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Culture

Huit films confinés à voir pour relativiser

Des huis clos physiques, mais surtout psychologiques, merveilleusement racontés par Kubrick, Forman, Salhab ou Miller. Et dont les acteurs ont été confinés sur une île déserte ou dans un asile ; à la maison ou dans un interrogatoire ; dans une guerre ou dans un hôtel ; dans une télé-réalité ou dans le temps.

Scène du film Cast Away, de Robert Zemeckis.

Dans un hôtel
The Shining
, de Stanley Kubrick



« A couple of weeks of isolation with family. What can go wrong ? » (Quelques semaines en isolement en famille, qu’est-ce qui peut mal tourner?). Cette réplique de The Shining, de Stanley Kubrick (1980), il est désormais impossible d’y penser sans un sourire en coin, dans notre condition de confinés. Jack Torrance, un écrivain en mal d’inspiration, sa femme et son fils décident de se confiner tout un hiver dans un hôtel désert de la montagne. Le jeune garçon, doué de pouvoirs médiumniques, y devine la présence de fantômes qui entreront en contact avec son père et le feront sombrer dans la démence meurtrière. En s’emparant d’un banal roman d’horreur, Kubrick choisit donc de disséquer avec brio le vase clos d’un couple, d’une impuissance créatrice et d’une folie. Mais à travers l’emploi d’une caméra fixée sur harnais et une esthétique faite de répétitions jusqu’à l’obsession, le réalisateur réussit surtout à emprisonner le spectateur, même quarante ans plus tard, dans son labyrinthe glaçant.


Sur une île
Cast Away, de Robert Zemeckis



Dans Cast Away (2000) de Robert Zemeckis, Chuck Noland (Tom Hanks), unique survivant d’un crash d’avion, échoue sur une île déserte où il essaie de survivre par tous les moyens du bord. Cette performance oscarisée de l’acteur américain – qui a perdu 25 kilos et s’est laissé pousser les cheveux et la barbe – n’aurait pas eu le même impact sans son ami et confident Wilson, sans conteste le ballon de volley le plus célèbre du septième art, et deuxième star du film. À travers un objet commun, des dialogues réduits, et une absence de tout contrechamp sur le reste du monde « civilisé », le cinéaste a réussi à transmettre toute la détresse et la solitude de ce naufragé Seul au monde (titre du film en français). Et si on se fabriquait tous un ami imaginaire comme Wilson ?



Dans la guerre
The Deer Hunter, de Michael Cimino



The Deer Hunter
de Michael Cimino (1978) est interprété principalement par Robert de Niro et Christopher Walken. Un film non de guerre, mais sur la guerre et sur les dégâts physiques et moraux qu’elle engendre. Le confinement ne se situe pas à un seul niveau. D’abord l’espace géographique : les personnages sont jetés dans des cages immergées dans un fleuve infesté de rats et de cadavres, ou dans une hutte, contraints à pratiquer la roulette russe (métaphore parfaite de ce que l’Amérique faisait endurer à sa jeunesse en les envoyant au Vietnam), ou encore dans l’œil de la caméra de Cimino qui réussit à filmer tous ses acteurs comme unis et soudés dans une même énergie. Le confinement est surtout psychologique quand la guerre prend fin. Incarcérés dans leur handicap ou leur traumatisme, tous ces guerriers ne sont plus les mêmes. Image aux antipodes du bonheur en huis clos du début du film.


Dans un interrogatoire
Garde à vue, de Claude Miller



Un soir de réveillon pluvieux, un notaire de province, en smoking, est retenu dans un commissariat. Suspecté du meurtre et viol de deux petites filles, il est interrogé par le commissaire. On peut ainsi résumer les 90 minutes de l’intrigue du Garde à vue de Claude Miller (1981). Ce huis clos psychologique captivant doit beaucoup à la confrontation d’une paire d’acteurs magnifiques : Michel Serrault et Lino Ventura. Le premier campe le notable, tour à tour, trouble, arrogant et poignant, tandis que le second est parfait dans son registre habituel d’enquêteur obstiné et cependant sensible. Au fil de l’interrogatoire, qui s’éternise, la tension monte entre les deux hommes. Leur entretien se transforme en confrontation. Enfermé entre les quatre murs de ce bureau de police à la lumière froide et vacillante, le notaire commence à perdre pied…


Dans un asile
One flew over the cuckoo’s nest, de Milos Forman



Dans le titre du film, rien ne suggère, au départ, le confinement. Il s’agit de vol d’oiseaux, d’évasion, mais le mot « cuckoos » indique en anglais les fous de manière dépréciative. Et pour cause, dans cet enferment au cœur de la folie réside la liberté suggérée – ce film dénonçant la maltraitance dans les asiles et de revendiquant la liberté de chacun à choisir son propre chemin. Dans Vol au-dessus d’un nid de coucou réalisé par Milos Forman en 1975, Jack Nicholson est l’outsider qui refuse d’obéir. Il brisera les liens tout en cassant l’isolation des gestes répétitifs comme la prise quotidienne des médicaments à une heure précise, la léthargie, ainsi que la blancheur inanimée et monotone des lieux. Certains patients jusqu’à présent automates se ranimeront et casseront les chaînes de leur « confinement ».



Dans une maison
La montagne, de Ghassan Salhab



Peu importe de comprendre dans ce film pourquoi cet homme serpente une route pour aller s’isoler dans une maison à la montagne. On ne saisit pas les motifs de son isolation et on ne veut pas le faire mais le cinéaste libanais nous invite à le ressentir. Le confinement chez Ghassan Salhab n’est pas un état statique mais progressif. Ainsi malgré les fenêtres closes, la rareté des mouvements – on voit souvent l’homme dans une embrasure de la porte – et le silence des mots du personnage interprété par Fady Abi Samra, l’inaction avance. Cette montagne est choisie pour prendre de la hauteur, pour avoir une vue plus large des choses. Le confinement sert ainsi à prendre du recul sur une situation pour mieux clarifier son esprit. N’est-ce pas similaire à notre état actuel ?


Dans une télé-réalité
Truman Show, de Peter Weir



Depuis sa naissance, Truman Burbank, un Jim Carrey au summum de son art, est filmé pour la télévision à son insu. Dans cette ville-studio où il évolue, 5 000 caméras invisibles traquent ses émotions et son intimité. Jusqu’au jour où il s’aperçoit du subterfuge. Truman Show, de Peter Weir (1998), est avant-gardiste et intemporel. Avant-gardiste parce qu’il parle des dangers des télé-réalités bien avant tout le monde. Et intemporel parce que la sensation d’enfermement du héros dans sa vie étriquée, son besoin de partir, sont des sentiments universels. Chacun peut le ressentir dans sa vie. C’est le décor carton-pâte de la ville et ce ciel toujours azur ainsi que les gestes automatiques des personnages qui accentuent cette sensation d’emprisonnement dans les images desservies par le Big Brother cathodique.



Dans le temps
Groundhog Day, de Harold Ramis



Tous les jours, Phil (Bill Murray) se réveille... exactement comme si c’était la veille. Quand tous les jours se ressemblent, le cinéaste Harold Ramis refait les mêmes scènes dans le désormais culte Groundhog Day (1993) pour accentuer le vertige du confinement dans le temps. Même réveil sur la musique de I Got You Babe de Sonny and Cher à la radio, même caquetage horripilant du DJ local, mêmes news. Phil est coincé dans le 2 février. La journée se répète : même décor, même contexte. Comme celles que nous vivons en ce moment. Au secours, sortez-nous de là !




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commentaires (1)

La sélection retenue rend un peu claustro.. Mais va falloir qu'on s'y fasse. Sinon les films sont hyper bons et les commentaires itou!

Marionet

10 h 24, le 25 avril 2020

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Commentaires (1)

  • La sélection retenue rend un peu claustro.. Mais va falloir qu'on s'y fasse. Sinon les films sont hyper bons et les commentaires itou!

    Marionet

    10 h 24, le 25 avril 2020

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