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Politique - Crise

L’incursion bancaire du procureur financier jugée malencontreuse et bâclée

Pour l’ancien ministre Ziyad Baroud, « par-delà le populisme, il y a dans l’opinion une attente légitime qu’il faut satisfaire ».

L’incursion du procureur financier Ali Ibrahim, jeudi, dans les affaires bancaires a été diversement commentée, hier, aussi bien par les juristes que par des politologues. La saisie conservatoire des avoirs de vingt et une banques et des avoirs des présidents de leurs conseils d’administration, gelée in extremis le jour même par le procureur général Ghassan Oueidate, a certes suscité l’indignation. Mais elle est avant tout apparue comme bâclée et entachée de plusieurs vices de forme et de fond.

Selon l’ancien ministre et juriste Ziyad Baroud, « la décision n’est pas claire, elle ne fait pas, en particulier, de distinction entre avoirs fixes et avoirs courants, laissant croire que les avoirs des déposants ont, eux aussi, été gelés, ce qui est inconcevable, puisque, même déposés en banque, ils demeurent patrimoine des déposants », précise-t-il.

On sait que M. Oueidate a gelé la décision « en attendant d’en mesurer l’impact sur la monnaie, les transactions bancaires, les dépôts et la sécurité économique ».

« Par ailleurs, ajoute M. Baroud, une saisie conservatoire, par définition, a un caractère provisoire. Elle envoie devant un juge d’instruction et ouvre la voie à une enquête. Or, aucune disposition de cette nature n’a été prise par M. Ibrahim, qui n’a pas fixé de date limite au gel des avoirs. »

En outre, enchaîne en substance l’ancien ministre, le procureur n’a pas rendu publics les attendus de sa décision. On ne sait pas sur quel chef de compétence il a agi. Tout ce que l’on sait, c’est que le procureur financier avait entendu, la veille, les propriétaires et directeurs de ces banques. Une décision aussi grave ne pouvant être prise que sous le chef de compétence d’un délit au code de la monnaie et du crédit, M. Ibrahim aurait dû, avant d’agir, obtenir l’autorisation du gouverneur de la Banque du Liban, comme le prévoit le code de procédure pénale. Ce code exige même que la demande et l’accord soient faits par écrit. Or, M. Ibrahim n’a fait aucune allusion à cet accord. De source informée, L’OLJ apprend d’ailleurs que le gouverneur n’a pas été informé au préalable de sa démarche.

« Enfin, conclut sur ce point M. Baroud, l’article 21 du code de procédure pénale est tout à fait clair : “Le procureur général financier exerce ses prérogatives sous la supervision du procureur général de cassation”. L’article 16 du code de procédure pénale précise même qu’il doit donner ses instructions par écrit. Apparemment, cela n’a pas été fait, un manquement qui justifie à lui seul la décision de gel prise par M. Oueidate. »


Un séisme
Sur le plan politique, la décision du procureur financier a provoqué un véritable séisme et laissé un désagréable sentiment de gâchis, à l’heure même où le Liban souhaite faire bonne figure aux yeux de la communauté internationale. On a même l’impression qu’elle a renforcé la conviction de beaucoup qu’au Liban, la justice est instrumentalisée, ce qui rend plus problématique un processus de reddition des comptes crédible et transparent.

À l’exemple de ce qu’avaient fait la veille Walid Joumblatt et Saad Hariri, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a critiqué hier la décision du procureur financier, qu’il a comparée à une « mesure de nationalisation » des banques.

« Le procureur financier Ali Ibrahim a pris hier une mesure sans justification et sans base juridique, ce qui fait que cette décision se rapproche d’une mesure de nationalisation (…). Il faut certes que les banques rendent des comptes pour leur négligence. Mais cela doit se faire dans un cadre légal et ne doit pas servir à couvrir les violations énormes commises par les autorités politiques », a estimé M. Geagea dans un tweet.

À ce sujet, emboîtant le pas hier au président de la Chambre, Nabih Berry, le chef de l’État, Michel Aoun, a démenti être l’inspirateur de la décision du procureur financier. Mais selon un politologue qui a préféré garder l’anonymat, « l’opinion sait que les figures responsables de l’effondrement de l’État cherchent un bouc émissaire auquel faire endosser la responsabilité de la catastrophe. Pour les parrains du gouvernement, qui nagent dans le populisme, le bouc émissaire idéal, ce sont les banques ».

Pour sa part, et « sans être naïf », Ziyad Baroud estime que l’épilogue provisoire de cette affaire « ne veut pas dire que les banques sont sorties gagnantes ». « Par-delà le populisme, affirme-t-il, il y a dans l’opinion une attente légitime qu’il faut satisfaire. »


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L’incursion du procureur financier Ali Ibrahim, jeudi, dans les affaires bancaires a été diversement commentée, hier, aussi bien par les juristes que par des politologues. La saisie conservatoire des avoirs de vingt et une banques et des avoirs des présidents de leurs conseils d’administration, gelée in extremis le jour même par le procureur général Ghassan Oueidate, a certes suscité...

commentaires (3)

Le juge est soumis à Berri parait il sur la base de ce qu'on a lu et entendu partout. Allez voir la source. Malgré le démenti de ce dernier, on sait bien qu'il intervient et manipule certains dossiers. Au fait, où sont déjà les agresseurs qui ont tout pillé et tabassé au centre ville ? Où sont les agresseurs de la police du parlement payée par Berri aussi ? Où sont les agresseurs se déclarant d'Amal qui ont agressé la chaine TV Al jadeed ? Ils ont disparu et aucun dossier d'instruction en cours.. Bizarre de la part d'un type qui dit "ne pas intervenir dans les dossiers de la justice"... De qui se moque t on là? !!!

LE FRANCOPHONE

17 h 02, le 07 mars 2020

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Commentaires (3)

  • Le juge est soumis à Berri parait il sur la base de ce qu'on a lu et entendu partout. Allez voir la source. Malgré le démenti de ce dernier, on sait bien qu'il intervient et manipule certains dossiers. Au fait, où sont déjà les agresseurs qui ont tout pillé et tabassé au centre ville ? Où sont les agresseurs de la police du parlement payée par Berri aussi ? Où sont les agresseurs se déclarant d'Amal qui ont agressé la chaine TV Al jadeed ? Ils ont disparu et aucun dossier d'instruction en cours.. Bizarre de la part d'un type qui dit "ne pas intervenir dans les dossiers de la justice"... De qui se moque t on là? !!!

    LE FRANCOPHONE

    17 h 02, le 07 mars 2020

  • Ils ont pompé les banques jusqu’à fatiguer et maintenant ils les diabolisent Bande d’ingrats comme pour les pays du Golfe que vous avez invectivé et maintenant vous mendiez pour un regard d’eux estimez vous heureux qu’ils ne renvoient pas nos ressortissants car Nasrallah ceux là il ne peut pas les envoyer en Syrie pour faire baisser les demandeurs d’emploi.!

    PROFIL BAS

    11 h 50, le 07 mars 2020

  • Si un procureur financier prend de telles décisions contraires à toutes les règles élémentaires qu'exige la situation... cela situe le niveau de compétence ou peut être le fait de désigner un bouc émissaire qui assumerait la responsabilité de la catastrophe qui nous attend. L'on doit convenir que cette décision fait plutôt désordre.

    C…

    00 h 23, le 07 mars 2020

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