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Société - Crime

À Baakline, la vallée n’a pas encore livré les secrets de la tragique tuerie

Le sort de M. H., le meurtrier présumé, est encore inconnu. Mardi, il a égorgé sa propre femme et abattu au fusil de chasse huit personnes, dont l’un de ses frères.

La belle vallée du fleuve de Baakline avec ses dégradés de vert où les deux hommes ont disparu.

Baakline est encore sous le coup de la folie meurtrière qui s’est emparée de l’un de ses habitants, M. H., 42 ans, le poussant à égorger sa propre épouse et à abattre au fusil de chasse huit autres personnes. Une tuerie d’une violence extrême perpétrée dans le cadre paisible de la vallée du fleuve de Baakline, avec ses douces collines, ses dégradés de vert entre pins, chênes et oliviers, et ses maisons clairsemées.

Rares sont les habitants qui acceptent de se livrer aux journalistes dans ce village du Chouf. Mais il ressort des confidences que M. H. a tué en moins de deux heures, mardi après-midi, neuf personnes, sa femme Manal, 32 ans, qu’il a égorgée, son frère Karim, 21 ans, quatre ouvriers syriens, deux enfants syriens et un ouvrier agricole originaire de Ersal, tous abattus au fusil de chasse. Le sort du meurtrier présumé et de son frère Fady, 32 ans, est encore inconnu.

À Baakline, comme dans les villages voisins, on préfère rester discret quand il s’agit de parler devant les étrangers d’un homme qui a agi comme on le dit ici « lors d’un moment d’égarement » ou « sur un coup de folie ». Certaines personnes croisées dans ces villages blâment aussi bien le confinement imposé par le coronavirus que la crise économique.

M. H. était gardien dans une petite université privée de Aley, où sa femme Manal enseignait les mathématiques et préparait aussi un master. À l’instar de nombreux Libanais, il vivait une situation économique désastreuse. Depuis le soulèvement du 17 octobre, il encaissait 200 000 livres par mois. Il devait subvenir au besoin de sa famille, dont ses filles âgées de 10 et de 8 ans. Il arrivait à peiner à acheter de la nourriture.

Chasseur de sangliers

M. H. était aussi un chasseur, surtout de sangliers et de hérissons, d’où sa connaissance aiguë de la vallée de Baakline, ses grottes, ses crevasses, ses rochers, ses ravins et ses précipices. Et c’est là qu’il a disparu avec son frère.

Selon les habitants du village, le meurtrier présumé, en bon chasseur, est en pleine forme physique, capable de faire des kilomètres en montagne sans se fatiguer. Il vient aussi d’une famille proche du Parti socialiste progressiste dont certains membres sont connus dans le Chouf pour leur engagement dans les combats des années quatre-vingt.

À Bakaata où vivent les oncles maternels de Manal et la famille de l’un des ouvriers syriens, la population était en état de choc hier et peu encline à parler. Devant une maison cossue de Bakaata, où les enfants du couple ont été amenés mardi soir, Wajih, l’oncle maternel de Manal, a du mal à contenir ses larmes. « Le corps de Manal est à la morgue de l’hôpital, nous ne l’avons pas encore vue, nous ne savons pas ce qu’il s’est passé. C’est une femme exceptionnelle », dit-il en s’excusant de ne pouvoir donner plus d’informations.

Un peu plus loin entre Baakline et Samkanieh, une femme a les larmes aux yeux : « La femme tuée était en voie de devenir cheikha, elle avait décidé d’apprendre la religion (en se couvrant le visage et la bouche). Elle vient de la crème des familles. » « Pensez à la mère de l’assassin, elle vient de perdre sa belle-fille et aussi ses trois fils, deux tués par leur frère », renchérit en chuchotant un homme d’une quarantaine d’années.

Dans une savonnerie de Baakline, Sélim Ghannam, un cheikh druze, revolver à la ceinture, affirme : « De nombreux éléments manquent encore à l’enquête, mais le gars est devenu fou et a tué toutes les personnes qui se trouvaient sur son chemin. »

Série de fusillades

Zaher Abou Dargham, la trentaine, n’en revient pas. C’est sur son terrain et celui de son oncle Nabil que cinq personnes ont été tuées. « L’une des fusillades a eu pour théâtre la maison en construction de mon oncle Nabil. C’est là que le meurtrier a tué deux ouvriers syriens et les deux enfants de l’un d’eux », raconte Zaher montrant les lieux. Au fond de la vallée se trouve cette maison en construction. Ici, le sang n’a pas encore séché. Une cafetière et des tasses où l’on voit encore le marc de café de la veille sont posées au sol, à côté d’une flaque de sang. Un ouvrier syrien tué se reposait ici en prenant son café. Un peu plus loin, deux paires d’espadrilles appartenant à des enfants. Il s’agit des chaussures de Mohammad, 11 ans, et de Hassan, 7 ans, les enfants du deuxième ouvrier syrien, un maçon, et qui a été tué au premier étage de la maison en construction. Comme les écoles sont fermées, ce maçon originaire d’Alep avait l’habitude d’amener ses fils avec lui pour qu’ils jouent dans la vallée, où se trouvent notamment une ferme et la maison de la famille du tueur présumé.

Deux cents mètres plus loin, une autre flaque de sang, celle de Karim H., tué à bout portant par son propre frère. Il était à moto. Sa voiture bleu marine est garée non loin de là. Pour gagner sa vie, Karim réparait des motocyclettes. Et il semble que toute la famille vivait depuis le confinement grâce au peu de revenu assuré par ce dernier.

L’assassin a continué sa route pour s’arrêter à côté d’un champ d’oliviers où il a tué deux ouvriers agricoles, un ressortissant syrien et un homme originaire de Ersal. « Bilal Audé vivait depuis 25 ans dans notre village. Il était l’un des nôtres, tout comme l’ouvrier syrien qui était avec lui. M. H. les connaissait sans aucun doute », note Zaher Abou Dargham.

Sur l’asphalte, juste à l’orée du champ d’olivier, le sang est encore visible, ainsi que la douille d’une balle utilisée lors du crime. Sous un olivier on distingue deux vestes. Les ouvriers ont dû les ôter avant le meurtre à cause de la chaleur.

« La quatrième fusillade a eu lieu dans les collines, accessibles à pied. La cible était un ouvrier syrien, présent au village depuis une vingtaine d’années. Reste à savoir quand il a égorgé sa femme, avant de tuer tout ce monde ou après ? Il a dû l’égorger dans les champs sous la maison juste avant qu’il ne prenne la fuite et disparaisse avec son frère cadet Fady », souligne Zaher Abou Dargham. On ignore si Fady est complice du crime ou a été pris en otage par son frère.

Selon des habitants, Fady, qui est coiffeur, est un homme doux qui serait incapable de commettre un tel crime.

Sur le parvis du centre hospitalier de Baakline, Diab Audé est venu de Ersal. Il attend que le corps de son père lui soit remis. Il est accueilli par une délégation du village dirigée par le président du conseil municipal, Abdallah Ghosseiné. « Ce crime n’a pas pour cibles les ressortissants syriens ou les habitants de Ersal. Ils sont tous nos frères et nous ferons le nécessaire pour qu’ils continuent à se sentir chez eux », assure M. Ghosseiné.

Baakline est encore sous le coup de la folie meurtrière qui s’est emparée de l’un de ses habitants, M. H., 42 ans, le poussant à égorger sa propre épouse et à abattre au fusil de chasse huit autres personnes. Une tuerie d’une violence extrême perpétrée dans le cadre paisible de la vallée du fleuve de Baakline, avec ses douces collines, ses dégradés de vert entre pins, chênes et...

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IL CIRCULE DES RUMEURS DIVERSES.

MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

08 h 45, le 23 avril 2020

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Commentaires (1)

  • IL CIRCULE DES RUMEURS DIVERSES.

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    08 h 45, le 23 avril 2020

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