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Culture - La compagnie des films

Georgette Gebara : Quand je vois un film, je suis dans la salle et sur l’écran

Quel est le point commun entre la grande danseuse et directrice d’école de danse et les films ? Les comédies musicales, assurément, mais pas seulement. Car l’icône libanaise du ballet a une passion pour les salles obscures où opère la magie entre le spectateur et l’acteur.

Georgette Gebara : Quand je vois un film, je suis dans la salle et sur l’écran

Georgette Gebara. Photo d'archives Mahmoud Reda

À quel âge et à quel moment est née cette passion pour le cinéma et quel en a été le film déclencheur ?

Comme je suis issue du monde de la danse et du théâtre, mon expérience avec le cinéma s’est construite à travers les comédies musicales. Un dialogue s’est instauré entre ces films et moi-même. Ce n’est pas qu’ils aient eu une influence directe sur moi, mais plutôt un impact considérable. Quand j’étais enfant, nous vivions au Caire, il y avait un cinéma Metro qui projetait les grandes productions de la Metro-Goldwyn-Mayer, notamment les plus belles comédies musicales. Le premier film que j’ai vu était Bathing Beauty avec Esther Williams. Mes parents nous emmenaient au cinéma voir ce genre de films. Ensuite, quand j’allais nager dans le club que nous fréquentions, je tentais de l’imiter. J’étais hantée par ces jambes qui sortaient de l’eau et faisaient des circonvolutions. Plus tard, quand j’ai vu Leslie Caron dans le film An American in Paris, j’ai essayé de faire le grand écart tout comme elle… sur le mur. C’était des exercices très difficiles que je finissais pourtant par réussir. Adolescente, j’allais à la même école de danse que le grand chorégraphe Mahmoud Reda. Mes parents avaient confiance en lui et ils lui avaient recommandé de venir me chercher tous les jours. En chemin, nous ne pouvions nous empêcher d’imiter Gene Kelly et Fred Astaire. De plus, ma mère avait pris un poste très important dans la société J. Arthur Rank qui construisit le cinéma Rivoli du Caire. Il y avait sur la scène de la salle un très bel orgue tout illuminé qui surgissait du sol. Un grand musicien dépêché d’Angleterre y jouait. J’ai eu de la chance de voir la première du film The Red Shoes, réalisé par Michael Powell et Emeric Pressburger, sorti en 1948, une œuvre sublime produite par J. Arthur Rank. J’ai vu ce film de nombreuses fois et dernièrement, j’ai eu l’occasion de l’acheter en version originale. Je l’ai revu avec la même émotion.

Pour vous, le cinéma est-il évasion, divertissement ou réflexion ?

Un film m’apporte tout cela à la fois, émotion, divertissement et bien sûr réflexion. Mais je voudrais rappeler à certains que tant le cinéma que le théâtre ont avant tout une mission « d’entertainement ». Beaucoup de pseudo-intellectuels et, permettez-moi de le dire, des pédants insistent pour dire qu’ils sont simplement porteurs de messages. Or on peut envoyer un message tout en divertissant. Le message peut même coller plus. J’aime ce slogan « The show must go on » où l’on comprend que l’art est plus fort que la vie. Le cinéma est aussi obsessionnel. Certains films vous hantent toute votre vie, comme c’est le cas du film The Barefoot Contessa (1954) de Joseph L. Mankiewicz avec Ava Gardner et Rossano Brazzi, dont une scène m’a marquée toute ma vie.

Si vous étiez une réalisatrice, qui auriez-vous aimé être ? Et quels acteurs ou actrices auriez-vous choisis pour votre film ?

J’aurais aimé être Vincente Minnelli. Ou encore Bob Fosse, le réalisateur de All That Jazz. Même avec un caractère de chien, il reste un grand chorégraphe et un grand metteur en scène. Les acteurs James Mason et Sir Lawrence Olivier sont les figures que j’admire le plus. Pour les actrices, ce serait Ingrid Bergman et j’aimerais ajouter le nom de Cyd Charisse. Même si ce n’est pas une très bonne actrice, elle nous donne envie d’être dans les airs quand elle danse.

Georgette Gebara dans les années 1970. Photo Fouad Haddad

Vous êtes-vous fait une bibliothèque de films au fil du temps ?

Je suis plutôt une bibliophile. Je n’ai pas exactement une bibliothèque, mais les livres m’envahissent et débordent de partout. Je suis très curieuse de tout, donc mes livres couvrent différents sujets. Mais je possède certainement beaucoup de films, tous originaux, que j’ai moi-même achetés. Quand on voit un film, il faut le voir en version originale, c’est une question de respect pour celui qui a réalisé l’œuvre. En plus, j’aime aller au cinéma et ressentir la magie de la salle obscure. C’est là que le dialogue s’opère entre spectateurs et acteurs.

Quel est le film que vous avez vu le plus de fois dans votre vie et avec autant de plaisir chaque fois ?

Sans hésiter je dirai Singin’ in the Rain de Stanley Donen et Gene Kelly. Je suis fière de dire que je fais partie, avec Émile Chahine et Georges Khabbaz, d’une sorte de confrérie d’amoureux du 7e art et que nous avons tous les trois une adoration pour ce chef-d’œuvre. Ma grande rage c’est que l’année de sa sortie, en 1952, il n’a pas décroché d’Oscar. Mais finalement il est entré dans la légende. C’est un jalon dans l’histoire du cinéma parce qu’il témoigne du passage entre le muet et le parlant. C’est donc un film musical et un film historique. L’acteur Donald O’Connor pourrait y être considéré comme le père du hip-hop. West Side Story est un autre chef-d’œuvre que je vois avec autant de plaisir.

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Quel film vous parle le plus ?

Je ne peux pas dire que je m’identifie à un film, mais je vis avec l’héroïne. Quand je vois un film, je suis à la fois dans la salle et dans le film.

Partagez-vous avec quelqu’un l’amour des films ?

Quand je vais au cinéma avec mon mari, nous discutons beaucoup du film par la suite. Par ailleurs, j’aime beaucoup initier mes élèves de danse à l’amour des films. J’ai organisé des séances avec mes élèves et je leur ai montré des « musicals » comme Romeo et Juliette au Centre culturel allemand ou au Kennedy Center (quand il existait). Les jeunes générations n’ont vu comme comédie musicale que le film Lalaland de Damien Chazelle qui, à mon avis, est une médiocre imitation du film Fame. Mais c’est surtout avec Émile Chahine et dans le cadre de son ciné-club que je prends plaisir à discuter de films.

Y a-t-il un genre de films que vous n’aimez pas particulièrement ?

Je n’arrive plus à supporter les films d’horreur et de violence. Par contre, l’éventail de films que j’aime se déploie des films d’Ingmar Bergman jusqu’aux westerns.


Le top 5 des films de Georgette Gebara

Singin’ in the Rain de Stanley Donen et Gene Kelly.

West Side Story de Robert Wise et Jerome Robbins.

Gone With the Wind de Victor Fleming.

Hamlet de Laurence Olivier.

Cris et chuchotements d’Ingmar Bergman.


À quel âge et à quel moment est née cette passion pour le cinéma et quel en a été le film déclencheur ? Comme je suis issue du monde de la danse et du théâtre, mon expérience avec le cinéma s’est construite à travers les comédies musicales. Un dialogue s’est instauré entre ces films et moi-même. Ce n’est pas qu’ils aient eu une influence directe sur moi, mais plutôt un...

commentaires (2)

"J’ai vu ce film de nombreuses fois et dernièrement, j’ai eu l’occasion de l’acheter en version originale." Traduction pour les non libanais: pas piraté. En effet, c'est extraordinaire.

M.E

16 h 30, le 24 juin 2020

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Commentaires (2)

  • "J’ai vu ce film de nombreuses fois et dernièrement, j’ai eu l’occasion de l’acheter en version originale." Traduction pour les non libanais: pas piraté. En effet, c'est extraordinaire.

    M.E

    16 h 30, le 24 juin 2020

  • Georgette Gébara! Un bijoux de la scène artistique Libanaise et un modèle aux jeunes libanais et libanaise ! Que de beaux souvenirs...

    Wlek Sanferlou

    14 h 05, le 24 juin 2020

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