue "est le seul moyen de sortir de toutes les crises", estimant que le Liban est confronté à une guerre sociale et économique. "Entre la sédition, la guerre et le dialogue, nous choisissons le dialogue, quel qu'en soit le prix", a-t-il déclaré.
En plus des ex-Premiers ministres Saad Hariri, Fouad Siniora, Tammam Salam et Nagib Mikati, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, et le leader des Marada, Sleiman Frangié, n'ont pas assisté à cette réunion. "S'il est demandé de faire l'unité nationale pour restaurer la confiance, alors cette unité ne doit pas être fictive pour sauver le mandat, mais sur le fond pour sauver le pays", a écrit le fils du chef des Marada, le député de Zghorta, Tony Frangié. "Le taux de change est parlant, et le peuple, malgré ses souffrances, est encore plus éveillé", a-t-il conclu.
commentaires (27)
TIENT TIENT. AINSI D'APRES MR.AOUN NOTRE PAPA, LES LIGNES ROUGES PRECEDENTES N'ETAIENT PAS REELLEMENT ROUGES? N'ETAIENT QUE SLOGANS VIDES ?
Gaby SIOUFI
15 h 27, le 26 juin 2020