La polémique suscitée par une énorme cavité creusée au cœur d’une forêt de chênes à Eddé (caza du Batroun), rapportée par L’Orient-Le Jour dans son édition du 22 mai, prend de l’ampleur. Ces travaux, qui défigurent le paysage et déciment une partie de la forêt, sont entrepris par Najm Khattar, président du conseil municipal d’Eddé, et réalisés sur un terrain qui lui appartient.
Si l’affaire a d’abord été soulevée par les écologistes, les langues commencent à se délier dans le village. Des habitants, outrés par cette nouvelle atteinte à l’environnement qui défigure leur village, font état de graves violations des lois en vigueur. Financé et approuvé en 2017 par le Plan vert, affilié au ministère de l’Agriculture, le projet a été entamé en 2018 par M. Khattar en vertu d’une autorisation de lancer des travaux délivrée par cette même instance. Ce permis, spécifique aux projets où s’implique le Plan vert, équivaut à un permis de bonification de terrain. Mais depuis le 21 mai dernier, probablement en raison des nombreuses plaintes concernant des violations de la loi, le ministère de l’Agriculture a pris la décision de ne plus permettre au Plan vert de délivrer des permis similaires sans son autorisation préalable.
Le projet en question à Eddé fait partie de ceux qui suscitent des questions. Selon un notable du village ayant requis l’anonymat, M. Khattar a enfreint plusieurs lois en réalisant ces travaux. « Pour commencer, l’ampleur de ces travaux laisse supposer que l’objectif n’est pas agricole », déplore cet habitant. Toujours selon lui, M. Khattar aurait élargi le petit sentier menant à son terrain en vertu d’une décision municipale sans que les propriétaires des terrains voisins ne soient d’accord. Quant aux remblais résultant de ses travaux, il les aurait déversés dans la propriété d’autres personnes n’habitant pas le village et qui ne sont probablement pas au courant de ce qui arrivé à leur terrain.
L’ancien député du Batroun, Boutros Harb, est lui aussi outré par la défiguration du paysage naturel dans le village. « Ces travaux vont à l’encontre de tous les principes et lois de la préservation de la nature et du paysage », déclare-t-il, accusant M. Khattar, proche du Courant patriotique libre, d’enfreindre la loi à des fins personnelles.
Sur la défensive
Joint au téléphone par L’Orient-Le Jour, M. Khattar rejette toutes les accusations qui lui sont adressées par des écologistes et des militants pour la préservation de l’environnement. « Il ne s’agit ni de la construction d’une maison ni d’une carrière servant à extraire des roches pour alimenter les travaux de construction du barrage de Balaa comme le prétendent certains », lance-t-il. Le président du conseil municipal d’Eddé se défend contre toute accusation et insiste sur l’objectif agricole des travaux entrepris: « Il s’agit d’un terrain privé sur lequel je réalise des travaux de bonification en vertu d’un permis légal. » « Où, dès lors, est le crime ? » lance-t-il.
Selon la décision ministérielle n° 731/1, la bonification d’un terrain couvert d’arbres sur plus de 20 % de sa superficie totale est interdite. Toujours selon la même décision, il serait interdit de mener ces mêmes travaux sur un terrain faisant partie d’une forêt ou bien en étant adjacent. Quid de ces deux conditions imposées par la loi ? M. Khattar assure que son terrain « ne fait pas partie d’une forêt et qu’aucun arbre n’a été abattu, que ce soit avant ou durant les travaux ». Des photos de la montagne envoyées à L’OLJ par un habitant d’Eddé semblent toutefois indiquer le contraire. « À quoi sert la propriété privée si nous ne pouvons pas en disposer comme bon nous semble ? Qu’on aille offrir à l’État tous les terrains que nous possédons pour la seule raison qu’ils sont couverts de chênes ! » s’indigne M. Khattar, lui-même avocat.
Interrogé au sujet de l’étude d’impact sur l’environnement dont l’obtention est requise avant le lancement d’un projet similaire, tel que stipulé par l’annexe n° 1 du décret n° 8633, M. Khattar se dédouane de toute responsabilité : « J’ai demandé une autorisation de bonification de terrains, je l’ai obtenue. Mon projet est donc légal à 100 %. » Pour Paul Abi Rached, fondateur de l’association Terre-Liban et du Mouvement écologique libanais (LEM), la réalisation d’une étude d’impact environnemental aurait sauvé la forêt. « Le décret sur les activités et travaux nécessitant une étude d’impact environnemental est clair et cite à deux reprises les travaux de bonification de terrains comme nécessitant une étude », affirme-t-il à L’OLJ. L’activiste estime que le ministère de l’Agriculture et M. Khattar sont tous deux responsables de cette entorse faite à la loi.
commentaires (4)
Quels dommages M. Le Gendre infligera-t-il à cette région avant son départ tant souhaité de la vie politique (devrais-je dire mafieuse)? Centrale électrique utile seulement pour ses visées politiques fédéralistes de roitelet du Batroun et bien d'autres projets d'égo démesuré. Qu'a-t-on fait pour mériter ce fléau?
Michael
13 h 17, le 03 juin 2020