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Culture - Ces couples confinés

Charif et Nayla Majdalani, ou « le bonheur de la vie familiale »

Si le confinement de l’écrivain et de la psychothérapeute a déplacé leurs quotidiens vers l’intérieur, tous deux continuant d’exercer leurs professions depuis leur domicile, cette période leur permet néanmoins de se délecter de moments de qualité en famille.

Portrait de Nayla Karamé Majdalani par Charif Majdalani, et vice versa. Photo DR

Impossible, en les évoquant, d’échapper à ce jeu de mots un peu sommaire. Dans leurs vies d’avant, alors que Nayla Karamé Majdalani mettait son intarissable savoir de psychothérapeute au service des maux invisibles de ses patients, son mari Charif emballait de ses mots les foultitudes d’épopées qui lui fleurissaient dans la tête. Aujourd’hui, comme un grand nombre de Terriens, on les retrouve repliés sur un nouveau quotidien qui s’installe entre les murs de leur appartement beyrouthin, en compagnie de leurs deux enfants. Un confinement « qui s’est fait progressivement, sans doute parce qu’on a eu tendance à minimiser les choses par désinvolture et surtout par détestation du catastrophisme », raconte l’écrivain, rattrapé par sa femme qui nuance : « Même si, au départ, les événements nous semblaient lointains et même si je m’opposais à l’idée de travailler à distance, j’ai dû m’y faire car ce qui se joue en ce moment et les précautions à prendre ne concernent pas l’individu seul, il est de l’ordre de la responsabilité collective. »

Un quotidien déplacé vers l’intérieur

Quand Nayla Majdalani résistait donc, dans un premier temps, à l’idée de numériser ses séances, sachant que « rien, à mon avis, ne peut réellement remplacer le contact humain ni l’espace physique contenant et sécurisant d’un cabinet », elle avoue se délecter à présent des plages de temps que lui offrent ses journées de travail « à la maison ». En revanche, Charif Majdalani assure qu’« à l’exception de mes cours qui se font désormais par vidéoconférence, mon planning est quasiment le même. De tout temps, je n’ai pu travailler autrement qu’à partir de la maison, depuis mon balcon ou mon bureau. Ce qui change néanmoins en ce moment, c’est la balance entre l’intérieur et l’extérieur, le fait de pouvoir écrire puis d’aller marcher dans les rues, de sentir les gens vivre. C’est cette respiration du quotidien, cette alternance entre dedans et dehors, entre mouvement et action qui me manquent. Et puis aussi, par moments, le fait de me réveiller le matin sans réelle perspective, de ne pas pouvoir me projeter dans l’avenir, même proche ». Cela dit, le couple s’accorde pour affirmer que le confinement aura simplement transporté leurs quotidiens, et ceux de leurs enfants, vers l’intérieur. Ainsi, l’avant-midi, tandis que Nadim, 15 ans, et Saria, 18 ans, s’essaient aux cours en ligne, le romancier et la psychothérapeute s’adonnent chacun à son activité. Pour elle, ce sont des patients qui, tour à tour, défilent sur son écran, et qu’elle épaule « comme je m’aide moi-même actuellement, en leur conseillant d’éviter d’être dans la passivité, de s’inscrire dans le moment présent plutôt que de se laisser aller à des scénarios catastrophe ». Et d’ajouter « qu’entre quatre murs, il y a aussi des couples qui n’ont jamais été habitués à se retrouver aussi longtemps en tête à tête ou dans la promiscuité quotidienne et qui connaissent donc des moments très difficiles ou de grandes tensions, sans possibilité de fuite ou de décompression ». Pendant ce temps, après avoir donné ses cours, le romancier se pose sur son balcon, « ma fenêtre sur le monde », qui surplombe un jardin public et d’où l’on voit la montagne. Ici, il a tout le silence qu’il lui faut pour retrouver la compagnie de Tolstoï au creux des pages de Guerre et paix, retravailler un texte sur lequel il planche depuis quelque temps, « l’histoire d’un homme confiné, mais en plein air, sur une plantation », dit-il, en riant presque de cette coïncidence. Ou, en prévision de ces soirées d’enfermement, dresser une liste des films à visionner, « on va commencer par Le Havre de Kaurismäki, puis Vertigo de Hitchcock ».

En sortir moins bêtes

En fin de journée, une fois les travaux des uns et des autres évacués, c’est la famille au complet qui se réunit autour d’un éventail d’activités dont chacune est cornaquée par l’un des enfants. « On a décidé de sortir moins bêtes de ce confinement. Alors, au lieu de dépenser notre temps et notre énergie à suivre les informations dont on connaît l’essentiel, dit Charif Majdalani, un coup ce sera Nadim qui improvisera pour nous une sorte de miniconférence portant sur le football et la politique, puis qui nous suggérera des morceaux de rap à écouter. Un coup ce sera Saria qui nous donnera un cours d’espagnol et nous initiera à la musique sud-américaine. » Quant à Charif et Nayla, ils espèrent transmettre à leurs enfants, au terme de cette période de confinement, quelques notions basiques de cuisine ou d’autres goûts musicaux, « les grands classiques, Barbara, Brassens, mais aussi Jimi Hendrix ou les ténors italiens qu’on redécouvre, maintenant que certains d’entre eux ont chanté sur leurs balcons en Italie ». La fête à la maison, en somme ? « Si on peut dire », concluent-ils avec une sérénité palpable, en dépit des pixels qui viennent parfois entraver notre appel vidéo : « Une fois cette période passée, on continuera à chérir ces moments passés en famille, ces moments précieux d’écoute et de partage. Car ce qui nous insupporte par-dessus tout, ce sont toutes ces blagues qui circulent sur les drames entre conjoints ou avec les enfants à cause du confinement. Pour nous, rien de cela. Ce que l’on vit ressemble simplement au bonheur de la vie familiale. »


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Impossible, en les évoquant, d’échapper à ce jeu de mots un peu sommaire. Dans leurs vies d’avant, alors que Nayla Karamé Majdalani mettait son intarissable savoir de psychothérapeute au service des maux invisibles de ses patients, son mari Charif emballait de ses mots les foultitudes d’épopées qui lui fleurissaient dans la tête. Aujourd’hui, comme un grand nombre de...

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oui ,la chance d'etre en famille !J.P

Petmezakis Jacqueline

10 h 28, le 09 avril 2020

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Commentaires (1)

  • oui ,la chance d'etre en famille !J.P

    Petmezakis Jacqueline

    10 h 28, le 09 avril 2020

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