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Nos Lecteurs ont la Parole

Orient ou Occident

On a longtemps et injustement reproché aux Libanais la fascination exercée sur eux par l’Occident.

Bien sûr, les croisades avaient été naturellement vécues comme une trahison où certains chrétiens auraient accueilli les chevaliers comme des sauveurs. Mais plus tard, quand Fakhreddine II, notre prince pourtant druze, osa nouer des alliances avec Florence pour apporter un peu de la Renaissance italienne à notre montagne, il fut vite destitué et envoyé mourir chez le sultan. Plus récemment, on accusa le Liban indépendant des années cinquante et soixante d’avoir vendu son âme à l’Ouest de par son refus (pourtant assez pragmatique, à y réfléchir deux fois) de participer aux guerres israélo-arabes et par son économie ultralibérale. Ce pays alors prospère et libre, avec une démocratie certes imparfaite, mais inégalée en Orient, n’était parfois vu qu’un reliquat du colonialisme, vilipendé par des nationalistes enflammés et des nostalgiques du califat. Avec l’implosion qui s’ensuivit.

Pourtant, cette ouverture sur l’Occident est bien naturelle pour notre pays dont la géographie, le climat et l’histoire s’approchent parfois davantage de la Grèce ou de l’Italie que de l’Arabie. Si ce n’était cette obsession maladive des religions, comment reprocher à ces Levantins chrétiens ou musulmans d’ailleurs d’avoir voulu commercer avec un Occident prospère et accessible par une mer sillonnée depuis l’Antiquité. Et cela, plutôt qu’aller chercher des modèles de développement disparus depuis des lustres à leur Orient ? Si ce n’était pas une histoire d’islam ou de christianisme, se serait-on froissé en 1958 que le pays préférât se ranger du côté américain plutôt que du côté soviétique? Ou que notre classe moyenne choisit le français ou l’anglais pour s’éduquer, plutôt que le persan ? Que serait notre niveau d’éducation sans les missions du XIXe siècle et les universités occidentales ? Pourquoi les élites ou ce qu’il en reste n’envoient-elles pas leurs enfants étudier à l’Est ?

Non, je ne fais pas ici l’apologie du colonialisme occidental et je reconnais ses nombreux méfaits. Mais je veux remettre un tout petit peu les pendules à l’heure. Faire croire aux Libanais que la solution puisse venir de l’Est est un mensonge éhonté et une insulte à notre histoire. Prêter allégeance à une république islamique ou à une dictature ne nous mènera nulle part. L’état actuel du pays le prouve déjà. Et n’oublions pas que cet Est nous a parfois apporté ce qu’il y a de plus funeste. Enfant à Beyrouth dans les années 80, je me souviens encore des attentats terroristes et des prises d’otage, je me rappelle les civils séquestrés ou tués à Beyrouth sur un modèle importé de Téhéran sans parler des portraits hostiles d’ayatollahs qui tapissaient nos routes et nous faisaient frémir. Quand l’un de leurs sbires nous explique aujourd’hui qu’il nous faut regarder à l’Est, c’est un peu plus de notre civilisation qu’il piétine.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

On a longtemps et injustement reproché aux Libanais la fascination exercée sur eux par l’Occident.Bien sûr, les croisades avaient été naturellement vécues comme une trahison où certains chrétiens auraient accueilli les chevaliers comme des sauveurs. Mais plus tard, quand Fakhreddine II, notre prince pourtant druze, osa nouer des alliances avec Florence pour apporter un peu de la...

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