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Société - Enlèvement

Dix jours dans une baignoire : le calvaire d’une mère de famille, victime d’un rapt crapuleux

Tandis que ses ravisseurs sont désormais derrière les barreaux, Caroline Haïdar raconte à « L’Orient-Le Jour » son enlèvement, le 25 février, à Kfar Hbab.

Caroline Haïdar dix jours après sa libération. Photo DR

Une semaine après son retour à la maison, Caroline Haïdar se sent seulement « un peu mieux ». L’expérience qu’elle vient de vivre, séquestrée pendant 10 jours – après son enlèvement à Kfar Hbab (Ghazir, Kesrouan) – dans une maison abandonnée à Hosrayel (Jbeil), est pour le moins traumatisante. En d’autres temps, la nouvelle de son rapt aurait fait beaucoup de bruit, d’autant que c’est bien la première fois, selon les Forces de sécurité intérieure (FSI), qu’une mère de famille est victime d’un enlèvement crapuleux. Mais l’affaire est survenue au moment où le pays était en ébullition en raison de l’épidémie de coronavirus qui s’est ajoutée à la crise économique et financière. Un facteur que les ravisseurs, aujourd’hui sous les verrous, ont sans doute voulu mettre à profit pour commettre leur méfait. « Je vais mieux depuis quelques jours, confie Caroline, installée dans son salon confortable à Kfar Hbab. Parfois la fatigue revient d’un coup, surtout quand je dois raconter de nouveau ce que j’ai vécu. Mais si cela peut sensibiliser les gens, les mettre en garde, je continuerai de le faire. » « Maman à plein temps » de quatre enfants, la jeune Libano-Australienne essaie aujourd’hui de retrouver une vie normale. « Je suis une femme forte et je crois que ce qui ne tue pas rend plus fort, dit-elle. Oui, une nouvelle vie m’a été offerte. J’ai tellement prié durant ces dix jours que je sais que Dieu m’a entendue et protégée. »

Très croyante, Caroline aura pu compter sur sa foi pour rester solide. « Quand je disais à mes ravisseurs que Dieu allait me donner raison et qu’il allait les punir, ils prenaient peur et me disaient de me taire, se rappelle-t-elle. Ils savaient qu’ils étaient dans l’erreur. » Aujourd’hui, ils sont tous derrière les barreaux, après une opération réussie menée par les services de renseignements des FSI, et dont les images ont fait le tour des réseaux sociaux. Sur la vidéo mise en ligne, l’on peut voir l’un des agents s’efforcer de rassurer la jeune femme, alors que les forces de l’ordre viennent d’entrer à l’endroit où elle était séquestrée. « N’aie pas peur, nous sommes avec toi. Ce sont les FSI », dit un des hommes à Caroline, effrayée et à bout de nerfs.

Une rançon de 300 000 dollars

Son cauchemar avait commencé dans la nuit du 25 février. « Cette nuit-là, je suis descendue dans le garage de l’immeuble. Je devais prendre ma voiture pour sortir, se souvient la jeune femme blonde. Il était environ 21h. Les lumières étaient bizarrement éteintes. J’ai ouvert la portière pour déposer mon sac dans la voiture avant de m’installer au volant quand deux hommes ont sauté sur moi. L’un d’eux était masqué, l’autre armé. J’ai d’abord cru qu’il s’agissait de voleurs et j’ai crié. » Caroline reçoit alors une première gifle de l’homme armé qui la pousse sur la banquette arrière. La jeune maman se débat tant bien que mal, mais en vain. « Je leur ai dit que j’avais des enfants, qu’ils pouvaient prendre mon argent, mon sac. Il m’a donné des coups de pied, essayé de me ligoter, pendant que l’autre prenait le volant. Je n’entendais que des jurons et des insultes. Quand la voiture a démarré, ils m’ont dit que leur “patron” allait demander de l’argent. J’ai alors compris qu’il ne s’agissait pas d’un simple vol… »

Ayant réussi à attacher Caroline, son agresseur ne se calme pas pour autant. Il lui assène de nombreux coups au visage, son arme toujours pointée sur la tête de sa victime. Ensuite, il lui demande le numéro de téléphone de deux de ses proches avant de balancer son portable par la fenêtre, pour éviter d’être géolocalisé. « J’avais très peur mais mon cerveau travaillait à cent à l’heure, poursuit Caroline, qui peine à contenir son émotion. Je me croyais dans un film ! On m’a recouvert le visage. Je n’ai rien pu voir jusqu’à ce que je me retrouve dans une baignoire, à la lumière d’une chandelle, les vêtements tachés de sang. J’y suis restée pendant 10 jours. Je priais tout le temps. On m’apportait de quoi manger mais je ne mangeais pas. Juste une barre de chocolat. J’avais peur de devoir utiliser les toilettes alors que la porte de la salle de bains était ouverte. »

Chaque jour, les ravisseurs de Caroline, dont l’un est resté masqué, l’obligent à enregistrer un message vocal qu’ils font entendre par la suite à son frère ou à son beau-frère, depuis une cabine téléphonique publique dans la Békaa. « Ce sont les deux numéros de téléphone que je leur avais donnés, puisque mon mari travaille à Dubaï, explique Caroline. Mes ravisseurs m’avaient assuré qu’ils ne voulaient pas me faire du mal et que je rentrerais chez moi si ma famille payait une rançon de 300 000 dollars. En fait, mes proches ont voulu payer la somme mais les services de renseignements le leur ont déconseillé, pour éviter encore plus de chantage. » « Les kidnappeurs sont devenus encore plus furieux, dit-elle encore. Ils me répétaient que l’État était pourri et que ma famille ne voulait plus de moi. »

Pendant que ses proches essaient de gagner du temps, ses quatre enfants voient leurs téléphones confisqués. On leur dit que leur mère a attrapé le coronavirus et qu’elle se fait soigner. « J’avais tellement peur pour eux, car mes ravisseurs avaient la clef de ma maison, se rappelle Caroline. D’ailleurs, la première chose que j’ai faite après ma libération, c’est de les serrer dans mes bras, avant même de prendre une douche ! »


(Pour mémoire : Les FSI publient une vidéo de la libération d'une femme enlevée le 25 février dans le Kesrouan)

« Les FSI savent ce qu’elles font »

Selon le communiqué dans lequel les FSI avaient annoncé la libération de la jeune femme, le rapt d’une mère de famille pour obtenir une rançon constitue une première au Liban. L’opération de sauvetage a été « menée avec une grande dextérité » pour ne pas mettre sa vie en danger, précise le texte. Les deux ravisseurs, eux, feraient partie d’un gang de 4 personnes au total : un Égyptien, un Syrien et deux Libanais, dont un qui avait déjà été jugé pour l’enlèvement d’un enfant en 2015 et qui avait passé pour cela quatre ans en prison. Si le communiqué ne précise pas comment la maison de Hosrayel a été localisée, il indique que les deux autres complices ont été arrêtés simultanément à Jounieh et à Ghazir. « Chaque opération nécessite des spécialistes pour prendre les bonnes décisions et en assurer le suivi, explique pour sa part le colonel Joseph Moussallem, chef du département des relations publiques auprès des FSI. Selon chaque cas, une approche différente doit être adoptée. Parfois, il est déconseillé de payer la rançon, parfois une petite somme fait l’affaire. Mais ce qui est sûr, c’est que les FSI savent ce qu’elles font. »

En dépit des remous que le Liban connaît depuis quelques mois, la situation au plan de la sécurité reste « stable et bien tenue », relève l’officier. « Beaucoup d’opérations de ce genre dans de nombreux pays se terminent par un drame, et c’est là que réside l’importance du travail accompli par les FSI. Leurs agents ont pu ramener la victime saine et sauve à sa famille, et arrêter les ravisseurs. » « Presque la totalité des enlèvements au Liban se soldent par l’arrestation des criminels, ce qui dissuade nombre d’entre eux de commettre de tels faits », ajoute le colonel Moussallem. Le 5 mars, les FSI avaient réussi à libérer également un homme de 62 ans, enlevé à Béqaata et séquestré à Aatrine, dans le Chouf, par trois Syriens. Les ravisseurs avaient également été arrêtés.Ces succès ne semblent pas rassurer Caroline pour autant. « Cela fait six ans seulement que je vis au Liban. J’ai toujours senti que le pays était plus sûr que l’Australie où je ne sortais pas seule la nuit. Ils m’ont peut-être choisie parce que je suis une femme qui vit seule, ma famille étant à l’étranger. Cet incident a changé en quelque sorte ma vision du pays, moi qui suis une femme très indépendante. Heureusement que c’est moi qu’on a enlevée et non pas un de mes enfants. Je serais effondrée. »

Aujourd’hui, Caroline veut apprendre à se servir d’une arme à feu et souhaite que ses enfants, surtout ses filles, apprennent les arts martiaux pour pouvoir se défendre. « Je leur apprends à ne plus faire confiance à n’importe qui », explique-t-elle. À l’origine de sa méfiance, le fait que c’est à cause du concierge de l’immeuble voisin qu’elle a été enlevée. « C’est notre concierge qui fournissait à ce dernier des informations lorsqu’il lui posait des questions concernant mes déplacements », raconte-t-elle. À la question de savoir si elle se sent plus forte ou affaiblie après cette expérience cauchemardesque, Caroline répond sans hésiter : « Presque invincible. La menace du coronavirus me semble quasiment dérisoire en comparaison ! »

Une semaine après son retour à la maison, Caroline Haïdar se sent seulement « un peu mieux ». L’expérience qu’elle vient de vivre, séquestrée pendant 10 jours – après son enlèvement à Kfar Hbab (Ghazir, Kesrouan) – dans une maison abandonnée à Hosrayel (Jbeil), est pour le moins traumatisante. En d’autres temps, la nouvelle de son rapt aurait fait beaucoup de...

commentaires (7)

MADAME VOUS AVEZ SUBIT UN CALVAIRE QUI, HEUREUSEMENT S'EST BIEN TERMINE BONNE CHANCE POUR L'AVENIR MAIS CETTE EPREUVE RESTERA MAHEUREUSEMENT LONGTEMPS DANS VOTRE MEMOIRE COURAGE DONC, LE PIRE EST PASSE

LA VERITE

04 h 12, le 20 mars 2020

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • MADAME VOUS AVEZ SUBIT UN CALVAIRE QUI, HEUREUSEMENT S'EST BIEN TERMINE BONNE CHANCE POUR L'AVENIR MAIS CETTE EPREUVE RESTERA MAHEUREUSEMENT LONGTEMPS DANS VOTRE MEMOIRE COURAGE DONC, LE PIRE EST PASSE

    LA VERITE

    04 h 12, le 20 mars 2020

  • Trop, c'est trop !Le Liban ne peut pas accueillir toute la racaille du monde. Un Egyptien et un Syrien qui enlèvent une jeune mère de famille à Kfar-Hbab en plein coeur du Kesrouan puis la séquestrent brutalement et sauva

    Un Libanais

    20 h 59, le 19 mars 2020

  • lorsqu'on visitait le general Aoun exil en France, il nous disait que le fait de ne pas embaucher des syriens doit être un acte de résistance, les temps changent .....

    Élie Aoun

    20 h 21, le 19 mars 2020

  • Les bêtes sauvages récidivistes devraient être incarcérés sans possibilité de sortir - dans des quartiers carcéraux sans contrôle en leur fournissant juste de quoi manger et boire. Bravo les FSI et alhamdellah alla salameta.

    Shou fi

    19 h 37, le 19 mars 2020

  • Chapeau pour cette femme courageuse , une heroine aux nerfs d'acier . Enfin encore une fois les concierges étrangers ne doivent pas travailler au Liban .

    Antoine Sabbagha

    17 h 59, le 19 mars 2020

  • COMME DANS U.N FILM DE SERIE MAFIEUSE

    JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA

    17 h 59, le 19 mars 2020

  • Un vrai calvaire , pauvre dame . Hamdellah 3a Salamé Mme Haidar , vous vous en êtes sortie saine et sauve , par les temps qui courent c'est le plus important .

    FRIK-A-FRAK

    17 h 06, le 19 mars 2020

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