Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - Golfe

Derrière certaines séries du ramadan, un message : engager le dialogue avec Israël

« Makhraj 7 » et « Oum Haroun » sur MBC brisent deux tabous : parler avec les Israéliens, et la présence historique des juifs dans la région.

L’actrice bahreïnie Souad Ali (à gauche) et l’actrice koweïtienne Hayat al-Fahed (à droite) durant le tournage de la série « Oum Haroun » à Dubaï, diffusée sur le réseau saoudien MBC. Al-Fahad Establishment for Art Production & Distribution/Handout via Reuters.

Du jamais vu sur les chaînes de télévision arabes. Dans Makhraj 7 (« Sortie 7 »), une série diffusée durant le mois de ramadan sur le réseau satellitaire saoudien MBC, deux acteurs, Rashid al-Shamrani et Nasser al-Qassabi, assis nonchalamment dans un salon, discutent d’une normalisation avec Israël. Le premier annonce vouloir faire des affaires avec les Israéliens. Il justifie sa décision par le fait que « l’Arabie saoudite n’a rien gagné par son soutien aux Palestiniens ». M. Shamrani enfonce le clou davantage et déclare : « Le véritable ennemi est celui qui désavoue vos sacrifices et vous injurie nuit et jour, plus que les Israéliens », critiquant ainsi, selon lui, l’ingratitude des Palestiniens et énumérant tout ce que les Arabes leur ont fait en lançant des guerres, un embargo du pétrole, et le paiement des salaires de leurs fonctionnaires... Surpris, M. Qassabi lui rétorque : « Cela fait des années que de père en fils nous disons que les Israéliens sont nos ennemis. Et tu veux faire des affaires avec eux, maintenant? » Il répond par la suite aux critiques de son interlocuteur, affirmant que les Palestiniens sont après tout des êtres humains avec leurs qualités et leurs défauts. « Certains coopèrent avec Israël, alors que d’autres en sont les victimes. » Toutefois, il reste nuancé et veut « prendre position par rapport à ce qui est juste, conformément à nos principes et à notre conscience ».

La scène a été vivement critiquée sur les réseaux sociaux. Certains y voient clairement l’empreinte des autorités saoudiennes qui cherchent à faire passer la pilule à leur population, en voulant leur faire oublier la cause palestinienne. D’autres attaquent les acteurs qui ont accepté de jouer ce rôle.

C’est le cas également pour l’actrice koweïtienne Hayat al-Fahed, qui joue dans la série Oum Haroun (« Mère de Haroun »). Dans une scène, l’actrice revient sur la présence des juifs au Koweït, sur fond de musique dramatique. Avec un sous-titrage en arabe, elle s’exprime en hébreu pour rappeler la présence très ancienne des juifs dans la péninsule arabique : « Avant que nos pas disparaissent et que nos vie tombent dans la mémoire, nous serons perdus dans le temps. »

L’actrice koweïtienne est, elle aussi, vilipendée sur Twitter par un grand nombre d’internautes, qui l’accusent notamment de vouloir « la normalisation des relations avec l’ennemi sioniste », alors que d’autres estiment qu’elle ne représente ni les autorités ni le peuple koweïtiens. « Il a été interdit de filmer cette série au Koweït, qui a finalement été tournée aux Émirats », affirme Chelsea, une internaute. Alors qu’un autre de nationalité qatarie affirme que le but de ces séries est « de détourner l’opinion des gens de la cause principale des Arabes (la cause palestinienne) et de leur faire un lavage de cerveau ».


Briser les tabous
Au-delà de la polémique suscitée par ces prises de position, le moins qu’on puisse dire à propos de ces séries est qu’elles sont pionnières. Ces scènes ont brisé deux tabous dans la région. D’abord celui de parler avec les Israéliens, ensuite celui de la présence historique des juifs dans le monde arabe. En effet, le conflit a généralement deux effets majeurs : celui de refuser tout dialogue avec l’autre, et plus important encore, celui de nier son existence même. On déshumanise ainsi complètement l’ennemi. Avec Makhraj 7 et Oum Haroun, MBC vient d’accomplir un pas de géant en reconnaissant la présence des juifs dans le Golfe d’une part, et en envisageant une normalisation avec les Israéliens d’autre part.

« Il y a bien sûr une idée derrière ces séries », explique à L’Orient-Le Jour le politologue et journaliste Radwan el-Sayyed, proche des cercles du pouvoir à Riyad. Selon lui, toutes générations confondues, beaucoup de Saoudiens aujourd’hui estiment que les solutions militaires ou diplomatiques au conflit israélo-palestinien ont échoué. « Ni la guerre ni les instances internationales n’ont pu régler ce conflit. Pourquoi ne pas trouver une 3e voie out of the box? » affirme-t-il. « Certains Saoudiens estiment qu’une solution efficace pourrait bien être un dialogue direct avec les Israéliens », ajoute Radwan el-Sayyed.

Riyad, en tant que leader du monde arabo-musulman, poursuit sa défense de la cause palestinienne, malgré la volonté de rapprochement avec l’État hébreu. « Les Saoudiens n’ont pas laissé tomber les Palestiniens. Ils paient toujours les salaires des fonctionnaires de l’Autorité autonome, ils contribuent largement au budget de l’Unrwa et de l’Unicef pour aider la population palestinienne », rappelle le politologue.

Les Saoudiens restent officiellement attachés à l’initiative arabe de paix adoptée en 2002 lors du sommet de Beyrouth, sous l’impulsion du roi Abdallah. Le texte propose à Israël de normaliser ses relations avec l’ensemble des pays arabes en mettant fin à l’occupation des territoires occupés en juin 1967. Or les discussions entre Palestiniens et Israéliens sont au point mort depuis.

« Depuis l’assassinat de Yitzhak Rabin, les Israéliens refusent la paix. Et une éventuelle annexion d’une partie de la Cisjordanie prochainement, conformément au plan de paix de Donald Trump, risque de mettre le feu aux poudres. Il faut donc trouver rapidement une solution pour éviter une explosion », ajoute M. Sayyed. Depuis quelques années, les relations entre Israël et les pays du Golfe mijotent à feu doux, alors que la tension avec leur ennemi commun, l’Iran, est en hausse continue. L’étroite coopération entre Israël et l’Arabie saoudite dans les domaines du renseignement et des technologies militaires est un secret de polichinelle. Malgré le fait que la question palestinienne n’est plus aujourd’hui la priorité, ni même au centre des préoccupations des monarchies du Golfe, les opinions publiques arabes demeurent anti-israéliennes. En plein mois de ramadan, ces séries sur le petit écran pourraient bien ouvrir une brèche importante.

Du jamais vu sur les chaînes de télévision arabes. Dans Makhraj 7 (« Sortie 7 »), une série diffusée durant le mois de ramadan sur le réseau satellitaire saoudien MBC, deux acteurs, Rashid al-Shamrani et Nasser al-Qassabi, assis nonchalamment dans un salon, discutent d’une normalisation avec Israël. Le premier annonce vouloir faire des affaires avec les Israéliens. Il...

commentaires (3)

REAL POLITIK NE FERA JAMAIS PARTI DE LA CULTURE ARABE, PT'T CELLE PERSANE NOUS REUSSIRAIT MIEUX ?

Gaby SIOUFI

15 h 51, le 04 mai 2020

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • REAL POLITIK NE FERA JAMAIS PARTI DE LA CULTURE ARABE, PT'T CELLE PERSANE NOUS REUSSIRAIT MIEUX ?

    Gaby SIOUFI

    15 h 51, le 04 mai 2020

  • Pourquoi ne pas regarder le problème en face au lieu de s’emballer et de vociférer juste pour le plaisir. Ce problème dure depuis des décennies et aucune des solutions ne trouve garce aux yeux des deux protagonistes. Des intervenants étrangers au problème et à La région se sont créer pour soit disant défendre la cause palestinienne alors qu’ils s’en foutent comme de l’an quarante et jouent à attiser le feu et faire monter la tension dans leurs propres intérêts. Entre temps Israël continue de s’étendre par la force. Alors ne serait il pas plus judicieux de se mettre autour d’une table et de poser ses conditions et signer un pact de paix où les droits de chacun des deux pays est respecté et enfin vivre en reconnaissant les droits des uns comme des autres? On a fait le tour avec des guerres qui ont abouti à un fiasco total, alors pourquoi ne pas essayer la voie de la paix. Les va-en guerre n’ont rien apporté à ce peuple ni à leur cause. Il est temps de les mettre à l’écart et de procéder à un plan de paix pour la stabilité de La région et le retour de leurs immigrés dans leur pays où la dignité du peuple retrouvée pourront entamer une reconstruction d’un pays indépendant au lieu de rester apatrides et montrés du doigt. Ce peuple cultivé et intelligent mérite d’avoir une chance de revivre en paix loin des fauves qui font tout pour l’empêcher de s’exprimer car ce ne sera pas dans leur intérêt.

    Sissi zayyat

    12 h 34, le 04 mai 2020

  • cet article est aussi niaiseux que ces séries de la normalisation, car il mélange les deux problèmes que les arabes ont avec Israël. Personne ne conteste que les juifs ont toujours existaient en orient? Cela ne donne pas le droit aux sionistes ( juifs d'occident en majorité ) de venir occuper nos terres en Palestine. C'est la la première escroquerie des ceux qui cherchent à normaliser , non pas avec les juifs, mais avec les sionistes. Quand aux discussions comme troisième voie c'est encore une escroquerie. Les Palestiniens ont discuté pendant 25 ans et ils ont tout perdu. Les arabes ont beaucoup de défaut , certes. Mais ils ont une qualité : la mémoire... que ceux qui cherchent à normaliser s'en souviennent.

    HIJAZI ABDULRAHIM

    11 h 11, le 04 mai 2020

Retour en haut