Après le règlement de ce qu’on a appelé « la crise grecque-orthodoxe », suite aux efforts déployés par le directeur de la Sûreté générale – qui a convaincu le métropolite de Beyrouth Mgr Élias Audi de remettre le dossier entre les mains du chef de l’État –, le gouvernement présidé par Hassane Diab tente de reprendre l’initiative. Selon des sources ministérielles qui ont suivi ce dossier précis, c’est au départ une maladresse du président du Conseil qui est à l’origine de la crise. Hassane Diab est, selon ces mêmes sources, un académicien et un technocrate et il peut faire preuve d’un manque de connaissance des rouages politiques en vigueur au Liban depuis des années. C’est d’ailleurs en raison de cette particularité qu’il a été désigné pour former le gouvernement, en réponse aux revendications du mouvement de protestation populaire déclenché le 17 octobre 2019. Mais cette particularité peut aussi lui jouer de mauvais tours et, tout en étant son point de force, elle peut aussi devenir un élément de faiblesse face aux partis politiques qui depuis le début ne voient pas d’un bon œil la réussite de ce gouvernement, car elle consacrerait leur échec après des années au pouvoir.
La « crise grecque-orthodoxe » a donc été rapidement circonscrite et le chef de l’État a pris en charge son règlement en réitérant au métropolite de Beyrouth son refus de voir une communauté libanaise se sentir lésée, ignorée ou marginalisée. Michel Aoun a aussi affirmé qu’il n’y a chez le gouvernement actuel et au sein de l’ensemble de l’exécutif aucune volonté de vengeance ou de règlements de comptes personnels ou politiques, quelle que soit l’ampleur des attaques dont il peut faire l’objet.
L’objectif du gouvernement est donc de gérer au mieux une situation particulièrement difficile. Dans ce but, il travaille dans plusieurs directions. D’abord, les négociations avec le FMI qui s’annoncent positives, même si le gouvernement reste prudent dans son approche. En effet, l’expérience de l’aide du FMI à des pays en difficulté s’est accompagnée d’importantes crises sociales et le Liban, déjà en difficulté, ne pourrait pas supporter des conditions très dures. Mais en même temps, le gouvernement actuel n’a pas vraiment le choix et toutes les parties ont été contraintes d’accepter le recours au FMI, même si certaines l’ont fait à contrecœur.
Toutefois, le gouvernement creuse aussi d’autres pistes. Selon les conseils de plusieurs parties internationales, il cherche à régler le problème de l’électricité, qui non seulement fait perdre au Trésor deux milliards de dollars annuellement, mais épuise aussi les citoyens en les contraignant à recourir aux générateurs de quartier pour compenser le manque de courant électrique. Plusieurs propositions intéressantes sont actuellement à l’étude. D’abord, la Chine a fait une offre exceptionnelle, acceptant de financer la construction de nouvelles centrales, même si des compagnies non chinoises sont appelées à réaliser le travail. De même, des négociations sont actuellement menées avec deux compagnies internationales Siemens (Allemagne) et General Electric (États-Unis). En principe, le Conseil des ministres de demain au Sérail devrait examiner le dossier de l’électricité. De plus, toujours dans ce dossier, le Liban qui achetait de l’électricité à la Syrie a dû suspendre les contrats en raison des sanctions américaines imposées à ce pays. Mais des négociations sont actuellement menées avec les États-Unis pour voir s’ils peuvent faire une exception pour le Liban, comme ils l’ont fait pour l’Irak en permettant à ce pays d’acheter de l’électricité à l’Iran.
Concernant toujours le ministère de l’Énergie, les sources ministérielles précitées affirment qu’il est faux de dire que les forages préliminaires de Total n’ont pas montré l’existence de gaz dans les eaux du bloc 4. Au contraire, au moment du forage, les émanations de gaz sont montées dans l’air au point que les personnes travaillant à bord du bateau ont reçu l’ordre de s’abstenir de fumer et de faire preuve de la plus grande prudence car ces émanations rendaient l’air inflammable. Certes, ce premier forage n’a pas montré l’existence de gisements gaziers en quantité industrielle en ce lieu précis, mais il est clair qu’il y a des gisements alentour. D’ailleurs, selon les experts, il est très rare que les gisements apparaissent dès le premier forage. L’affaire est donc en cours et il n’y a aucune raison de jouer à l’oiseau de mauvais augure et d’annoncer aux Libanais qu’il n’y a pas dans leurs eaux territoriales le moindre gisement gazier ou pétrolier, alors que rien ne permet d’affirmer cela.
Toujours dans le cadre de son projet pour tenter de trouver des solutions à la crise économique actuelle, le gouvernement étudie de nouvelles options, dans son grand plan de lutte contre la corruption. Le système douanier et la fraude qui s’y est installée depuis des années sont actuellement à l’étude et de nouvelles idées sont en train d’être discutées. Cela sans parler des mesures financières et bancaires que prépare actuellement le ministère des Finances.
Selon les sources ministérielles précitées, ces mesures montrent que le gouvernement est sérieux dans son travail et dans sa volonté de mettre le pays sur les rails d’une sortie de crise, tout en sachant que cela va prendre du temps. Face à cet énorme défi, que les forces politiques elles-mêmes qui critiquent actuellement le gouvernement ont refusé de relever, il fait de son mieux et les ministres sont convaincus que l’horizon n’est pas totalement bouché. Mais pour renforcer ses chances de réussite, il vaudrait mieux cesser de donner la priorité aux chicaneries politiques et de faire de chaque maladresse involontaire du gouvernement une crise existentielle...
DES PIPEAUX A LA PELLE. COMME TOUJOURS.
19 h 31, le 13 mai 2020