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Culture - Sélection

Une, deux, quatre, huit... femmes, singulières et plurielles

La Journée internationale des droits de la femme, célébrée il y a quelques jours (le 8 mars), constitue une belle occasion pour se remémorer les films cultes mettant les filles d’Ève à l’honneur. En voici quatre, dans lesquelles chaque héroïne défend à sa manière la féminité pour la mettre au service des autres.


« Huit femmes », de François Ozon. Photos DR

« The Wife », de Bjorn Runge

Le film commence au petit matin, au moment où un septuagénaire, Joe Castleman (Jonathan Pryce), pénètre dans la chambre conjugale et tente de convaincre son épouse (Glenn Close) de coucher avec lui, pour l’aider à mieux s’endormir. Un raisonnement typiquement masculin et une situation absurde pour cette femme, visiblement agacée, qui finira par céder et accepter malgré son évident manque d’envie. Le décor est planté et le ton du film est donné. Car si elle a fini par dire oui, c’est sans doute parce qu’elle a l’habitude de subir ce genre de pressions : le mâle commande, la femme subit. Le téléphone qui sonne va la sauver et interrompre ce qui finalement était un rapport unilatéral. Le coup de fil est annonciateur d’une grande nouvelle : on va attribuer à Joe, romancier de son état, le prix Nobel de littérature.

Cette consécration d’un écrivain au faite de sa carrière, qui devrait être une célébration joyeuse, augurera un voyage dans les ténèbres et l’ébranlement de la vie conjugale. The Wife, réalisé par le Suédois Bjorn Runge, résonne aujourd’hui comme le combat de toutes les femmes qui se voient dénaturées par la gent masculine pour être exhibées en bibelot et convaincues que rien ne pourra davantage les combler que ce statut. Derrière chaque homme, il y a une femme, dit-on. Et pourquoi pas devant ?

« Thelma et Louise », de Ridley Scott

Sorti en 1991, Thelma et Louise de Ridley Scott n’a pas pris une ride. Trente ans plus tard, il est toujours aussi drôle. Et aussi grave. Susan Sarandon et Geena Davis incarnent deux amies fatiguées par leur quotidien, l’une avec son mari et l’autre avec son petit ami.

Elles décident un matin de se payer une virée libératrice pour quelques jours. Mais un imprévu transforme cette escapade en fuite. Ce film révolutionnaire qui a marqué son époque était le film à voir longtemps après sa sortie. Un film sur des femmes qui prennent leur destin en main, faisant fi de l’univers des hommes. Un jalon de féminisme absolu.

Geena Davis, féministe acharnée depuis les années 80, a d’ailleurs créé une fondation où sont menées des recherches sur les disparités de genre dans les médias, afin d’illustrer, de manière imparable, les inégalités hommes-femmes.

Dans Thelma et Louise, qui a révélé ces deux actrices, Ridley Scott dépeint les hommes comme faibles, roublards et veules. La meilleure chose face à un film, c’est de s’identifier aux héros et aux héroïnes. Or, on court-circuite profondément les femmes en leur proposant si peu de personnages féminins forts auxquels s’identifier. Les hommes y ont quasi systématiquement droit. C’est beaucoup plus rare pour une femme. Thelma et Louise l’a permis.

« Femmes au bord de la crise de nerfs », de Pedro Almodóvar

Pedro Almodóvar a toujours placé les femmes au centre de ses films. Connu pour l’amour, l’estime et le respect qu’il leur porte, le cinéaste met en scène des personnages forts et provocants, des drag queens, des lesbiennes et des masochistes, qui évoluent dans des récits rocambolesques, entre drame et joie. Comme dans un théâtre de marionnettes, ses personnages se confrontent dans l’émotion et l’humour avec beaucoup d’exagération. Femmes au bord de la crise de nerfs, réalisé en 1988, ne déroge pas à cette règle. Il raconte l’histoire d’Ivan et Pepa, deux comédiens de doublage, qui prêtent leurs voix aux grandes stars du cinéma et se jurent chaque matin, dans la pénombre du studio, un amour éternel. Mais Ivan abandonne subitement Pepa. Celle-ci va mener son enquête et découvrir la double vie de l’homme qu’elle aime.

Les deux personnages masculins principaux n’ont qu’une importance scénaristique ; l’un n’est quasiment présent que par la voix – après tout, c’est un doubleur – une voix séductrice, mais dont on ne peut jamais vérifier les intentions du fait de sa distance.

L’autre, son fils, est un observateur distant qui ne comprend pas toujours tout et doit démêler ce patchwork féminin. Femmes au bord de la crise de nerfs est un film ludique dans la mise en images, où Almodóvar, comme à son habitude, organise une reconstruction méthodique du puzzle qui mènera à la résolution du mystère.


« Huit femmes », de François Ozon

Nous sommes dans les années 50. Dans une maison bourgeoise, huit femmes se préparent à fêter Noël. La seule figure masculine est le maître de maison fraîchement assassiné, un couteau planté dans le dos. Son épouse, ses deux filles, sa sœur, sa belle-mère, sa belle-sœur, la bonne et la cuisinière, tout le monde est soupçonné.

Les accusations fusent, les rivalités opposent et les crêpages de chignons se multiplient.

On pourrait assimiler ce scénario à un roman d’Agatha Christie, mais François Ozon utilise l’intrigue comme prétexte pour peindre une fresque féminine. Catherine Deneuve, Virginie Ledoyen, Danielle Darrieux, Fanny Ardant, Isabelle Huppert, Emmanuelle Béart, Ludivine Seigner, Firmine Richard, tantôt en grimaces et tantôt en gueulantes névrosées, sont drôles, uniques, souvent touchantes. Elles sont, chacune d’elles, l’archétype de la femme.

Une de ses facettes. Ce huis clos théâtral, exclusivement interprété, donc, par des femmes, intègre dans l’action des scènes chantées et dansées, rendant l’ambiance loufoque et gaie.

Huit femmes est un pur plaisir pour les yeux et des oreilles, un monument à plusieurs lectures, bref, que du bonheur.

Le film donne l’occasion à chacune des actrices de briller par un numéro musical. Une œuvre sur la féminité sans artificialité aucune et où il ne faut pas voir ou chercher de message « féministe » politique ou revendicateur. Une fantaisie policière, corrosive et endiablée !


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