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Économie - FMI

L’économie mondiale devrait connaître en 2020 « sa pire récession depuis la Grande Dépression »

Gita Gopinath, l’économiste en chef du Fonds monétaire international, lors d’une réunion en 2019 entre le FMI et la Banque mondiale. Photo d’archives AFP

Environ 9 000 milliards de dollars de perte cumulée pour l’économie mondiale en 2020 et 2021 à cause de la pandémie. « C’est davantage que les économies du Japon et de l’Allemagne combinées », a assené hier Gita Gopinath, l’économiste en chef du Fonds monétaire international. Pour l’heure, le FMI table sur une contraction du PIB mondial de 3 % cette année, a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse virtuelle détaillant les dernières perspectives économiques mondiales. Mais cette crise qui « ne ressemble à aucune autre » pourrait aussi entraîner une récession bien plus sévère si les mesures de confinement ne sont pas levées d’ici à la fin juin et si l’activité économique ne reprenait pas au second semestre, a-t-elle prévenu. « Il est très probable que cette année, l’économie mondiale connaîtra sa pire récession depuis la Grande Dépression », a-t-elle également avancé. Ce sera peut-être moins pire que dans les années 30 quand le PIB mondial a chuté de 10 % mais bien plus sévère qu’en 2009 (-0,1 %) suivant la crise financière, a-t-elle néanmoins précisé.

« Cette crise représente une menace très grave pour la stabilité du système financier mondial », a estimé de son côté Tobias Adrian, conseiller financier du FMI, notant l’extrême volatilité des marchés, redoutant une « période prolongée de dislocation sur les marchés financiers (qui) pourrait déclencher une détresse parmi les institutions financières ».

Le nouveau coronavirus est parti de Chine fin décembre avant de disséminer dans le monde entier. Dans un effort pour endiguer la pandémie, les gouvernements se sont résolus à confiner leur population, fermer les commerces non essentiels, réduire drastiquement le trafic aérien, paralysant des pans entiers de l’économie. En conséquence, le commerce international s’est effondré : le Fonds prévoit ainsi une baisse de 11 % du volume d’échange de biens et services en 2020.


L’Europe, la plus affectée

Alors que dans les crises économiques habituelles, les décideurs politiques s’efforcent de dynamiser aussi vite que possible l’activité économique en stimulant la demande, cette fois, « la crise est dans une large mesure la conséquence des mesures de confinement nécessaires », relève Gita Gopinath. Pour les pays avancés, la récession devrait atteindre 6,1 %. Aux États-Unis, où il y a peu de filets de sécurité sociale et où le système de santé est défaillant, la contraction du PIB devrait être de 5,9 %. « La récession est profonde (...). Elle va laisser des traces » dans la première économie du monde, a prévenu Gita Gopinath. Dans la zone euro, le PIB va même dégringoler de 7,5 %. Dans la zone Amérique latine et Caraïbes, la récession sera à peine moins marquée (-5,2 %). Pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, le FMI table sur une baisse du PIB de 2,8 %. La Chine et l’Inde devraient être les seules à créer de la croissance (+1,2 % et +1,9 % respectivement).


Dans la région Mena

Plus précisément, en ce qui concerne l'économie de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena), elle devrait se contracter de 3,3% en 2020, à cause du Covid-19 mais aussi de la chute des prix du pétrole, selon le rapport du FMI.

La région Mena, qui comprend tous les pays arabes et l'Iran, connaîtrait ainsi sa plus faible performance économique depuis plus de quatre décennies. En 1978, elle avait connu une contraction de 4,7%, selon les données de la Banque mondiale. La crise financière mondiale de 2008-2009 n'avait pas entraîné de récession au niveau de la région, qui avait alors au contraire connu une légère croissance.

A l'exception de l'Égypte, tous les autres pays arabes, avec en tête l'Arabie saoudite, poids lourd de la région et de l'Opep, verront leur économie s'enfoncer cette année, selon le FMI. "La détérioration rapide des perspectives économiques mondiales due à la propagation de l'épidémie, et la rupture de l'accord entre pays producteurs de pétrole ont pesé lourdement sur les prix des matières premières", souligne le Fonds.

Le rapport du FMI a été élaboré avant un nouvel accord, finalement conclu dimanche, entre membres de l'Opep et autres pays pétroliers pour réduire la production de près de 10 millions de barils par jour, afin de soutenir les prix et faire face à la chute de la demande. De mi-janvier à fin mars, les prix du pétrole ont chuté de 65% et ceux du gaz naturel de 38%, selon le rapport. Le FMI prévoit un prix du baril inférieur à 45 dollars jusqu'en 2023, soit 25% de moins que son prix moyen de l'année dernière.

La pandémie de Covid-19 a elle aussi un impact économique négatif sur les pays arabes, qui ont signalé plus de 20.000 cas de contamination et plus 700 décès. Pour empêcher la propagation de la maladie, ils ont pris des mesures draconiennes, fermant des frontières, imposant des couvre-feux et isolant des régions entières. Et des années de conflits sanglants dans des pays comme la Syrie, le Yémen, l'Irak et la Libye pèsent également sur ces économies. "Ces développements devraient peser lourdement sur les exportateurs de pétrole", relève le FMI, soulignant que la baisse des prix du baril profitera aux pays importateurs de pétrole.

Première de la région, l'économie saoudienne a connu une croissance de seulement 0,3% en 2019, et devrait se contracter de 2,3% cette année, selon le FMI. L'économie des Emirats arabes unis devrait connaître une contraction de 3,5% et celle du Qatar de 4,3%. Deuxième de la région Mena, l'économie de l'Iran, pays parmi les plus touchés au monde par la pandémie, devrait se contracter de 6,0% en 2020. En 2018 et 2019, elle avait reculé de 3,6% et de 7,6%, respectivement. Au Liban, pays en défaut de paiement, l'économie devrait connaître une contraction massive de 12%, tandis que l'Irak, deuxième producteur de l'Opep, devrait être en territoire négatif avec -4,7%. Seule l'Égypte devrait rester dans le vert avec une croissance de 2%, bien inférieure aux 6% prévus avant que le coronavirus ne frappe.

L'économie de la région Mena, qui n'a connu qu'une croissance de 1% l'année dernière, devrait rebondir de 4,2% en 2021, prévoit le rapport du FMI. Le FMI a tenu à souligner que ses prévisions de croissance sont "extrêmement incertaines" car les retombées économiques de la pandémie dépendent de facteurs difficiles à prévoir.


Rebond en 2021 ?

Le rebond de l’économie mondiale pourrait toutefois intervenir dès 2021, avec une croissance attendue de 5,8 % à condition que la pandémie soit effectivement maîtrisée au second semestre de cette année. Et « malgré les circonstances désastreuses », il y a des raisons d’être optimistes, a estimé Gita Gopinath. Dans les pays les plus affectés, le nombre de nouveaux cas diminue. La communauté scientifique travaille à un « rythme sans précédent » pour trouver des traitements et des vaccins. Sur le plan économique, les gouvernements ont agi rapidement en prenant des mesures « substantielles » pour protéger les personnes et entreprises les plus fragiles. Et « la différence cruciale » avec la crise des années 30 est l’existence d’institutions multilatérales telles que le FMI et la Banque mondiale capables de fournir une aide financière immédiate pour aider les pays les plus vulnérables. Le G7 s’est d’ailleurs dit favorable à la suspension provisoire des services de la dette des pays pauvres (voir par ailleurs).

Pour les économies avancées, la reprise économique nécessitera plus de mesures de relance budgétaires. Et ce stimulus sera plus efficace si ces mesures sont « coordonnées », a souligné Gita Gopinath. Elle a en outre estimé que la question de la dette des États devra être examinée une fois la pandémie passée. « Pour l’heure, la crise nécessite l’action des gouvernements », a-t-elle insisté.


Baisse de 55 % selon l’IATA

L’Association internationale du transport aérien (IATA) a chiffré hier à 314 milliards de dollars la baisse du chiffre d’affaires des compagnies aériennes en 2020 liées à la propagation du coronavirus, soit une chute de 55 % par rapport aux revenus de 2019. Il y a trois semaines, ces pertes avaient été évaluées à 252 milliards de dollars, soit une baisse de 44 % par rapport à l’année précédente, par l’organisation qui regroupe 290 compagnies aériennes. Début avril, le nombre de vols dans le monde s’est effondré de 80 % par rapport à la même période en 2019, selon l’IATA.

Delphine TOUITOU/AFP


Environ 9 000 milliards de dollars de perte cumulée pour l’économie mondiale en 2020 et 2021 à cause de la pandémie. « C’est davantage que les économies du Japon et de l’Allemagne combinées », a assené hier Gita Gopinath, l’économiste en chef du Fonds monétaire international. Pour l’heure, le FMI table sur une contraction du PIB mondial de 3 % cette...

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