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Lifestyle - Télé-nostalgie

Marie Badine, pionnière du dessin animé en langue arabe

Son nom est associé aux premières années de la télévision libanaise, où elle a été speakerine, mais aussi à son époux Nicolas Abou Samah avec qui elle a créé la boîte de production Filmali, qui a lancé le doublage d’émissions dans le monde arabe.

Marie Badine durant les premières années de Télé-Liban.

« Aujourd’hui je suis à la retraite. Je passe mon temps à lire et à faire des traductions. » C’est ainsi que Marie Badine Abou Samah démarre la rencontre, confortablement installée dans son salon, chez elle à Broumana. Ancienne présentatrice à Télé-Liban et pionnière dans le monde arabe, avec son mari Nicolas Abou Samah, du doublage des dessins animés et des séries télévisées, elle nous égrène ses souvenirs. Et ils sont nombreux...

Marie Badine a travaillé à Télé-Orient, les canaux 5 et 11 de Hazmieh, de 1966 à 1973. Elle a ouvert ensuite avec son époux, décédé en 2016, la boîte de production télévisée Filmali, et monté, ultérieurement, deux chaînes télévisées : Antenne Plus et la Télévision de la Femme arabe.

« Télé-Orient demeure une très belle période de ma vie. Si c’était à refaire, je le referais sans hésitation. Le travail à la télévision m’a appris à apprécier les détails. La caméra est honnête, elle ne ment pas. Elle montre les choses telles qu’elles sont, en mettant en avant les détails », dit-elle.

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De ses débuts à la télé, elle confie : « J’ai commencé en 1966, ma sœur était actrice ; elle travaillait avec Yvette Sursock, dans le célèbre programme Yvette reçoit. Lorsqu’elle a appris que la chaîne recherchait une speakerine, elle m’en a informée et je me suis présentée. J’étais alors étudiante en lettres françaises et j’avais besoin de travailler. Une fois diplômée, j’ai enseigné le français sans pour autant arrêter la télé. L’aînée d’une famille nombreuse, il me fallait ces deux jobs. »

Elle se souvient du trac ressenti avant son passage devant la caméra, et de son idylle avec Nicolas Abou Samah, devenu plus tard réalisateur, acteur et producteur, qu’elle épousera lors d’une cérémonie réduite, sans robe blanche ni invités. « Nicolas avait fait des études de cinéma et de télévision à Paris et a tout de suite été recruté par Télé-Orient. » « C’était une autre époque. En ce temps-là, la télé était en noir et blanc. Je faisais mon propre maquillage, un peu d’ombre sur les paupières, du mascara et du rouge à lèvres, sans plus. »

Elle se souvient aussi de la première émission diffusée en couleur. « Nous étions en 1971, le passage à la couleur s’est effectué à l’occasion d’une émission spéciale tournée avec Georgina Rizk, Miss Univers de cette année-là, intitulée Variétés, sous la direction de Nicolas », raconte-t-elle. Chaque arrivée de nouveau matériel était l’occasion d’une célébration. « Comme ce jour où la chaîne a donné un grand cocktail après avoir réceptionné la fameuse machine U-matic (créée en 1971 pour pré-enregistrer les programmes) qui nous a permis de passer du direct au différé. »



Marie Badine et son mari Nicolas Abou Samah dans les années 70. Photos DR

Contre le puritanisme

Poursuivant ce voyage dans ses souvenirs qui sont également ceux de la télévision au Liban, Marie Badine, qui a annoncé des programmes et présenté de nombreuses émissions, notamment avec l’humoriste Nagib Hankache et le journaliste et présentateur Riad Charara, précise : « C’est moi qui ai fait venir Riad Charara à la télé. Il présentait un programme à Radio-Liban et j’aimais beaucoup ce qu’il faisait. C’était un homme qui possédait le sens de l’humour et de la répartie, un érudit qui aimait surtout la musique. Il était expert en musique orientale et avait des contacts avec tous les compositeurs et chanteurs libanais et arabes. Il avait une jolie voix aussi. » Témoin de la belle époque du Liban, elle poursuit : « Durant les années soixante, je n’avais pas de voiture. Habillée en short ultracourt, je me rendais de Verdun au studio de Hazmieh en taxi-service, en toute sécurité. Tout était permis, il n’y avait pas de préjugés. Il n’y avait ni fanatisme ni puritanisme, que ce soit au Liban ou dans le monde arabe. Même durant la guerre, les choses n’étaient pas aussi tranchées que maintenant. Le fanatisme est le fléau des sociétés. »

Elle se souvient également d’un poisson d’avril du Canal 5, quand les nouvelles ont annoncé, reportage à l’appui, le mariage de Nagib Hankache et de Baria Meknas, alors présentatrice du journal télévisé et qui sera la mère de l’avocate Amal Alameddine, épouse Clooney. « Baria était une très jolie femme. Elle est basée aujourd’hui à Londres et fait toujours de la télé. »

Visionnaire et ambitieuse, en 1973, Marie Badine suit une formation de six mois à Glasgow, en Écosse. « Je suis rentrée avec des idées plein la tête et j’ai voulu mettre en place des programmes éducatifs pour la télévision, mais ça n’a pas marché. J’ai donc présenté ma démission et j’ai rejoint le Centre de recherche et développement pédagogique (CRDP), qui aspirait, justement, à faire des films éducatifs destinés aux jeunes », explique-t-elle. C’est à travers le CRDP qu’elle retournera durant 4 mois à Télé-Liban pour organiser des cours à distance, au début de la guerre du Liban, aux élèves du bac. Un peu comme aujourd’hui, avec le coronavirus.

C’est à cette même période qu’elle lance aussi, avec son époux Nicolas Abou Samah, le journaliste Élie Salibi et le cameraman Issam Khoury (frère de Jean Khoury, ancien directeur du JT de Télé-Liban), une boîte de production baptisée Filmali, se découvrant ainsi une nouvelle passion, celle de travailler derrière la caméra, dans la conception et la réalisation de programmes.

Elle conçoit et réalise ainsi 200 épisodes pour Télé-Liban de Malaeb al-Sighar, un programme pour enfants présenté par Hikmat Wehbé, avant que le journaliste ne s’établisse à Paris, et Samar Zein, qui vit aujourd’hui à New York. « Filmali a tourné la première publicité de Sohat, devenue culte, celle du garçon blond et joufflu, en couche-culotte, qui essaie d’attraper une bouteille d’eau minérale. Sa mère était allemande, il devrait avoir aujourd’hui bien plus de quarante ans ! J’ignore ce qu’il est devenu. Nous avons aussi produit des documentaires, dont un relatif également à la source de Sohat à Hammana, avec l’actrice Elsie Ferneiné qui versait de l’eau dans une jarre. »



Marie Badine en compagnie du journaliste Adel Malek et de Ramez Rizk, qui fut PDG de Télé-Orient. Photo DR

Des dessins animés aux telenovelas

Filmali a surtout été la pionnière du doublage dans le monde arabe, avec d’abord, en 1976, le doublage de dessins animés. Marie Badine et Nicolas Abou Samah se trouvaient à Cannes, à l’exposition Mipcom, spécialisée dans les séries télévisées, quand ils ont découvert les dessins animés japonais. C’était bien avant la vogue des mangas dans le monde entier.

« Nous marchions entre les stands. En voyant les dessins animés, Nicolas s’est dit qu’au Liban et dans le monde arabe, nous les sous-titrons, alors qu’ils sont suivis par des enfants de trois et de quatre ans qui ne savent ni lire ni écrire. » Le couple achète les droits de Sinbad, une série japonaise inspirée des contes des milles et une nuits et Maya l’abeille. D’autres dessins animés suivront et seront tous diffusés sur Télé-Liban, doublés en arabe.

Quand l’Europe suivra la tendance japonaise en animant ses bandes dessinées belges et françaises, Filmali achètera les Schtroumpfs qu’elle adaptera pour le monde arabe.

« Arabiser des dessins animés constituait un grand défi. Il fallait trouver les acteurs, car doubler exige beaucoup de professionnalisme. Ce sont les plus grands acteurs libanais comme Wafa’ Tarabay, Jihad el-Atrach, Samir Chamas, Samira Baroudi et bien d’autres qui ont doublé nos premiers dessins animés. Nous étions au début de la guerre du Liban, il n’y avait plus de production télévisée et les artistes avaient besoin de travailler. Nous avions utilisé l’arabe littéraire parce qu’il était impensable à l’époque que des pays arabes achètent des productions tournées en dialecte libanais », explique-t-elle.

Durant les années quatre-vingt, Marie Badine et Nicolas Abou Samah quittent le Liban pour Londres, où ils passeront 15 ans. De retour à Beyrouth, ils ont été les premiers à se lancer dans le doublage des telenovelas mexicaines qui ont fait le succès du petit écran pendant de longues années.

« Quand nous produisions des séries doublées, j’effectuais le casting des voix. Je savais quelle voix sied à tel ou tel personnage. Peut-être que je suis tombée amoureuse de la voix parce que j’aime la musique et que je ne n’ai pas d’oreille musicale et ne sais pas chanter. La voix est une empreinte unique à chaque personne, comme la caméra, elle ne peut pas mentir. »

Marie Badine mène à présent une vie tranquille, entourée des personnes qu’elle aime. Elle s’intéresse aux langues, la langue arabe étant sa préférée, et aux philosophies asiatiques.

« Aujourd’hui je suis à la retraite. Je passe mon temps à lire et à faire des traductions. » C’est ainsi que Marie Badine Abou Samah démarre la rencontre, confortablement installée dans son salon, chez elle à Broumana. Ancienne présentatrice à Télé-Liban et pionnière dans le monde arabe, avec son mari Nicolas Abou Samah, du doublage des dessins animés et des séries...

commentaires (1)

Encore un excellent article. Bonne journée

F. Oscar

09 h 09, le 17 mai 2020

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Commentaires (1)

  • Encore un excellent article. Bonne journée

    F. Oscar

    09 h 09, le 17 mai 2020

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