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À La Une - Essai

Les petits secrets du Grand Liban

L'écrivain François Boustani. Photo D.R.

Un de plus ! Les livres sur l’Histoire du Liban sont déjà si nombreux que celui-ci pourrait donner l’impression d’une répétition inutile et provoquer chez le lecteur une réaction de rejet ; la ferme volonté de ne pas relire une histoire que l’on connaît déjà. Ce serait une erreur, à plus d’un titre…

Tout d’abord parce que l’auteur s’intéresse aussi, et peut-être même surtout, à tous ces détails que l’on néglige au profit de l’essentiel. Ensuite parce qu’il est bon d’analyser les conditions de la création du Liban actuel pour le comprendre ; du déclin de l’Empire ottoman à la naissance de la République libanaise.

Tout y est. Les manifestations du déclin de cet Empire, sa méfiance envers la France et la Grande-Bretagne, son inclination envers l’Allemagne, les accords (secrets, provisoires, révélés sans pour autant être honnêtes), la rivalité franco-française (entre Vichy et la Résistance), la rivalité franco-britannique incarnée par l’opposition entre le général Spears et le général Catroux (opposition qualifiée de « duel du faucon et de l’épervier »), le bilan positif (quoi qu’on en dise) du mandat. « Le Liban fait partie du même tissu sociologique et culturel que le reste du Levant. » Et pourtant, c’est bel et bien une « entité libanaise distincte », une « nation singulière » qui a vu le jour. Comprendre pourquoi et comment un tel phénomène a pu se produire est le fil conducteur de cette analyse. Car c’est bien plus qu’un simple récit. De fait, les récits historiques concernant le Liban sont le plus souvent « marqués par la subjectivité ». « Les différentes communautés libanaises ont beau avoir vécu les mêmes événements, elles n’en ont pas conservé les mêmes souvenirs. »

François Boustani n’occulte aucun aspect de l’Histoire ; il semble que rien de ce qui la concerne ne lui soit étranger. C’est ainsi qu’il nous livre de nombreux détails inattendus. Il nous révèle, à titre d’exemple, que les martyrs de la Première Guerre mondiale étaient examinés par un médecin militaire « pour s’assurer de leur bonne santé avant l’exécution ». Nous sommes légitimement en droit de nous demander pourquoi…

Farouche adversaire de l’enseignement catholique, Jules Ferry versa pourtant une « aide inattendue » de 150 000 francs au père jésuite Rémi Normand pour financer l’ouverture d’une école de médecine au sein de l’Université Saint-Joseph, laquelle devint en 1889 la Faculté française de médecine et de pharmacie. Quant à la mise à l’écart de l’émir Faysal, elle ne s’est faite qu’après le départ de Clemenceau. Il n’en demeure pas moins que l’« Accord provisoire » entre l’émir et le Tigre fut signé au terme d’une entrevue de dix minutes.

Parce qu’il s’agit du Liban, l’auteur accorde une importance toute particulière aux spécificités de chacune de ses dix-huit communautés religieuses ainsi qu’aux circonstances de leur implantation dans ce pays. Implantation suivie par celle de Congrégations religieuses dont le rôle fut loin d’être négligeable. Boustani qualifie la peur des minorités chrétiennes orientales d’« atavique », transmise dès la naissance par les récits des persécutions qui ont jalonné leur histoire. Le génocide arménien « raviva les peurs ancestrales (…) et confirma les maronites dans leur volonté d’obtenir un État indépendant ».

Conçu dans des « circonstances improbables », le Grand Liban portait en lui les germes d’une contradiction, « source de sa complexité et de sa richesse, mais aussi à l’origine de sa fragilité. Voulu par les milieux catholiques comme un foyer national, il sera un pays multiconfessionnel ». Son « identité tiraillée » s’explique, entre autres, par le fait que le nationalisme arabe a débuté sur « un malentendu. Pour les chrétiens, il était exclusivement arabe, alors que pour les musulmans, il ne pouvait être dissocié de l’islam ». Contesté dès sa création, le Liban s’est imposé comme une évidence, un exemple de cohabitation, un message.

Se contenter des grandes lignes ne suffit pas ; les réponses se dissimulent bien souvent dans les détails trop vite ignorés. C’est ainsi que François Boustani fait apparaître, sous nos yeux étonnés, une histoire du Liban que l’on croyait connaître mais que l’on ne connaissait pas…


Liban, genèse d'une nation singulière de François Boustani, Erick Bonnier, 2020, 430 p.


Lire l'intégralité de L'Orient littéraire ici



Un de plus ! Les livres sur l’Histoire du Liban sont déjà si nombreux que celui-ci pourrait donner l’impression d’une répétition inutile et provoquer chez le lecteur une réaction de rejet ; la ferme volonté de ne pas relire une histoire que l’on connaît déjà. Ce serait une erreur, à plus d’un titre…Tout d’abord parce que l’auteur s’intéresse aussi, et peut-être...

commentaires (2)

Il fallait faire le Grand Liban et on aurait pas le Hezbollah

Eleni Caridopoulou

20 h 19, le 15 mars 2020

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Commentaires (2)

  • Il fallait faire le Grand Liban et on aurait pas le Hezbollah

    Eleni Caridopoulou

    20 h 19, le 15 mars 2020

  • "La rivalité franco-française (entre Vichy et la Résistance). Réellement entre la France soumise aux Allemands installée à Vichy et le Gouvernement de la France libre du général de Gaulle qui continue le combat installé à Londres. La rivalité franco-britannique, entre le général Catroux (5 étoiles) et le général de brigade temporaire Spears, avait commencé le 1/1/1942 à la nomination de ce dernier ministre plénipotentiaire en Liban et en Syrie, avec pour seule mission évincer toute présence française au Moyen-Orient. Le 31/12/1946, les deux pays quitteront le Liban. Le général Georges Catroux resta au Levant du 14/7/41 à 7/6/43. Le général Edward Spears restera au Levant du 1/1/42 à nove 44.

    Un Libanais

    18 h 49, le 15 mars 2020

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