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Société - Religion

Ces Libanais qui célèbrent Pâques en s'adaptant aux contraintes du moment

Confinés chez eux, pour cause de coronavirus, les Libanais vivent une fête de Pâques inédite.

Des Libanais, confinés chez eux, observent de leur balcon, une procession lors du vendredi saint, le 10 avril, à Dékouané, en banlieue de Beyrouth. AFP / PATRICK BAZ

C’est après avoir sorti du grenier son douzième panier de Pâques que Mireille, mère de famille, se sent enfin satisfaite. En ce week-end pascal, sa maison, à Ain Saadé, tient du « poulailler » festif haut en couleurs. Dans le salon, la salle à manger, l'entrée, trônent des œufs de toutes les couleurs en chocolat ou en plastique, des poussins et des poules qui chantent au premier applaudissement et des lapins ornementaux tout sourire.

En fait-elle trop en ces temps de confinement pour cause de coronavirus ? Non, répond Mireille, 58 ans, sans une once d'hésitation, en contemplant son arbre de Pâques, installé dans un coin du salon. « J’avais d’abord décidé que je ne décorerai pas la maison, indique-t-elle. Comme nous sommes confinés chez nous, et que personne ne nous rendra visite, je me suis dit que cela serait inutile. Puis j’ai changé d’avis. C’est pour nous que je sors toute ces décorations, comme chaque année. Qu’importe si personne ne vient, cela nous aidera à ressentir la joie de l’occasion. Nous en avons grandement besoin », affirme-t-elle.

Depuis que le gouvernement a décrété la mobilisation générale, il y a près d'un mois, pour faire face à la propagation du coronavirus, de nombreux Libanais sont confinés chez eux. Pour la première fois, ils ne peuvent sortir pour célébrer la fête de Pâques, et encore moins déjeuner en famille. Pour certains, pas question, pour autant, d'oublier les traditions. Sonia, une grand-mère qui vit à Hadath, a ressorti son vieux livre de recettes pour préparer des « maamouls », les fameuses douceurs de Pâques. Si elle ne compte pas en faire 10 kilos, comme chaque année, elle distribuera pourtant ses pâtisseries à sa sœur, sa voisine et ses deux filles. « Je les déposerai à la porte et ils pourront les récupérer sans que l’on se voie, explique-t-elle. Pâques n’est pas Pâques sans maamouls ! »


Une histoire de famille

Si de nombreuses familles préfèrent, en temps normal, acheter les maamouls dans des pâtisseries, cette année, le confinement aidant, certains cuisiniers et cuisinières ont été tentés par le "fait maison". Mais la crise économique étant passée par là, certains ont  opté pour des maamouls sans garniture, étant donné les prix exorbitants des pistaches et des noix.

Karen, la trentaine, n’a jamais mis les pieds en cuisine. Mais elle a décidé de profiter de ses vacances forcées pour apprendre à faire ces maamouls fourrés de pistaches ou de dattes, sous l’œil vigilant de sa mère qui lui transmet la recette de famille. « Ma fille croit qu’elle va apprendre à cuisiner en un mois, dit la maman, en fumant une cigarette sur son balcon. On est encore loin du compte, mais, au moins, on passe du temps ensemble ». « C’est plus difficile que je n’aurais pensé, et c’est beaucoup trop de beurre ! », confie, pour sa part, la jeune célibataire, déjà fatiguée.

Si les amateurs peuvent s'amuser de la situation, pour les professionnels, la réalité est amère. Joëlle est propriétaire d‘une pâtisserie dans la banlieue de Beyrouth. Pour elle, Pâques n'est pas une fête, mais une véritable catastrophe d’un point de vue commercial. « Nous n’avons rien vendu cette année, dit-elle. Nous n’avons même pas pris la peine de faire nos traditionnels œufs en chocolat, ni nos maamouls, ni nos arrangements. Tout cela est triste », dit-elle. Mais la jeune femme veut rester, envers et contre tout, positive. « La situation est terrible, mais cela ne nous empêche pas de vivre Pâques à la maison », assure-t-elle. Avec ses deux enfants, très jeunes, elle a passé une matinée à colorier des œufs de Pâques. « A la fête des Rameaux, ajoute-t-elle, j’ai mis dans le jardin comme un petit autel, que nous avons décoré avec des branches d’oliviers, du fait que nous ne pouvions pas aller à l’église. C’est un retour aux joies simples de la famille».


« Le goût de la fête »

Cette année aussi, les rites religieux ont été chamboulés, les fidèles ayant été appelés à suivre le chemin de croix à la télévision ou... sur les réseaux sociaux. Des chorales libanaises, comme le groupe Syncope, ont même mis en ligne une visite virtuelle de sept cathédrales dans le monde, lors du jeudi saint. A Hasbaya, un village du haut-Metn, le prêtre et deux diacres l’accompagnant ont sillonné les rues de la localité en 4x4, diffusant les étapes du chemin de croix via haut-parleur. « Nous ne pourrons les suivre jusqu’à l’église, mais nous sortons de notre maison quand ils passent, pour recevoir la bénédiction, explique une habitante de Hasbaya. C’est ainsi que nous avons l'impression d 'avoir vraiment pris part à la prière, et ce sera également le cas pour la messe du dimanche ».

Certains à travers le Liban ont décidé de faire de cette Pâques tellement particulière, dans un pays en butte à l'épidémie de Covid-19 mais aussi, avant cela, à une grave crise économique, une occasion de venir en aide aux plus défavorisés. C’est ainsi que Lamia Darouni et Maya Kanaan, à l’origine de l’idée « Une tartine du matin » pour assurer un petit-déjeuner aux écoliers qui ont faim, ont choisi de mener l’opération « Maamouls du matin ». « Nous sommes effarées par la misère qui sévit au Liban et touche tant de familles, explique Lamia Darouni. Beaucoup de pères de famille ont perdu leur travail. Comme nous recevons des dons pour venir en aide aux plus démunis, nous leur avons préparé des colis alimentaires. Je me suis ensuite dit qu’il serait peut-être bon d’apporter un peu de joie, en y ajoutant des « maamouls el-eid » ». « Avec l’association Rifak el-Darb avec qui nous collaborons, plus de 50 familles ont reçu cette année des « maamouls » et des œufs en chocolat, que nous avons achetés auprès de l’association Sesobel grâce aux dons des bienfaiteurs, poursuit-elle. Si nous sommes conscients que cela est plus cher que les colis alimentaires, ces quelques maamouls sont tout de même importants et très symboliques pour quiconque voudrait célébrer Pâques. Les personnes dans le besoin sont si nombreuses autour de nous, et en cette période de coronavirus, le partage est le vrai sens du Carême ».


C’est après avoir sorti du grenier son douzième panier de Pâques que Mireille, mère de famille, se sent enfin satisfaite. En ce week-end pascal, sa maison, à Ain Saadé, tient du « poulailler » festif haut en couleurs. Dans le salon, la salle à manger, l'entrée, trônent des œufs de toutes les couleurs en chocolat ou en plastique, des poussins et des poules qui chantent au premier...

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IL NE FAUT PAS FETER PAR RESPECT POUR LES MORTS DE CETTE PANDEMIE ET CE QUI NOUS ATTEND ENCORE.

LA LIBRE EXPRESSION

08 h 02, le 12 avril 2020

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Commentaires (1)

  • IL NE FAUT PAS FETER PAR RESPECT POUR LES MORTS DE CETTE PANDEMIE ET CE QUI NOUS ATTEND ENCORE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 02, le 12 avril 2020

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