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Société - Commémoration du 13 avril

L’hymne national entonné depuis les balcons pour exorciser la guerre civile

Les familles des disparus et prisonniers en Syrie exhortent l’État à ne pas oublier leur cause.

Des drapeaux libanais accrochés aux balcons, à Beyrouth, lors de la commémoration du 13 avril. Photo Nabil Ismaïl

La nouvelle guerre menée contre le Covid-19 n’a pas fait oublier aux Libanais la guerre civile de 1975 qu’ils ont tenu à commémorer hier, à une petite échelle toutefois pour cause de confinement. L’association apolitique et aconfessionnelle Offre-Joie, qui marque chaque année cet anniversaire par des événements publics ponctuels, est restée fidèle au rendez-vous et au devoir de mémoire. Ces derniers jours, l’association avait incité, à travers une vidéo, les citoyens à chanter l’hymne national à 19h depuis leur balcon pour commémorer cette journée « qui est derrière nous aujourd’hui et pour unir nos voix pour un Liban meilleur ». Une invitation qui a été suivie par certains des Libanais confinés chez eux depuis plusieurs semaines.

L’appel avait été lancé par le fondateur d’Offre-Joie, l’actuel bâtonnier de Beyrouth Melhem Khalaf, accompagné d’artistes, acteurs et personnalités sportives notamment qui ont dénoncé à l’unisson les germes de la division, en souhaitant l’édification d’un État juste et équitable où l’humain serait placé au centre des préoccupations.

« Nous n’avons pas oublié. Le 13 avril (1975), ils ont essayé de semer la division parmi nous, mais nous en sommes guéris », lance dans cette vidéo le prodige du basket-ball libanais Fadi el-Khatib. « À chaque fois que nous affrontons des circonstances difficiles au Liban, nous avons la certitude que la priorité reste l’être humain », enchaîne la cinéaste Nadine Labaki. Georges Khabbaz, dramaturge et écrivain, souligne pour sa part la prise de conscience universelle qu’a suscitée le Covid-19, le monde entier ayant reconnu « sans trop de difficultés l’échec du pouvoir de l’argent ».

Dans une autre vidéo tout aussi poignante, les familles des disparus de la guerre et des détenus dans les prisons en Syrie ont marqué à leur façon cette commémoration, saisissant l’occasion pour exhorter l’État à sortir de sa léthargie et à faire appliquer la loi sur les disparus. Si le Parlement a voté la loi 105 sur les victimes de disparition forcée en novembre 2018, le décret d’application n’a toujours pas été publié, au grand désarroi des familles qui font entendre leurs voix depuis plus de trente ans. 17 000 personnes sont toujours portées disparues au Liban.

Les familles des disparus ont rappelé, dans une vidéo produite avec les moyens du bord, leur souffrance depuis des années, accrue par la non-reconnaissance de leur cause. « Aujourd’hui, le coronavirus nous empêche d’organiser l’événement traditionnel de la commémoration. Mais les proches des disparus endurent depuis 40 ans la marginalisation et le laxisme officiel », déclare la présidente du Comité des familles des disparus et kidnappés au Liban, Wadad Halwani. « Le virus nous a emmurés des mois durant. Plus dangereux cependant est le virus de la guerre civile qui nous emprisonne depuis 45 ans », poursuit Anjad el-Mouallem. « Il est temps que nous soyons libérés de cette geôle pour que je puisse enfin revoir mon père et tous les autres disparus. À défaut, que nous soient au moins restitués leurs ossements », ajoute-t-elle.

Suit le témoignage émouvant de Souhad Karam qui évoque un calvaire interminable tout en revendiquant son droit de connaître le sort des êtres chers, dont celui de son mari disparu. « Vous nous avez dit “restez chez vous” pour votre protection et celle de ceux que vous aimez. Où sont donc ceux que nous aimons ? interroge-t-elle. L’avènement du coronavirus et les souffrances qu’il génère ne dureront pas éternellement. Notre souffrance, elle, n’a malheureusement pas cessé. » « Sachez que ni moi ni les autres parents de disparus n’accepterons de mettre en confinement notre cause. Nous ne permettrons pas au gouvernement d’enfouir dans les tiroirs la loi sur les disparus », lance pour sa part Sawsan el-Herbaoui, dont le frère a disparu à l’âge de 17 ans. Leur mère, décédée sans être fixée sur le sort de son fils, lui a fait promettre de continuer à le chercher.


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commentaires (3)

le silence tue, pour faire son deuil, il n y a pas pire de ne pas savoir qu un etre cher qu est devenu mort ou vivant. le Liban agonise on sait pourquoi on connait les causes ce n est le corona c est ceux qui ont spolié le pays depuis 30 ans et qui restent impuni jusqu a quand ? le drapeau libanais survivra.........

youssef barada

18 h 45, le 14 avril 2020

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Commentaires (3)

  • le silence tue, pour faire son deuil, il n y a pas pire de ne pas savoir qu un etre cher qu est devenu mort ou vivant. le Liban agonise on sait pourquoi on connait les causes ce n est le corona c est ceux qui ont spolié le pays depuis 30 ans et qui restent impuni jusqu a quand ? le drapeau libanais survivra.........

    youssef barada

    18 h 45, le 14 avril 2020

  • Parmis ces17000 il y a aussi le fils de mon cousin , il avait 18 ans en 1978 , ils étaient 3 jeunes enlèves a Sin El fil par les amis du Hezbollah les Syriens

    Eleni Caridopoulou

    13 h 24, le 14 avril 2020

  • Que veulent-ils? Des compensations financières du gouvernement libanais? Qu'ils aient le courage d'accepter et de porter leur deuil dans la dignité, comme nous tous.

    Mago1

    11 h 00, le 14 avril 2020

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