Deux groupes de manifestants se sont rassemblé jeudi matin sur la route menant au palais présidentiel de Baabda, afin d'exprimer leur opposition à la réunion de dialogue national présidée par le président Michel Aoun qui s'est tenue en l'absence des principaux pôles de l'opposition, au moment où le Liban continue de s'enfoncer dans sa pire crise économique et financière en trente ans.
Un premier groupe de manifestants est venu réclamer l'application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU portant sur le désarmement des milices, et qui vise principalement le Hezbollah. Un deuxième groupe, rassemblé à l'appel de plusieurs colletcifs du mouvement de contestation contre la classe dirigeante sous la bannière du slogan "Pas de confiance", s'est également rassemblé non loin de là. Toutes les routes ont été bloquées en amont du palais présidentiel, notamment, par des barrages de l'armée, rendant difficile l'arrivée des manifestants.
"Dégagez"
"Nous sommes là pour dire +non à la répression des libertés+. Nous somme fatigués, nous sommes dans la rue car nous réclamons de l'aide, pas pour subir la répression. Mais nous ne nous tairons pas", confie Rania, une manifestante de 36 ans, à notre journaliste sur place, Zeina Antonios. "Notre seule demande concerne cette classe corrompue, et non pas les armes illégales", conclut-elle. "Nous sommes là en silence car tout ce qu'on dit ne sert plus à rien. Laissez-nous tranquilles, tous sans exception", lance une autre manifestante, Sylvia, à l'adresse des responsables.
Pour le cheikh druze Chawki Hatoum, venu du village de Kfar Selwane situé sur les hauteurs du Metn, cette classe politique "a affamé le peuple. Assez de mensonges ! Dégagez !", lance-t-il excédé. "Nous rejetons toute cette clique. Ils participent tous au pillage du pays et à l'appauvrissement de la population. Ils ont volé l'argent du peuple et l'ont sorti du pays. Il est temps qu'ils rendent des comptes et qu'ils soient jugés. Il faut augmenter la pression, car les demandes justes ne seront jamais vaines", estime pour sa part un autre manifestant, Naël Kaedbey.
Un père tente de s'immoler à Adlié
Quelques rixes ont éclaté entre manifestants et forces de l'ordre, ces dernières demandant aux protestataires de se séparer des drapeaux libanais qu'ils brandissaient, craignant qu'ils ne les utilisent comme arme. Les protestataires ont ensuite été repoussés par les militaires. Ils se sont ensuite dirigés vers le palais de Justice de Baabda, alors qu'un autre groupe a pris la route vers le palais de Justice de Beyrouth, à Adlié. Là-bas, des proches de militants originaires de la Békaa et qui ont été arrêtés depuis quatre jours ont réclamé leur libération, menaçant de recourir à des mesures d'escalade s'ils n'obtenaient pas gain de cause.
Les forces de l'ordre étaient massivement déployées sur place. Des échauffourées ont éclaté entre manifestants et policiers qui cherchaient à disperser la foule par la force. Le père de l'un des détenus, venu manifester sur place, s'est aspergé d'essence avant de tenter de s'immoler, mais il a finalement été empêcher de le faire et se porte bien.
Parallèlement, un rassemblement en faveur de la liberté d'expression s'est tenu sur la place Samir Kassir dans le centre-ville de la capitale, en signe de protestation contre les "arrestations arbitraires", au moment où de nombreux militants anti-pouvoir et internautes critiques des autorités, notamment des journalistes, sont détenus et interrogés par les services de sécurité, dans un climat de répression des libertés. L'une des porte-parole du collectif Journalistes pour la liberté, qui organisait ce rassemblement, a interpelé les autorités. "Aux responsables réunis au palais de Baabda, (...) nous mettons en garde le pouvoir contre cette dérive de répression des libertés. (...) La responsabilité de toute agression contre les journalistes incombe aux autorités. Les journalistes ne serviront pas de boucs émissaires. (...) Gare à l'atteinte aux valeurs fondatrices du Liban".
D'autres rassemblements ont été organisés ailleurs dans le pays. Ainsi, à Nabatiyé, au Liban-Sud, un sit-in s'est tenu devant le sérail pour protester contre la situation économique du pays et l'envolée du dollar face à la livre. Sur un autre plan, des activistes se sont rassemblés devant le sérail de Jounieh (Kesrouan) pour protester contre la détention du militant Dany Farah, interrogé depuis hier soir. Par ailleurs, des routes ont été coupées dans la région de Baalbeck, dans la Békaa.
En début de la réunion de Baabda, le chef de l'Etat a affirmé que "la protection de la paix civile est la limite à ne pas franchir". Le Premier ministre a de son côté appelé à ne plus "perdre de temps", reconnaissant que "les Libanais ne s'attendent pas à des résultats positifs de cette réunion".
Le Liban traverse sa plus grave crise économique, financière et monétaire en 30 ans. Dans ce contexte explosif, une révolte populaire sans précédent a éclaté le 17 octobre 2019 contre la classe politique jugée corrompue et incompétente.
Il faut se débarrasser de tous ces vendus pour enfin avoir la souveraineté, la paix et la prospérité.
10 h 50, le 26 juin 2020