Épisodes de violences dans les rues ; confinement dû au coronavirus sous prétexte duquel tous les campements ont été démantelés ; contraintes entravant rassemblements et déplacements… Face aux tentatives de discréditer, voire de tuer leur mouvement, et aux différentes crises qui plombent le Liban, les contestataires du 17 octobre sont confrontés à de lourds défis.
Pourtant, les rassemblements sont toujours d’actualité. Des rassemblements marqués par une détermination qui ne faiblit pas, même si les militants sont moins nombreux et la répression policière plus musclée. Des rassemblements auxquels s’ajoutent des actions ciblées contre des institutions sur lesquelles pèsent des soupçons de corruption et de mauvaise gestion.
Sept mois et de nombreux bouleversements plus tard, la « thaoura » est-elle encore une réelle alternative et comment est-elle en train d’évoluer? « La révolution, ça ne se passe pas que dans la rue, ça peut prendre différentes formes », déclare d’emblée Sami Saab, l’un des fondateurs de « Khat ahmar », l’un des groupes de la contestation. « La période de confinement dû à la propagation du coronavirus a été un véritable révélateur, poursuit-il. De leur côté, les autorités ont décidé de profiter de ces circonstances pour limiter au maximum les mouvements de population. En ce qui nous concerne, il est vrai que nous avons opté pour la prudence dans un premier temps en vue de nous protéger et de protéger les nôtres contre le virus. Mais cette période est passée, d’autant que le déconfinement est en vigueur partout dans le monde et que le nombre de contaminations au Liban ne justifie pas de garder le pays fermé, au détriment de la vie économique. »
Comment les groupes de la contestation ont-ils traversé cette période? « Une chose est sûre, nous n’avons pas perdu notre temps, répond Sami Saab. Nous l’avons passé à réfléchir et nous concerter en vue d’organiser ce mouvement, et avons beaucoup progressé. Cette période nous a confortés dans la conviction que la révolution ne se résume pas aux manifestations, c’est un état d’esprit. Et je peux vous dire que le rejet de la classe politique est plus que jamais présent. Si la crise du coronavirus nous a appris quoi que ce soit, c’est qu’il est possible de fonctionner chez soi et de progresser… Alors, qu’ils nous attendent dans la rue. »
Outre le fait que les mouvements, dans leur diversité, n’ont pas eu de mal à reprendre, le militant pense qu’ils ne tarderont pas à radicalement se modifier. « Les responsables savent qu’ils ne pourront bientôt plus payer le secteur public, dont les salaires sont assurés par les prélèvements sur les recettes du secteur privé, dit-il. Or, le secteur privé agonise. Et je pense que les autorités ont surtout peur du moment où les fonctionnaires seront les premiers à descendre dans la rue. » Le secteur privé n’est pas le seul à agoniser, le pays entier est en grande difficulté. Qu’espèrent les groupes de la contestation à part hériter d’un champ de ruines ? « Nous sommes bien conscients de cela, reconnaît Sami Saab. Mais je crois qu’en définitive, il faudra réformer ce pays de façon à n’en garder que le nom. Et s’ils ne nous laissent que des miettes, je suis personnellement prêt à sacrifier quelques années pour jeter les bases d’un pays dont je serai fier et où mes enfants pourront vivre. »
« Plus forte qu’avant »
Figure désormais très reconnaissable de la contestation, l’avocat Wassef Haraké affirme que « la révolution a gagné en force et en précision ». Lui aussi souligne que « le nombre de manifestants dans les rues n’est en aucun cas le critère le plus significatif, l’ampleur de la contestation n’étant plus à prouver ». « Il n’y a que les syndicats qui peuvent soutenir une présence continue dans la rue, or ils ont été décimés par ce système, poursuit-il. Nous avions commencé la bataille de restitution des syndicats, mais avons été interrompus par la crise du coronavirus. »
Wassef Haraké insiste sur le fait que la « bataille » avec les autorités est devenue plus ciblée. « Nous nous dirigeons tour à tour vers les centres de la corruption politique, et non seulement administrative, ceux qui sont au cœur du système et l’ont fait vivre tout ce temps, comme l’électricité, les télécommunications, la gestion de l’eau, etc., indique-t-il. Nous procédons dorénavant par des actions ciblées qui répondent à une vision stratégique de la réforme de ce système et envisageons des poursuites en justice. »
Selon le militant infatigable, la « thaoura » est plus forte qu’avant pour trois raisons : d’une part, la population est plus consciente des enjeux de la corruption, d’autre part, les causes de la dégradation de la situation économique sont désormais connues de tous et puis, elle repose dorénavant sur le choix de la confrontation directe via les moyens pacifiques.
Les responsables politiques semblent toutefois finalement peu touchés par les actions des manifestants… « Au contraire, nous percevons leurs réactions très clairement, affirme-t-il. Il est évident qu’ils ne vont pas reconnaître le bien-fondé de nos revendications ni y donner suite. Toutefois, ils tentent régulièrement de nous accuser de tous les torts et de nous faire échouer, ce qui dénote une certaine nervosité. » « Ils doivent savoir que nous ne nous laisserons pas faire », conclut-il.
Saad Hariri a gouverné de 2009 à 2011 et de 2017 à 2019 Depuis 16ans Hezbollah et CPL se partagent le pouvoir en imposant leur diktat à tout le monde et gare à celui qui désobéit Rafic Hariri l ‘a appris à ses dépends
22 h 34, le 23 mai 2020