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Culture - Interview post-confinement

Sirine Fattouh : Cette période a renforcé ma fibre civique, citoyenne et solidaire

L’artiste plasticienne, vidéaste et photographe, a toujours été très impliquée dans la lecture des événements politiques et sociaux que traverse le pays du Cèdre. Cette dernière phase entre révolution et pandémie ne pouvait que l’interpeller.

Dans son atelier, le masque... sur les yeux. Photo Olivier de Gemayzeh

Diplômée en art et sciences de l’art, Sirine Fattouh enseigne l’histoire de l’art moderne à la Lebanese American University (LAU, Byblos), ainsi que l’histoire de l’art à l’Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK) et à l’Institut des études scéniques et audiovisuelles (Iesav). Mais c’est dans l’actualité, ses contingences et son impact sur le quotidien de ses contemporains qu’elle puise l’inspiration de ses œuvres. Celle qui braque notamment, depuis quelques années, sa caméra sur Beyrouth avec la constante préoccupation de rendre dans une vidéo alternative les différents visages et cycles de cette capitale autant symbole d’ouverture que de violence, a continué à filmer « depuis sa voiture » durant le confinement, la ville et ses habitants en mode pause.

Comment avez-vous vécu ces deux mois de confinement ?

À vrai dire, je n’ai pas eu le temps de m’ennuyer. L’enseignement à distance a été une expérience assez particulière et parfois pénible surtout à cause de la connexion internet au Liban. J’ai donc passé ces deux derniers mois à préparer mes cours, les enregistrer, les envoyer à mes étudiants et répondre aux innombrables mails. Le reste du temps, j’ai continué à dessiner et à travailler à mes projets en cours de vidéo et de sculpture.

Qu’avez-vous découvert, expérimenté, appris de nouveau ou encore tiré comme enseignement de cette période ?

Ce qui était particulièrement agréable, c’était de ne pas avoir à faire les trajets en voiture pour aller à l’université et se retrouver coincé pendant des heures dans les embouteillages. J’ai redécouvert et aimé marcher dans un Beyrouth sans klaxons, sans pots d’échappement et surtout sans risque de se faire écraser à chaque fois qu’on doit traverser une rue.

La différence, je l’ai ressentie au niveau sonore et environnemental. Tout était plus calme et moins pollué. Il régnait même dans mon quartier – situé entre Fassouh et Geitaoui et à la mixité pas toujours vécue très sereinement – une ambiance plus paisible, comme un air de vacances. Mes voisins passaient de nouveau du temps sur leurs balcons, ils se promenaient dans la rue, faisaient leur jogging… Les vendeurs ambulants ont triplé… Cette atmosphère m’a rappelé les années 1990, juste après la guerre.

En fait, ce ralentissement de la vie m’a été très bénéfique. Alors que je suis habituellement très angoissée et stressée, ça a été un moment de contemplation. J’ai d’ailleurs l’impression que cela a été le cas pour beaucoup de gens, qui en ont profité pour faire des choses dont ils n’avaient plus l’habitude.

Pensez-vous que l’après-Covid-19 ressemblera à l’avant ? Que va changer cette crise à votre avis ?

J’aimerais croire que l’expérience du confinement va changer nos comportements et notre rythme de vie, que les gens deviendront plus civilisés, moins agressifs, plus attentifs aux autres. Mais je vois bien que la réalité est plus complexe, surtout en ces temps très difficiles que nous traversons au Liban. Entre crise économique et Covid-19, nous vivons une double peine.

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Personnellement, je me suis rendu compte que je pouvais vivre autrement. Avec moins de déplacements, de consommation, d’égocentrisme. J’ai, par exemple, reporté mon traditionnel voyage d’été à Paris, non pour des raisons sanitaires ou financières, car j’ai la chance d’avoir déjà mon billet et un hébergement garanti dans ce pays où j’ai grandi et vécu, mais par une sorte d’esprit civique, de ressenti citoyen. En fait, cette période que nous traversons depuis le 17 octobre dernier a renforcé ma fibre citoyenne, civique et solidaire. Aujourd’hui, j’ai le désir de partager plus avec les gens qui m’entourent, d’apporter ma contribution au sein de mon environnement, de faire des actions directes, à mon échelle, à travers l’art et le cinéma, dans mon quartier. J’envisage de lancer une série d’activités fédératrices : des ateliers, par exemple, et des projections de films dans la rue. L’art est aussi important que les caisses alimentaires. Il nourrit l’âme, l’esprit et surtout le vivre-ensemble… Distanciation physique ou pas !

Diplômée en art et sciences de l’art, Sirine Fattouh enseigne l’histoire de l’art moderne à la Lebanese American University (LAU, Byblos), ainsi que l’histoire de l’art à l’Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK) et à l’Institut des études scéniques et audiovisuelles (Iesav). Mais c’est dans l’actualité, ses contingences et son impact sur le quotidien de ses...

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