Les carabes bronzés, bénéfiques pour l’agriculture, envahissent Ersal

Ce ne sont pas des cafards, mais des carabes, prédateurs d’autres insectes et bénéfiques pour l’agriculture, qui envahissent massivement depuis quelques jours le village de Ersal, dans le nord-est du Liban. S’invitant dans les habitations, les champs agricoles, les tentes de réfugiés syriens, jusque dans les assiettes, ces insectes ont suscité le dégoût des habitants, déjà inquiets pour leur santé en cette période de coronavirus. Vulgairement appelés « carabes bronzés en raison de leur carapace brillante couleur de bronze », selon l’entomologiste Nabil Nemer, ils appartiennent « au genre Amara de l’espèce aenea». « Ces insectes ont fui la chaleur élevée de Syrie pour venir chercher un peu de fraîcheur au Liban. Et comme ils n’aiment ni le soleil ni la chaleur, c’est dans les habitations et les tentes de réfugiés, où il fait moins chaud, qu’ils cherchent refuge », explique le professeur à l’Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK). L’expert tient à rassurer les habitants des régions touchées par l’invasion de carabes. « Mis à part le désagrément, cette espèce est inoffensive. Elle mange d’autres insectes, limaces et escargots. Elle ne cause aucun tort aux êtres humains ou aux plantes. Bien au contraire, elle débarrasse les agriculteurs des parasites », assure-t-il, rappelant que ce genre d’invasion survient chaque année à la même période, à une ou deux semaines près.

Les bénévoles de l’association Sawaed el-Kheir vaporisant de l’insecticide dans les rues de Ersal. Photo DR

L’invasion de carabes ne devrait pas s’éterniser, promet l’expert. « La vague de chaleur qui touche le Liban devrait pousser ces insectes à se déplacer (au sol ou en vol) d’ici à deux semaines au plus tard vers des contrées moins chaudes, comme la Turquie par exemple », affirme-t-il. Et si dans l’absolu il est conseillé d’éviter les insecticides, il est compréhensible que les populations cherchent à se débarrasser des carabes de manière radicale, vu la « nuisance » que cause cette invasion massive. D’où la nécessité, conseille M. Nemer, « d’avoir plutôt recours à des insecticides de contact, tels les pyréthroïdes » (genre Baygon ou Pif Paf) qui ne causent aucun tort aux humains et aux animaux, plutôt que des insecticides ayant un effet résiduel. C’est dans ce cadre que le village de Ersal s’est mobilisé contre l’envahisseur. La municipalité, sous la présidence de Bassel Hojeiri, et l’association d’aide aux réfugiés syriens Sawaed el-Kheir, dirigée par Abou Ibrahim, ont joint leurs efforts, en vaporisant la région d’insecticide.

« C’est du jamais-vu. Nous avons bien des invasions d’insectes de temps à autre. Mais pas de la sorte », souligne à L’Orient-Le Jour le président du conseil municipal. « La situation semble à présent sous contrôle », ajoute-t-il. De son côté, le représentant de l’association humanitaire syrienne, Abou Ibrahim, reconnaît que le printemps est propice aux invasions d’insectes. « L’année dernière, l’invasion de papillons était plus agréable, commente-t-il. Mais cette année, ces cafards venus du Qalamoun se sont invités partout (c’est ainsi que les carabes ont été identifiés, NDLR), dans nos tentes, dans les rues, dans les maisons, sur les poteaux d’électricité. C’était dégoûtant. Nous avons craint pour la santé de nos enfants. D’où notre détermination à les éradiquer. » L’affaire a suscité l’intérêt du ministre de l’Agriculture, Abbas Mortada, qui s’est rendu à Ersal pour soutenir la localité.