Alors que le secteur de la justice, comme l’ensemble du pays, est entré dans une période de léthargie du fait des décisions drastiques du gouvernement visant à lutter contre le coronavirus, le tribunal militaire a décidé hier de libérer l’ex-responsable de la milice pro-israélienne de l’Armée du Liban-Sud (ALS), Amer Fakhoury, après avoir abandonné les charges de torture de prisonniers à la prison de Khiam en 1998 dont il avait été, à une certaine époque, le commandant.
Le tribunal a jugé que les crimes de Fakhoury tombaient sous le coup de la prescription. L’ancien responsable de l’ALS, détenteur de la nationalité américaine, n’a pas comparu devant le tribunal selon des sources judiciaires, puisqu’il se trouve à l’hôpital et souffre, selon son avocat, de leucémie.
Selon des sources politiques, la décision du tribunal intervient à la suite d’une réunion qui se serait tenue la semaine dernière entre Gebran Bassil et Hassan Nasrallah, au cours de laquelle le chef du Courant patriotique libre aurait, entre autres, exprimé au secrétaire général du Hezbollah son souhait de voir l’afffaire Fakhoury close.
Elle intervient également peu après la prise de fonctions de la nouvelle ambassadrice américaine, Dorothy Shea, considérée comme plus radicale qu’Elizabeth Richard, qu’elle a remplacée. Les États-Unis ont fait pression depuis son arrestation sur le gouvernement libanais pour obtenir sa libération.
« Nous considérons que la libération de l’agent Amer Fakhoury est une soumission aux pressions américaines », a déclaré à L’OLJ le chef du centre de Khiam pour la réhabilitation des victimes de la torture, Mohammad Safa, qui a dénoncé la justice libanaise. Il a estimé que Fakhoury avait été libéré avant la fermeture de l’Aéroport international de Beyrouth mercredi pour qu’il puisse être rapatrié à temps.
Bravant l’interdiction de rassemblement décrétée par les autorités pour lutter contre la propagation du coronavirus, d’anciens prisonniers de Khiam ont manifesté hier soir devant le tribunal militaire.
Surnommé par ses victimes le « bourreau de Khiam », M. Fakhoury est notamment accusé d’avoir provoqué la mort de deux détenus, ainsi que de tentatives de meurtre, d’enlèvements et de tortures à partir de 1985. Il fait l’objet d’un second procès intenté par d’anciens détenus de Khiam. Il avait été arrêté le 12 septembre 2019, sous la pression de l’opinion publique et notamment des anciens détenus de la prison de Khiam, peu après son retour au Liban.
En 1996, il avait été condamné par contumace à 15 ans de prison pour collaboration avec Israël. Se croyant couvert par la prescription, il est rentré au pays en septembre dernier, ne s’attendant pas à ce que les autorités l’appréhendent pour d’autres crimes, notamment la torture et la mort d’anciens détenus, ou l’obtention présumée de la nationalité israélienne.
Les États-Unis s’étaient mobilisés en sa faveur et des agents consulaires s’étaient rendus à son chevet à l’hôpital. Fin février, la sénatrice américaine démocrate Jeanne Shaheen, qui se mobilisait pour obtenir la libération de l’ancien responsable de l’ALS, avait présenté un projet de loi bipartisan avec le sénateur républicain Ted Cruz, prévoyant des sanctions contre les responsables libanais impliqués dans la détention ou l’arrestation de tout citoyen américain au Liban, après le « refus », selon elle, des autorités libanaises de libérer Fakhoury.
Pour mémoire
Amer Fakhoury, un dossier épineux entre Washington et Beyrouth
commentaires (6)
La nationalité américaine a donc gagné, et à bon entendeur salut .
Antoine Sabbagha
10 h 47, le 17 mars 2020