Pour la présidence de la République, le pari est perdu. La rencontre que préside ce matin à 11 heures le chef de l’État, Michel Aoun, à Baabda est loin d’être une table de dialogue élargie, dont les participants profiteraient pour discuter des solutions à même de sortir le pays de la crise aiguë qui le secoue depuis des mois. D’autant que le nombre d’absents n’a fait que croître au fur et à mesure que l’on se rapprochait de la date de la rencontre.
Contrairement à ce qu’espérait le chef de l’État, la réunion est désormais assimilable à une rencontre quasi monochrome aux objectifs flous et à laquelle ne prendront part que les parrains du pouvoir en place, qui font partie de cette classe politique largement décriée par le mouvement de contestation du 17 octobre. Des composantes de celui-ci ont d’ailleurs lancé, sur les réseaux sociaux, des appels à manifester aujourd’hui sur la route de Baabda, pour montrer leur opposition à la classe politique.
En dépit du grand nombre d’absent, la présidence maintient la rencontre : « Le dialogue est maintenu demain (aujourd’hui) à 11 heures », assurait hier un proche de Baabda à L’Orient-Le Jour, estimant que « le boycott par certaines parties n’est pas une raison valable pour ajourner une telle réunion consacrée à l’examen de la situation du pays et dont le but est de trouver la meilleure façon de préserver la paix civile et prévenir la discorde ». Il fait également savoir qu’une version préliminaire du communiqué final est déjà prête et pourra être modifiée en fonction des débats engagés lors de la réunion.
Selon notre correspondante à Baabda Hoda Chédid, Michel Aoun, le chef du législatif, Nabih Berry, et le Premier ministre, Hassane Diab, devraient prononcer des allocutions retransmises par les chaînes de télévision. La réunion se poursuivra ensuite à huis clos. Le palais de Baabda a donc finalisé les préparatifs pour recevoir les représentants du camp loyaliste. Outre les trois pôles du pouvoir, le leader du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, et le chef du groupe parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, seront présents à Baabda. Parmi les participants aussi, le vice-président de la Chambre, Élie Ferzli, Fayçal Karamé, député de Tripoli délégué par la Rencontre consultative sunnite (le sous-groupe de parlementaires sunnites alliés au Hezbollah), et Hagop Pakradounian, représentant le parti Tachnag. Le chef du Parti démocratique libanais, Talal Arslane, et Assaad Hardane, député de Marjeyoun (représentant le Parti syrien national social), entendent également faire acte de présence. Taymour Joumblatt, député du Chouf et chef du Rassemblement démocratique, et l’ancien président Michel Sleiman se rendront eux aussi à Baabda, en dépit de leur opposition au mandat Aoun. Une source bien informée confie dans ce cadre que le chef du Parti socialiste progressiste, Walid
Joumblatt, a délégué son fils à la réunion pour des raisons de santé. Quant à M. Sleiman, on explique dans ses milieux qu’avec le grand nombre d’absents, il devient de son « devoir » de participer au dialogue, pour évoquer les sujets que les opposants auraient pu soulever. Une allusion claire à la stratégie de défense tant attendue et la mise en application de la déclaration de Baabda (du 11 juin 2012), qui stipule la distanciation du Liban par rapport aux conflits des axes, dont M. Sleiman est perçu comme le parrain.
Geagea pour le départ de Aoun
En face, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a annoncé hier qu’il ne participera pas au dialogue de Baabda. Une décision à laquelle on s’attendait au vu des rapports perturbés, voire même gelés, entre Meerab et le binôme Baabda-CPL. Justifiant sa décision à l’issue d’une réunion du bloc parlementaire « La République forte », parrainée par les FL à Meerab, Samir Geagea a adressé des messages forts au président Aoun, ainsi qu’à la classe dirigeante dans son ensemble. Il a déclaré qu’il boycottera la réunion « dont l’objectif n’est que de la poudre aux yeux et qui vise à faire assumer aux protagonistes politiques la responsabilité de l’échec du mandat ». Mais Samir Geagea est allé plus loin encore. Pour la toute première fois, il a ouvertement plaidé pour le départ tant du président de la République que de la classe dirigeante dans son ensemble, dans la mesure où elle a « fait la preuve de son échec ».
Déplorant le fait que « les objectifs de la rencontre ne sont pas clairement définis », M. Geagea a exprimé son appui à la feuille de route qu’a établie le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, lors de son homélie dimanche dernier. Le prélat avait alors incité le président Aoun à ajourner le dialogue de Baabda, appelant à ce que soit examinée « la véritable solution, loin des concessions et compromis ». Il avait également plaidé pour la mise en place d’une feuille de route qui unifierait la position libanaise quant aux problèmes qui ont mené le pays à l’effondrement sur le triple plan économique, financier et social. Sauf que la présidence a fait la sourde oreille à cet appel et maintenu la réunion.
L’indignation grecque-catholique
Au-delà de l’absence d’un représentant FL, la décision de Samir Geagea menace la rencontre de Baabda dans sa conformité au pacte national, si chère aux aounistes. Le leader des FL se joint en effet aux quatre anciens Premiers ministres, Saad Hariri, Fouad Siniora, Tammam Salam et Nagib Mikati, qui ne prendront pas part à la réunion, lui retirant ainsi la couverture sunnite requise pour sa tenue. Désormais, c’est aussi la couverture chrétienne qui manquera à la rencontre en l’absence des FL, des Kataëb, des Marada ainsi que d’Amine Gemayel et Émile Lahoud, tous deux ex-présidents de la République. C’est également dans le cadre de cette même logique de conformité au pacte national que la communauté grecque-catholique s’est invitée dans la partie pour dénoncer le fait qu’aucun de ses ténors ne soit convié à la réunion. Cette indignation, le vice-président du Conseil supérieur de la communauté grecque-catholique, Michel Pharaon, l’a exprimée hier dans un communiqué. « Nombreux sont les grecs-catholiques irrités et indignés de constater qu’aucune personnalité de leur communauté n’est invitée à la réunion visant à renforcer l’unité nationale », déplore le texte, avant de poursuivre : « Le fait qu’aucune invitation n’ait été adressée à une personnalité de la communauté pour participer à la rencontre de Baabda, dont le thème n’est pas l’économie mais bien le pacte national et l’unité du pays, n’est pas digne de la présidence de la République ni de la communauté grecque-catholique, qui a joué un grand rôle dans la consolidation de l’unité nationale, dès avant l’indépendance et jusqu’à aujourd’hui (...) ». Et de souligner : « Les membres de la communauté ont espéré, jusqu’à la dernière minute, voir corriger ce manquement flagrant, dangereux et inédit. »
Sauf que pour Baabda, ce problème de conformité au pacte ne se pose pas. Citées par notre correspondante, des sources gravitant dans l’orbite de la présidence affirment que le chef du gouvernement et la Rencontre consultative assurent la représentation sunnite. Quant aux grecs-catholiques, ils ne sont pas représentés parce qu’aucun chef de bloc parlementaire n’appartient à leur communauté, ajoutent les sources.
Pour Geagea, le dialogue à Baabda est « de la poudre aux yeux »
Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a rejoint hier les personnalités qui ont annoncé qu’elles ne participeraient pas à la rencontre de dialogue national du 25 juin, à laquelle le président Michel Aoun avait convié les principales figures politiques du pays. M. Geagea a justifié sa décision par le fait que, selon lui, l’objectif de cette réunion n’est que « de la poudre aux yeux ».
« Nous avons bien reçu il y a quelques jours l’invitation à une nouvelle réunion à Baabda. Nous avons longtemps essayé de comprendre le but de cette réunion, sans succès », a-t-il souligné. Lors d’une conférence de presse, organisée à l’issue d’une séance du bloc parlementaire des FL, le leader maronite a estimé que « la situation au Liban est à un endroit et les responsables sont complètement ailleurs », affirmant que ce qui intéresse le plus, désormais, les Libanais est « leur subsistance ». « L’invitation est axée sur le dialogue sur la paix civile, alors que le problème se situe complètement ailleurs. Nous ne participerons donc pas à cette réunion, dont l’objectif est uniquement de la poudre aux yeux », a-t-il annoncé. « Ce qu’il faut, ce sont des décisions et non des réunions », a encore lancé Samir Geagea, appelant le gouvernement de Hassane Diab à prendre au moins « une première décision concernant des réformes ». Il a estimé que « la classe dirigeante a prouvé son échec à tous les niveaux ». « Les paroles et les oppositions ne mènent à rien », a-t-il poursuivi.
commentaires (21)
Et pourquoi inviter le representant d'un parti Syrien?Assaad Hardane, député de Marjeyoun (représentant le Parti syrien national social) Ce type devrait etre mis hors la loi... Tout cela demontre la main-mise du Pays par les agents exterieurs ennemis du Liban
IMB a SPO
15 h 05, le 26 juin 2020